LES QUATRE FANTASTIQUES PAR JOHN BYRNE t.1-2

Imperissable !

En (re)lisant ce cycle j’étais surpris de voir comment cette série c’est en fait le who’s who de tout l’univers Marvel avec, en prime, une certaine version parfaite de tous les présents

Le numéro 236 des Fantastic Four est donc un numéro anniversaire : on y fête les 20 ans du titre. Pour l’occasion, Byrne met les petits plats dans les grands, comme on dit, avec le retour du Docteur Fatalis en personne. L’épisode (double, et même triple si l’on compte le back-up sur lequel je reviens plus bas) est une petite perle.
A Liddleville, Red, Sue, Johnny, Ben et Alicia vivent une petite vie tranquille, avec plus ou moins de tracas dans la marche de leur quotidien (plus, en ce qui concerne Red, régulièrement humilié au boulot). Ils ne sont pas des super-héros, n’ont jamais été bombardés de rayons cosmiques et personne n’a entendu parler des FF. Mais des rêves bizarres hantent leurs nuits…
A la lecture de l’épisode, on pense beaucoup à ce feeling « Quatrième Dimension » qu’évoquait Lord plus haut. On pense également à certains récits (les plus emblématiques de son travail) de Philip K. Dick, avec ces protagonistes qui doivent effectuer une anamnèse (se rappeler de leur nature réelle, avant qu’elle n’ait été occultée par un démiurge malfaisant : c’est exactement ce qui se passe ici). Toujours dans le domaine de la SF, certains lecteurs ont vu une correspondance assez forte avec « Le Tunnel sous l’univers », récit fameux de Frédéric Pohl ; en effet, certains éléments de l’intrigue y font fortement penser.
Quoi qu’il en soit, Byrne réalise ici un joli tour de force, surprenant son lecteur tout en revitalisant/complexifiant un vilain tout à fait mineur des FF, le Maître des Maléfices. Ni le plus spectaculaire, ni le plus « pratique » des FF à écrire, même s’il présente l’avantage majeur d’être fortement connecté au quatuor (via sa fille Alicia). Byrne en fait en quelque sorte un usage optimal, sans compter qu’il se permet au détour de quelques cases une stylisation très astucieuse : à la faveur de la page où Ben apostrophe violemment le Maître des Maléfices (il lui fait traverser une porte), ce dernier est littéralement dessiné comme une marionnette, un pantin désarticulé. Très malin, car ça renvoie à la fois au modus operandi du vilain, évidemment, mais aussi au fait que Masters est littéralement un pantin entre les mains d’un vilain plus dangereux.
A savoir, bien sûr, Fatalis. Qui apparaît ici à la faveur d’une double splash page très spectaculaire, et très maline là aussi : Fatalis (doté d’un visage éminemment Kirbyen « première manière ») apparaît doté d’une stature gigantesque, comme on l’a vu pour d’innombrables vilains, notamment en couverture. Cette stature démesurée est habituellement « sympbolique » (c’est le danger que représente le vilain qui est énorme) : c’est le cas ici aussi bien sûr, mais sa stature est aussi justifiée narrativement par le sort des FF. Très fort.
Un autre moment attire l’attention : celui où Sue explore le château de Fatalis, situé aux Etats-Unis (car Fatalis est encore déchu de son titre de monarque latvérien à ce stade)… et voit le visage ravagé de son adversaire, poussée par la curiosité d’ailleurs, plus par « nécessité ». Le bon Docteur est à ce moment précis occupé à jouer fiévreusement du piano, ce qui renvoie à un fameux et excellent story-arc des sixties (pendant l’ère Lee/kirby, bien sûr : FF 84 à 87 en l’occurrence), et frappe le lecteur : ce mec n’est décidément pas un vilain comme les autres. Lee et Kirby le savaient, Byrne en est tout aussi convaincu…
Formidable épisode, qui rejoue aussi la tragédie de Ben Grimm, condamné à être « utile » au prix d’un pan de son humanité ; cela aura son importance dans les épisodes à venir.

On passera rapidement sur le très mauvais et franchement inutile back up, soi-disant signé Lee et Kirby (plus une armada d’encreurs). En fait, Kirby aurait déclaré ne pas avoir été mis au courant de sa « contribution », et dit qu’il aurait refusé de toute façon si on le lui avait proposé. Les planches de cette relecture pataude de FF 5 (premier affrontement avec Fatalis) sont en fait issus d’un story-board produit pour le fameux cartoon de l’époque, story-board effectivement signé Kirby. Absolument anecdotique, pour dire le moins.

L’épisode 237 est très typique de cette première phase du run byrnien (depuis qu’il est seul aux commandes, j’entends), avec un récit certes très axé SF, mais dépourvu des énormes enjeux cosmiques et du côté épique caractéristique du titre. C’est toujours très habilement troussé, et un peu comme pour l’épisode centré sur la Torche, l’intrigue se resserre sur deux des membres du quatuor seulement, Red et Sue en l’occurrence. Un peu comme avec le diptyque initialement prévu pour être un pub Coca Cola (voir plus haut dans le thread), il est à relever que Byrne met en scène une race extraterrestre bienveillante, malgré les apparences.
Nouveauté quand même dans cet épisode : un peu à la manière de son frère ennemi Chris Claremont, Byrne met en place quelques sub-plots. Oh, certes, rien d’aussi « long-termiste » que ce que son compère a fait si longtemps sur les « Uncanny X-Men » : on est plutôt sur de la sous-intrigue à trois/quatre épisodes d’encablure. Mais tout de même, c’est à relever.

La sous-intrigue la plus « intrigante » (si je puis dire), c’est précisément celle qui va occuper Byrne sur l’épisode 238 : on y découvre le secret de Frankie Raye. Celle-ci a en fait, à son insu, des super-pouvoirs similaires à ceux de la Torche (quelle coïncidence !!!), et elle ne va pas tarder à intégrer le groupe. Quelques remarques à ce sujet.
Déjà, on remarque que décidément Byrne s’exempte volontiers des reproches qu’il adresse à ses petits camarades : la vieille histoire de la paille et de la poutre. Il a souvent raillé la propension de Claremont, exemplairement, à transformer tout personnage secondaire « normal » en super-héros, super-vilain ou à tout le moins en personnage hors-du-commun : c’est exactement ce qu’il fait lui-même ici. A sa décharge, c’était certainement prévu de longue date : Len Wein avait confié à Byrne que le plan était de révéler que Frankie était en fait la fille de Toro, le side-kick de la Torche des années 40.
Pourtant, Byrne va changer le plan initialement prévu : chez lui, Frankie devient la belle-fille de Phinéas Horton, le « père » de la Torche des origines. Pourquoi ce changement de pied ? Un lecteur américain a une théorie fascinante ; Byrne aurait eu en tête l’anecdote suivante, maintes fois rapportées : Carl Burgos, le créateur de la Torche du Golden Age, aurait de rage détruit sa collection de comics devant sa propre fille horrifiée, lorsqu’il a découvert que Marvel relançait en 61 le perso sous son nouvel avatar (Johnny Storm, donc), détruisant pensait-il toute chance pour lui de récupérer les droits de sa création. C’est exactement ce que fait Phinéas Horton, ici : son comportement ressemble à s’y méprendre à une version fictionnalisée de l’anecdote concernant Burgos (et on notera d’ailleurs que Byrne établit un portrait extrêmement peu flatteur de Phinéas Horton ; est-ce un coup de pied du très « corporate » Byrne à l’endroit de ces créateurs pleurant leurs créations perdues ?). Une hypothèse qui n’a jamais été confirmée par Byrne, il me semble, mais ce serait à vérifier.
Deuxième hypothèse : les « origines » de Frankie sont un peu étranges. Une amnésie bien commode, une adolescence totalement solitaire un peu invraisemblable… Et si Byrne avait imaginé à la base que Frankie soit une androïde, comme la Torche des origines ?? Quoi qu’il en soit, s’il avait cette idée à l’esprit, il aura de toute façon changé d’avis rapidement. Red, à la fin de l’épisode, à l’occasion de son « auscultation » de Frankie, aurait découvert le pot aux roses. Et puis Byrne, on le verra très vite, a d’autres plans pour Frankie, qui arriveront à maturité à la faveur d’un nouveau sommet de son run (sa propre « Galactus Trilogy »).
L’épisode est scindé en deux, avec une sorte de back up où Byrne revisite une idée déjà explorée dans son « Marvel Two-In-One 50 » : l’apparence de la Chose n’a pas changé qu’à cause du changement du style de Kirby lors de son run sur les FF, c’est aussi une mutation évolutive. Et à cause du doute qu’entretient Ben au sujet des sentiments d’Alicia (un doute qui traverse aussi l’esprit du lecteur, Byrne est machiavélique sur ce coup), la dernière expérience de Red qui vise à lui rendre forme humaine échoue, et il « régresse » vers sa forme originelle. Voilà un mouvement scénaristique qui apporte de l’eau au moulin de ceux qui déplorent le « back to basics » trop forcé de Byrne. Perso, je me demande dans quelle mesure il ne trouve pas tout simplement la Chose des origines plus intéressante à dessiner (même si cette mutation ne va pas durer si longtemps que ça, en fait).

Prochain épisode : la guest-star la plus inattendue de toute l’histoire du titre !!

Ça tient sans doute aux préférences de Byrne (le jeune John a arrêté de lire la série au #32, donc avant l’ère Sinnott), qui a souvent critiqué l’apparence « adoucie » de Ben Grimm (la Chose des 70’s qu’il compare souvent à un « Teddy Bear », de sa part ce n’est pas un compliment).

Tu as une intelligence artificielle qui collecte sur le net les infos pour toi et sur commande ?

« Maggie trouve moi la vie de byrne stp, je poste dans trois minutes ! »

C est incroyable.

Parce qu’il en fait ?

Ok Marko.

Il y a même tout un film qui est consacré à cette menace.

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Oui, bien sûr. J’avais déjà lu cet extrait où Byrne date précisément l’âge d’or du titre pour lui, et on voit bien qu’il y revient délibérément. Un autre élément qui me frappe à la lecture de son run, c’est la façon dont les uniformes des FF ne sont pas du tout des « collants » qui dessinent leur musculature, ils flottent un tout petit peu dans leurs costumes : c’est raccord avec son idée que ce sont à peine des super-héros, en fait.

moi qui etait en retard avec tous les chronicles dans am PAL tu m as fait avancer… merci Marko

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L’épisode 239 des FF est un peu étrange : déjà, il est le véhicule d’un petit « coup » scénaristique de Byrne, qui sera critiqué par les fans de longue date puis déploré par Byrne lui-même. L’auteur y présente au lectorat la fameuse Tante Pétunia, si fréquemment invoqué par Ben Grimm depuis l’ère Lee/Kirby. Evidemment on s’attend à une dame d’un âge vénérable, un peu genre Agatha Harkness, quoi… Et en fait pas du tout…
Perso, je continue à trouver l’idée plutôt amusante, même si le contrepied choisi par Byrne peut paraître rétrospectivement « facile » ; il est quand même l’occasion de quelques touches humoristiques, notamment la réaction de Johnny. Ce qui marche moins bien peut-être, c’est que Byrne choisit de faire cette « révélation » dans un épisode étonnamment sombre, sorte de récit semi-horrifique comme le titre en a peu fait étalage (même si Byrne lui-même remettra le couvert, notamment dans un annual avec les Skrulls). Le scénario adopte une tonalité proche d’un récit à la Stephen King (apparitions monstrueuses et enfance martyrisée au menu), et met en scène des FF étonnamment impuissants… Pour un peu, on pourrait considérer que leur présence ne change rien à la course du récit (même s’ils sauvent quelques civils au passage). Mais le discours très résigné de Red à la fin surprend, quand même. Mention bien au final très ambigu, ceci dit, qui m’avait déjà frappé à ma première lecture de cet épisode.
Continuant à planter quelques graines de sub-plots, Byrne profite quand même de quelques échanges tendus entre Frankie et Red pour mettre en lumière une sorte de conflit entre la nouvelle Torche et ses acolytes : elle semble être adepte de méthodes expéditives et de la manière forte…

L’épisode 240 a quant à lui un statut de petit classique (et à ce titre, il a d’ailleurs récemment été au sommaire des « Trésors de Marvel », en kiosques) : il s’y passe en effet des événements assez cruciaux pour le Marvel Universe, même si ceux-ci n’impactent pas directement les FF eux-mêmes.
L’impétueux Vif-Argent déboule sans crier gare au Baxter Building, pour y demander l’aide des FF. En effet, sa patrie d’adoption Attilan est sous le feu croisé de deux tragédies simultanées ; l’une s’est déjà jouée « off panel » (étrangement, car il y avait du potentiel) : les Inhumains ont affronté l’Enclave, et contre toute attente seront sauvés par le sacrifice de Maximus le fou, frère renégat de Flèche Noire. Byrne avait certainement ici envie de régler un vieux sub-plot jamais résolu, où Médusa était kidnappée par l’Enclave, sans forcément avoir le désir (il faut croire) de raconter ça à la faveur d’un ou deux épisodes. L’autre tragédie, c’est qu’une étrange peste frappe les Inhumains. Red règle la question du pourquoi : comme Crystal en son temps, les Inhumains souffrent de la pollution terrestre, même perchés au fin fond de l’Himalaya. Solution : déménager Attilan, ce que Flèche Noire a déjà fait d’ailleurs, à la faveur d’un « What If » que je ne connais pas (un back-up de « What If », plus exactement). L’épisode vaut d’ailleurs notamment pour la prestance folle que Byrne attribue au chef des Inhumains, impérial de classe ici, comme rarement. Un très bon cru, vraiment, lu et relu par votre serviteur en son temps.
Byrne en profite pour creuser le fossé moral entre Frankie et les FF, au grand dam de Johnny, puisque Frankie se demande tout simplement s’il ne serait pas plus commode de zigouiller l’intrus que les FF n’ont pas encore identifié comme étant Pietro à ce stade ; bien vu, quand on sait ce que Byrne réserve à Frankie quelques épisodes plus tard. Il sera quand même vertement critiqué par certains lecteurs pour sa vision plutôt étrange du sort réservé aux Primitifs Alpha, lumpenprolétariat (ou plutôt : esclaves) des Inhumains, affranchis sous la plume de Roy Thomas (la saga avec Oméga). Byrne semble dire ici que cette émancipation était une erreur, que les Alpha n’en étaient pas « dignes » en un sens (j’exagère un brin). Etrange posture idéologique…
Anecdote marrante pour qui s’intéresse aux rapports tendus à l’époque entre Byrne et Claremont : Byrne se « venge » de ce qu’il avait interprété comme un camouflet à l’époque glorieuse de sa participation à « Uncanny X-Men », où une belle case représentant l’explosion d’un volcan se trouvait « gâchée » par une grosse onomatopée… Ici, le son gargantuesque de la voix de Flèche Noire et les dégâts subséquents sont muets. Et l’on précise à la faveur d’une note qu’on insultera pas l’intelligence du lecteur en glissant un bruitage là-dedans, n’est-ce pas (Byrne refera le coup à l’occasion d’un épisode d’Iron Man mettant en scène Fin Fang Foom, avec Romita Jr aux dessins). Ironiquement, l’encart qui présente la note en question ne gâche pas moins la case présentée ici. :wink:

Gamin, j’adorais l’épisode 241, tout en étant déjà parfaitement conscient de son statut d’épisode « mineur » : j’adorais ses dessins. Et encore aujourd’hui, je suis épaté par le talent de Byrne à restituer cette ambiance exotique d’aventure africaine (l’occasion pour lui, encore et toujours, d’explorer l’héritage des premières heures du titre avec une apparition de la Panthère Noire). A la relecture, sur le plan du scénario, si l’épisode ne manque pas de bonnes idées (on notera que Byrne rend à nouveau sa forme humaine à Ben, ce qui n’arrivait plus si souvent… encore une façon de renvoyer à l’ère Lee/Kirby), on pourra quand même trouver le dénouement un brin précipité : un récit de cette ampleur aurait pu se déployer sur deux épisodes. Il est quand même à relever que Sue, et cet élément ne fera que gagner en ampleur, se taille ici la part du lion.

Prochain épisode : la « Galactus Trilogy » de Byrne, l’un des sommets du titre toutes époques confondues !!!

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Y a concours avec Bensounours.

Ah mince, tu veux dire que je fais doublon…?

Niet ! Taille de message.

Ha ! D’accord. Que veux-tu, nous sommes d’incorrigibles bavards faut croire. :slight_smile:

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C’est la passion !

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Bientôt, Photonik va nous faire des messages aussi longs qu’une émission de Tumatxa, alors…

Tori.

Je suis un adepte du format épique. :wink:

On l’a dit dans les posts précédents : si l’on excepte l’affrontement avec Ego la Planète Vivante, l’épisode anniversaire avec Fatalis et le Maître des Maléfices, et « Exodus » (qui voit les Inhumains déménager sur la Lune), le run de John Byrne adopte à ses débuts un ton étonnamment « humble ». Soit Byrne crée des antagonistes « one shot » qui en sont parfois à peine (ou pas du tout), soit il isole les perso les uns des autres pour leur faire vivre des aventures solo… Le « scope » de ces aventures, même lorsqu’il s’agit de récits de SF ou d’horreur, est plutôt modeste, quand le titre appelle évidemment un souffle épique particulier, et une propension à « l’exotisme » (ultra-dimensionnel, j’entends).
A compter du triptyque composé par les numéros 242, 243 et 244, le scénariste/dessinateur embrasse totalement, par contre, ce feeling particulier, opte pour des arcs en plusieurs parties, voire des sagas plutôt longues compte-tenu des standards de l’époque. Il n’abandonnera cette tonalité qu’en de rares occasions…

Et pour inaugurer comme il se doit cette nouvelle impulsion, quoi de plus logique que de mettre en scène le plus cosmique des « antagonistes » (ce statut se discute, le concernant, comme les persos eux-mêmes l’affirment) des FF ? Galactus en personne fait son retour dans ces épisodes extraordinaires.

Chris Claremont le raconte : depuis l’époque de Stan Lee, la règle concernant les histoires en plusieurs parties est simple chez Marvel. On raconte son histoire en un épisode, deux si elle sort un peu de l’ordinaire, et point. Et si on a un concept génial comme un perso de la trempe de Galactus, on peut prendre trois épisodes pour le développer… mais attention ! Les 5 dernières pages de l’épisode doivent opérer une ouverture (comme Johnny qui va à la fac à la fin de FF 50).
Claremont a développé la technique du sub-plot en partie pour éviter cet écueil. Byrne, lui, se heurtera à ce dogme et mettra les voiles de « Captain America » avec Roger Stern pour n’avoir pas obtenu l’autorisation de développer sur trois épisodes un « gros » arc avec Crâne Rouge.
Qu’à cela ne tienne, on ne lui refusera pas sa « Galactus Trilogy » à lui. Elle ressemble à s’y méprendre sur le papier (ouverture sur de nouvelle intrigues en fin de troisième partie incluse) à celle de Lee et Kirby. Le pitch est le même, en fait : précédé par son héraut, Galactus débarque sur Terre pour consommer son énergie, et les FF doivent trouver une solution à cette situation désespérée. Comment donc se démarquer du classique absolu des sixties ? La solution choisie par Byrne consiste à prendre le contrepied total des choix de Lee et Byrne… et ça marche.

Ainsi, le noble Surfer d’Argent est ici remplacé par la crapule de l’espace Terrax, qui cherche encore à se débarrasser de son auguste maître (il avait déjà tenté le coup dans des épisodes de « Dazzler »). Et quand Galactus débarque, il est loin d’apparaître en pleine possession de ses moyens, il est même grandement diminué. Richards se munit d’un appareil qui à l’inverse de l’Annihilateur ultime ne sert pas à tuer Galactus mais à le guérir. Et l’issue de la crise ne consiste pas en un héraut trahissant son maître, mais en un héraut qui prête allégeance (aveuglément, quand on y réfléchit) au Dévoreur de mondes. Et de même concernant la présence des autres super-héros new-yorkais, mystérieusement absents lors de sa première apparition (on se demande comment louper l’apparition d’un géant violet au milieu de Manhattan), mais ici bien présents et actifs.
Principe d’inversion assez simple sur le papier, mais Byrne articule ça de manière très brillante.

Il y a un côté un peu old-school à certains développements de l’action ici : la manoeuvre ultra-spectaculaire de Terrax (projeter Manhattan dans l’espace pour forcer les FF à détruire Galactus) est une sorte d’upgrade du plan de Fatalis qui avait projeté le Baxter Building dans l’espace ; un autre élément étonnant (que Byrne abandonnera totalement quand il utilisera à nouveau le perso), c’est que Galactus est utilisé comme un géant avec des super-pouvoirs, comme très souvent au cours de ses apparitions passées à ce stade, et pas le dieu de l’espace omnipotent que Lee et Kirby avait imaginé.
Sur ce dernier point, au moins Byrne apporte-t-il une explication cohérente : affamé, Galactus est très affaibli, et rapetisse même à vue d’oeil. Connaissant les penchants « explicationnistes »/« continuistes » de Byrne, ce dernier élément vise sûrement en partie à expliquer pourquoi Galactus a été dessiné à des gabarits si différents au cours des ans, sans explication aucune. Toujours est-il que le géant cosmique est ainsi mis à la portée des FF et des Avengers, avec une petite aide de leur ami Dr Strange. Ce qui nous vaut des scènes d’action proprement jouissives (le plus beau KO de la carrière de la Chose, indéniablement) et une belle ruse de la part de Strange : le sort qui joue sur la culpabilité ressentie par Galactus en fil des siècles, c’est un beau lièvre thématique, qui associé à la sensation de finitude que ressent le perso donnera un des plus moments de tout le run (si ce n’est le meilleur tout court) à l’occasion d’un mémorable dialogue avec la Mort en personne, mais nous y reviendrons en temps voulu.

Les scènes d’action du premier des trois épisodes, mettant en scène Terrax, ne déméritent pas, comme souvent avec Byrne qui a un sens inouï de la mise en scène de l’action. Byrne rate peut-être avec ce perso l’occasion d’explorer un épisode récent du titre où les FF livrent sans trop se poser de questions morales Tyros le tyran pour qu’il devienne Terrax, esclave de Galactus. Il y avait peut-être là matière à un examen de conscience de la part de Red (qui se pose énormément de questions de cet ordre sous la plume de Byrne), mais ça n’est pas vraiment un écueil, juste une piste inexplorée.

Si les deux premiers épisodes sont « larger-than-life » au possible et enquille les péripéties sur un rythme effréné, le troisième opère un étonnant débrayage dans l’écriture, coupant volontairement l’élan du récit par un flash-forward où la Torche (rendu par Byrne comme une épave ; on aura rarement vu ce perso aussi éprouvé) connaît déjà l’issue du dilemme posé par Galactus : impossible de le laisser mourir volontairement, mais s’il vit, il redevient instantanément une menace pour la Terre…
J’aime beaucoup l’idée déployée ici par Byrne : faire de Frankie Raye le nouveau héraut de Galactus est un petit coup de maître, savamment préparé en amont avec ce petit sub-plot sur la morale discutable de Frankie en ce qui concerne l’usage de la violence. Et Frankie de tomber dans une zone moralement grise qui est pile poil ce que recherche Galactus, déçu par les hérauts trop idéalistes ou trop cruels. Visuellement, son nouveau design est simple mais classe. C’est le premier héraut féminin de Galactus (le seul ?) et le Dévoreur de mondes était justement en panne de ce côté-là. Voilà un nouveau partenariat étonnant mais prometteur.

Le dilemme moral intéressant et fécond en termes d’intrigue reste celui de Red Richards, débattu tant par les lecteurs que les collègues de Byrne. Fallait-il sauver Galactus ? On notera que Red n’est pas seul sur le coup : si Iron Man trouve que c’est une mauvaise idée, Cap’ le soutient aussi sec. D’autre part, et je ne sais pas si c’est sous-entendu par Byrne ou moi qui le ressens rétrospectivement (à la lueur d’épisodes ultérieurs, je veux dire), on sent bien que Red a l’intuition de la nature profonde de Galactus, de son rôle dans la grande tapisserie universelle.
Claremont, lui, trouve que le choix de Red est discutable et le discute, dans un épisode de ses « Uncanny X-Men » (période Paul Smith, si je ne m’abuse) où Lilandra « charge » Red de la part de Claremont. Petit coup de pied à Byrne. Ce dernier n’est pas du genre à laisser passer et rétorque, transformant son aigreur en moulins à histoires : on verra que Byrne assumera ce choix scénaristique et poussera le concept de mise en accusation de son personnage très loin, de manière littérale.

Les dernières pages de ce troisième épisode de la « trilogie », sur le modèle Lee/Kirby, ouvrent des perspectives sur les intrigues à venir, avec un Fatalis dont on ne sait plus s’il est le vrai ou non (un truc sur lequel Byrne jouera constamment) et un Franklin menaçant. Comme signalé plus haut, Byrne sub-plotte, mais toujours à une échelle assez étriquée, trois quatre épisodes d’envergure, pas plus. Et pourtant, son run est plus construit qu’il n’y paraît ; il n’oublie jamais de revenir sur ce qu’il a mis en place, et en tire de l’or.

Prochain épisode : la fin de l’innocence !!

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Il y a bien elle mais c’est de l’ordre de la blague, donc bon…

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Comme le révèle le final de l’inachevée « Last Galactus Story ».

Jim Ford (Back Issue N°46) : « The Last Galactus Story » was the final step in conceptualising the reason why Galactus exists in the Marvel Universe. Galactus must be, as the Watcher suggests, a force of nature if he is above both good and evil. Byrne used Reed Richards, and a host of cosmic entities, to explain how Galactus serves the « greater good » by ridding the universe of degenerate species. Perhaps not entirely satisfied with this justification, Byrne continued to probe the question of why Galactus must exist. The eloquent solution is that he is the progenitor of the next universe as he was the progeny of the last. « The Last Galactus Story » told a story essential to the understanding of the Marvel Universe ands its truth should not be lost."