REALISATEUR
Gary Goddard
SCENARISTE
David Odell
DISTRIBUTION
Dolph Lundgren, Frank Langella, Meg Foster, Billy Barty, Courteney Cox, Jon Cypher, Chelsea Field, James Tolkan…
INFOS
Long métrage américain
Genre : aventures/science-fiction
Titre original : Masters of the Universe
Année de production : 1987
Les Maîtres de l’Univers est à l’origine une lucrative licence de jouets lancée par Mattel en 1981. Suite au succès du merchandising Star Wars, le fabricant avait eu l’idée d’une nouvelle gamme aux influences S.F. et héroïc-fantasy (parce que les comic-books de Conan le Barbare étaient très populaires à l’époque) : l’histoire développée dans les différents « mini-comics » accompagnant chaque figurine (un certain Bruce Timm y a d’ailleurs signé quelques unes de ses premières bandes dessinées) raconte la lutte du « Conan blond » Musclor (He-Man dans la version originale) et ses compagnons d’armes contre les forces du maléfique Skeletor sur la planète Eternia.
Pour aider à la promotion de ses jouets, Mattel s’est associé avec Filmation pour produire une série animée qui deviendra un énorme succès (la fameuse phrase « Par le pouvoir du crâne ancestral, je détiens la force toute-puissante » a marqué tous ceux qui ont grandi dans les années 80). Les Maîtres de L’Univers ont été déclinés sur tous les supports (Superman a même rencontré Musclor pendant l’année où DC a eu les droits de la franchise). Et le cinéma s’est très vite intéressé au potentiel de cet univers vu que le scénariste David Odell a travaillé sur les premières ébauches du scénario dès 1984 (et il y a également eu le long métrage d’animation Le Secret de l’Epée en 1985).
Après avoir fait le tour de quelques grands studios, le projet s’est retrouvé entre les mains de Menahem Golan et Yoram Globus, les big boss de la Cannon, rois du bis à petit budget (tout en distribuant des films d’auteur, comme Roger Corman en son temps). La Cannon, c’était, entre autres, la maison des ninjas (des ninjas blancs, des ninjas américains, des ninjas à moustache…), de Michael Dudikoff, de Chuck Norris, d’un Charles Bronson qui aurait du partir à la retraite depuis longtemps, des sous-Indiana Jones et des plus mauvais films de Sylvester Stallone. En 1987, la Cannon tentait encore vainement de mettre sur pied une adaptation de Spider-Man et avait récupéré les droits cinématographiques de Superman (pour le résultat catastrophique que l’on connaît).
Superman IV et Les Maîtres de l’Univers font partie des productions les plus chères de la Cannon (environ 17 millions de dollars chacune, ce qui n’était pas vraiment suffisant…rappelons que le premier Superman avait coûté 55 millions de dollars en 1978). L’échec critique et financier des deux films contribua à mettre encore plus à mal les finances de la Cannon, qui ferma boutique peu de temps après.
Dolph Lundgren fut le premier acteur engagé et le premier choix des producteurs (pas celui du réalisateur qui, paraît-il, ne s’est pas bien entendu avec sa star). C’était le troisième film du géant suédois après sa courte apparition dans le James Bond Dangereusement vôtre et ce qui reste encore l’un de ses rôles emblématiques, Ivan Drago dans Rocky IV. Lundgren ne maîtrisait alors pas encore bien l’anglais et a même failli être doublé par un autre acteur (à l’instar de Schwarzenegger dans Hercule à New-York). Sa voix fut tout de même gardée…et ses dialogues raccourcis (en V.F., il est doublé par l’excellent Richard Darbois). Cela va sans dire, sa stature imposante était idéale pour le rôle et il a lui-même effectué ses cascades et chorégraphié certains de ses combats.
Dolph Lundgren n’a pas toujours évoqué en très bons termes Les Maîtres de l’Univers…ce qui n’est pas le cas de Frank Langella (le Dracula de 1979, Perry White dans Superman Returns…) qui a accepté de jouer Skeletor pour faire plaisir à son fils qui était un grand fan du dessin animé et des jouets. Son Skeletor vole la vedette à tout le monde dès qu’il apparaît à l’écran et le vétéran des planches de Broadway, caché sous un épais maquillage, s’est même amusé à improviser quelques répliques et glisser des références shakespeariennes.
Parmi la distribution, on retrouve notamment la mimi Courteny Cox (Superminds, Friends…) dans son premier rôle au cinéma et Meg Foster (Invasion Los Angeles) et son regard troublant dans le rôle de Evil-Lyn (Malicia en V.F.), le bras droit de Skeletor.
Les Maîtres de l’Univers est l’unique long métrage réalisé par Gary Goddard (qui a ensuite créé la série Captain Power et les soldats du futur et le dessin animé Skeleton Warriors). Avec les exploits de Musclor, Gary Goddard avait l’ambition de réaliser un véritable « comic-book movie » et pour ce faire, il voulait engager comme artiste conceptuel le King des Comics lui-même, Jack Kirby ! Mais la production a refusé (d’après Goddard, la raison invoquée était « les comics, c’est pour les kids »…euh…)…ce qui n’a pas empêché Gary Goddard et son scénariste de glisser des références plus ou moins subtiles à l’oeuvre de Kirby : Musclor, Duncan, Teela et Gwildor sont les « 4 Fantastiques » des Maîtres de l’Univers; la clé cosmique ouvre des portails entre les mondes comme un « Boom Tube »; Skeletor évoque autant Fatalis que Darkseid; à un moment critique de la bataille sur Terre, Musclor grimpe sur une plateforme volante tel Orion dans les New Gods; la sorcière du château Greyskull est l’équivalent féminin du Highfather; l’Homme-Bête celui de Kalibak, et ainsi de suite (bon, il y a aussi des échos de Star Wars avec les « stormtroopers » de Skeletor, Gwildor et son petit côté Yoda)…
Gary Goddard voulait même rendre hommage à Jack Kirby dans les crédits, mais là encore la Cannon s’y est opposé.
Si Gary Goddard n’a pas pu engager Kirby, il a tout de même pu bénéficier des talents d’illustrateur et de chef décorateur de William Stout (qui débuta sa carrière dans les comics en assistant Russ Manning sur le strip de presse de Tarzan et en travaillant pour Harvey Kurtzman et Will Elder sur Little Annie Fanny avant de devenir chef décorateur et storyboarder pour le cinéma…on trouve son nom au générique de films comme Les Aventuriers de l’Arche Perdue, les Conan ou encore Rambo) qui a lui-même fait appel à Jean « Moebius » Giraud pour travailler sur quelques concepts, comme la réinvention du costume de Musclor (voir dessins ci-dessous) et la salle du trône de Skeletor.
Mais malgré les talents rassemblés, quand l’argent vient à manquer…dans les premières versions du scénario de David Odell, il y avait plus de scènes qui se déroulaient sur Eternia, mais le script a du être réécrit pour que le film se passe en grande partie sur Terre, où nos héros se retrouvent grâce à la clé cosmique pour échapper à Skeletor. Le récit fonctionne donc sur la recette éprouvée des « étrangers dans un monde étrange », ce monde étrange étant une petite ville californienne à l’imagerie années 50 typique de cette période (et il y a même le très bon James Tolkan, le proviseur Strickland de Retour vers le Futur, ici en flic irascible).
Le budget n’a pas permis d’explorer plus à fond la mythologie établie par le dessin animé et les différentes bandes dessinées qui ont précédé, ce qui n’a pas empêché Gary Goddard de se montrer très généreux sur l’action : s’il navigue de temps en temps à la frontière du nanar et perd en merveilleux à cause de son unité de lieu très « terre-à-terre », Les Maîtres de l’Univers est un divertissement tous publics mené sans temps morts, bien rythmé et aussi absurde que fun. Les costumes et maquillages ne sont pas tous très bien élaborés, mais il y a tout de même des designs qui valent le coup d’oeil, comme l’apparence et les intérieurs du château Greyskull et la vision du trône volant de Skeletor lorsque le méchant débarque sur Terre via la clé cosmique.
Une suite à l’économie (seulement 5 millions de dollars), avec un surfer californien à la place de Dolph Lundgren, fut un temps envisagé, mais l’échec des Maîtres de l’Univers en décida autrement. Une partie du financement rassemblé et quelques décors et costumes furent alors réutilisés…pour Cyborg avec Jean-Claude Van Damme !
Les Maîtres de l’Univers a été adapté en comic-book par Marvel, dans la collection jeunesse Star Comics. Le scénariste Ralph Macchio et le dessinateur George Tuska ont travaillé d’après une version préliminaire du scénario, ce qui explique les nombreuses différences. Ils ont également privilégié les costumes les plus reconnaissables des personnages, ceux des jouets et dessins animés.