REALISATEUR & SCENARISTE
Robert Fuest, d’après le roman de Michael Moorcock
DISTRIBUTION
Jon Finch, Jenny Runacre, Patrick Magee, Harry Andrews, Derrick O’Connor, Sarah Douglas, Ronald Lacey, Sterling Hayden…
INFOS
Long métrage britannique
Genre : science-fiction
Titre original : The Final Programme
Année de production : 1973
Dans mes lectures, j’ai eu une petite période Michael Moorcock il y a quelques années (j’ai ralenti la cadence depuis). Dans ma bibliothèque, il y a notamment tous les Elric, tous les Hawkmoon, tous les Corum, les Erekosë et les Von Bek traduits en France (ce qui ne représente qu’une petite partie de son oeuvre). Mais il y a un personnage qui m’avait échappé à l’époque et que je n’ai toujours pas lu depuis, Jerry Cornelius, l’une des nombreuses incarnations du Champion Eternel, figure récurrente des écrits de Moorcock.
Jerry Cornelius, dandy en chemise à jabots, physicien, Prix Nobel, assassin, politicien, super-espion, rock star…messie !
Il n’y a eu qu’une seule adaptation cinématographique des livres de Michael Moorcock et c’est The Final Programme (Le Programme Final en version française, devenu Les Décimales du Futur au cinéma), premier volume du « Cornelius Quartet » publié à l’origine en 1968. Comme je le soulignais plus haut, je ne l’ai pas lu, mais après avoir jeté un oeil au résumé disponible sur la toile, l’histoire semble, dans les grandes lignes, assez fidèle : après avoir assisté à l’enterrement de son père, un grand scientifique, dans un désert de Laponie, Jerry Cornelius est approché par un homme qui l’informe que les dernières recherches de son père, cruciales pour l’avenir d’une humanité en plein chaos, se trouvent sur un microfilm caché dans la demeure familiale des Cornelius.
Jerry Cornelius y voit l’occasion de se débarrasser une fois pour toutes de son frère, qu’il déteste (de vrais Caïn et Abel ces deux-là), et de lui reprendre leur soeur, Catherine (Sarah Douglas, la future Ursa des Superman de Richard Donner, dans son premier rôle au cinéma), pour qui il exprime des sentiments plus que fraternels. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu…Cornelius va également découvrir que les recherches de son père sont convoitées par une certaine Miss Brunner, « vampire sexuel » qui cherche à activer le « Programme Final » : créer un messie, un être double, hermaphrodite, auto-fertilisateur et auto-régénérateur !
Le premier choix du réalisateur Robert Fuest pour incarner Jerry Cornelius fut Mick Jagger…qui préféra refuser le rôle parce qu’il trouvait le scénario trop « bizarre ». Après que le futur James Bond Timothy Dalton fut un temps envisagé, c’est finalement Jon Finch, qui venait de jouer dans Frenzy, l’avant-dernier film réalisé par Alfred Hitchcock, qui enfila la chemise à jabots de Jerry Cornelius. Bon acteur, vu également dans deux productions Hammer (The Vampire Lovers et Les Horreurs de Frankenstein), Jon Finch manque tout de même d’un chouïa de charisme dans ce rôle en particulier (et ce malgré des répliques savoureuses et déclamées de façon détachée) et il se fait souvent voler la vedette par la troublante Miss Brunner (Jenny Runacre), qui a la particularité de consumer littéralement ses partenaires sexuel(le)s (« - comment tu as trouvé ta nouvelle secrétaire ? » " - « Délicieuse ! »).
Il n’y pas que Mick Jagger qui a trouvé le script bizarre. D’après Michael Moorcock, le vétéran George Coulouris, qui interprète l’un des scientifiques de Miss Brunner, était totalement déconcerté par cette histoire…à tel point que l’auteur a du expliquer aux acteurs en plein tournage qu’il avait conçu le roman comme une « comédie ». Cette perplexité explique peut-être en partie les différences de ton de ce film inclassable et inégal, décalé et décousu, souvent divertissant dans son non-sens appuyé et parfois ennuyeux par ses chutes de rythme.
Le réalisateur britannique Robert Fuest est surtout connu pour le diptyque de L’Abominable Dr Phibes avec le grand Vincent Price. Il a aussi réalisé plusieurs épisodes de la série Chapeau Melon et Bottes de Cuir, influence que l’on retrouve par exemple dans les décors élaborés des Décimales du Futur (la maison truffée de pièges de la famille Cornelius, le Bar/salle de jeux en forme de flipper géant…). Les scènes tournées en extérieur témoignent tout de même du budget très restreint et n’arrivent qu’en de rares exceptions (comme la vision de la Tamise où s’entassent des carcasses de voiture…mais son impact est un peu réduit car ce n’est pas un plan large) à restituer une ambiance de fin du monde.
Et puis il y a ce final absurde, psychédélique, et ce « messie hermaphrodite » grotesque qui vient au monde dans une ancienne forteresse nazie…oui, Les Décimales du Futur est un film bizarre, déséquilibré, étonnant…un pur produit de son époque que Michael Moorcock a fini par désavouer (et depuis, il n’y a donc pas eu d’autres tentatives de porter à l’écran un autre de ses romans).