MORT SUR LE GRIL (Sam Raimi)

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REALISATEUR

Sam Raimi

SCENARISTES

Ethan Coen, Joel Coen et Sam Raimi

DISTRIBUTION

Reed Birney, Sheree J. Wilson, Paul L. Smith, Brion James, Louise Lasser, Bruce Campbell…

INFOS

Long métrage américain
Genre : comédie/horreur
Titre original : Crimewave
Année de production : 1985

Après le succès de l’indépendant Evil Dead, Embassy Pictures fut le premier studio à s’intéresser au talent de Sam Raimi, jeune réalisateur et scénariste d’une vingtaine d’années venu du Michigan et à lui confier un budget d’environ 3 millions de dollars (comparé aux 400.000 dollars de Evil Dead). Dans un premier temps, Sam Raimi a eu le contrôle créatif sur ce nouveau projet écrit avec les frères Joel et Ethan Coen, qui ont développé le script de ce qui était alors connu sous les titres de travail The Relentless et The XYZ Murders à la même période que la sortie de leur premier long métrage Sang pour sang. Sam Raimi et Joel Coen s’étaient liés d’amitié quelques années plus tôt lorsque ce dernier était assistant éditeur sur le premier Evil Dead.

Les choses avaient donc bien commencé…avant de se gâter rapidement. Les premières interférences du studio ont eu lieu pendant la phase de casting. Initialement, Sam Raimi voulait donner le rôle du héros à son pote de toujours Bruce Campbell, ce qui lui a été refusé en faveur de Reed Birney, un acteur qui n’avait qu’une poignée de rôles à son actif, mais qui faisait plus « Hollywood » d’après les déclarations du légendaire interprète de Ash Williams. Campbell est bien au générique de Mort sur le Gril : il incarne le délicieusement visqueux « Renaldo le Goujat », un personnage secondaire qui devait vite disparaître, mais pour lequel Raimi a écrit plus de scènes afin que Campbell soit présent pendant toute la production.

Des problèmes financiers et de mésententes avec certains acteurs (principalement la cocaïnomane Louise Lasser et le massif Paul L. Smith) ont fait du tournage un cauchemar pour Sam Raimi. Les dépassements de budget ont poussé les producteurs à s’impliquer de plus en plus et au final, Raimi a perdu totalement le contrôle de son film pendant la post-production. Le studio a remplacé la monteuse et le compositeur habituel de Sam Raimi qui n’a pas eu le final cut. Puis la Columbia, distributeur de Mort sur le Gril, a sabordé la promotion (comme l’a fait remarqué Bruce Campbell, « les gens du marketing préfèrent se cacher sous leur bureau plutôt que de promouvoir des films qui sont à la croisée de plusieurs genres ») et la sortie qui s’est soldée par un échec cuisant.

Sam Raimi s’est toujours rappelé de cette période comme de l’une des pires expériences de sa carrière et avec ses collaborateurs Rob Tapert et Bruce Campbell, il s’est ensuite lancé dans la suite de Evil Dead pour ne pas rester sur ce flop. Mais même si le résultat final ne correspond pas à sa vision originale, Mort sur le Gril (Crimewave, littéralement vague de crimes, en version originale) n’est pas une catastrophe pour autant, loin de là…

Mort sur le Gril, c’est l’histoire d’une nuit qui tourne mal pour Vic Ajax, un agent de surveillance. Il tombe amoureux de la belle Nancy, affronte Renaldo le Goujat et se retrouve embringué dans une sombre affaire de meurtre à laquelle il ne comprend rien. Ce soir là, son patron (joué par Edward R. Pressman, le producteur des Conan) a décidé de se débarrasser de son associé…mais les deux tueurs engagés sont des abrutis incontrôlables qui sèment les cadavres derrière eux…

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Rencontre entre le film noir, le film d’horreur, la romance et le dessin animé, Mort sur le Gril est un délire jouissif (malgré son côté inégal…un cartoon, c’est environ 10mn et sur 80 mn, il y a quelques moments où ça s’essoufle un chouïa) et complètement foutraque qui va jusqu’au bout de son concept. Un véritable cartoon live : Sam Raimi en reprend tous les codes, des personnages exubérants, au jeu délibérément exagéré, aux effets sonores et visuels délirants en passant par les situations qui défient toutes les lois physiques.

L’humour slapstick est un hommage aux Trois Stooges, dont Sam Raimi est un grand fan, et c’est une référence qui court sur une grande partie de son oeuvre. La direction artistique est excellente…et je pense particulièrement au passage de comédie musicale (avec un enchaînement génial) et surtout à la « scène des portes », mécanique gagesque réglée à la perfection et qui utilise bien les particularités de ce décor factice.

L’interprétation est parfaitement dans le ton du récit : mention spéciale à Bruce Campbell (je suis fan absolu du bonhomme) et à ces sacrées tronches de Paul L. Smith (Midnight Express) et Brion James (Blade Runner), qui forment un duo de tueurs ras-du-bulbe tout droit sortis d’un dessin animé !

Je savais que Raimi avait eu des problèmes sur ce film, mais je pensais que c’était surtout sur la distribution, et pas sur les étapes précédentes de la production.
Il n’empêche : je suis gaga de ce film, finalement assez unique dans sa volonté de faire du « cartoon live » (avec Bruce Campbell en loup de Tex Avery, la classe), sorte de « After Hours » bis complètement jouissif.
Et la « scène des portes » est effectivement à compter dans le nombre des plus grandes scènes jamais tournées par Raimi ; un film à voir ne serait-ce que pour cette scène scotchante de virtuosité et d’inventivité.