Nikolavitch cause dans le poste

mais je vous trouve un peu casual avec l’adn.

Vous ne croyez pas que cela va vraiment profondément impacter nos sociétés ?

Eugénisme nous voilà et pourquoi non ?

clonage, transplantation. Tout ça c’est d’un autre ordre que la médecine jusqu’à ce jour non ?

Je veux dire ce n’est pas de la médecine en mieux, c’est autre chose.

Ah mais je ne nie pas que c’est une découverte de tout premier plan ; à elle seule, elle provoque l’irruption de la biologie moléculaire, du génie génétique, etc… Je connais bien, c’est précisément dans le créneau de la biochimie et de la biologie moléculaire que j’ai travaillé. Ce n’est effectivement pas de la « médecine en mieux », c’est autre chose, ouais.

Moi ce que je souhaitais relativiser, c’est le parallèle avec l’écriture. Oui nous sommes « écrits », mais là aussi pas de la façon dont l’acception courante le laisse penser. En science, il y a des mouvements de balancier et des « modes » ; par exemple, il y a quelques années, tout était « génétique », de l’homosexualité à l’alcoolisme. C’était à tempérer évidemment, et ça a été fait depuis…

Quant au clonage et aux transplantations d’organes de remplacement, on est loin d’y être. Mais la porte est ouverte, en effet.
J’exclurais par contre l’eugénisme de ta liste : nul besoin de l’ADN pour être eugéniste. Churchill par exemple avait des positions favorables à l’eugénisme sans avoir connaissance de la molécule d’ADN…

toute société l’est non ? En partie au moins.

mais là on va voir ce que ça donne quand on l’est réellement. dans le réel du corps.

Pas toujours, justement… Tout dépend du référentiel dans lequel on se place.

Bon, pour le reste, ce que j’aurais pu dire a déjà été dit et je n’ai pas trop le niveau pour argumenter plus, mais cette discussion est plutôt intéressante, même si vous parlez peu de la foi (qui n’est pas la croyance, mais influe sur elle).

Tori.

[quote=« Tori »] si vous parlez peu de la foi (qui n’est pas la croyance, mais influe sur elle).

Tori.[/quote]

Tu n’as pas tort, mais personnellement je ne me sens pas compétent pour correctement aborder le sujet.
Ceci dit, je pense que c’est le fond de la question que pose le billet initial d’Alex, même si on a bien dérivé après. On peut probablement se débarrasser d’un paquet de trucs au moment d’aborder un travail de fiction, de ses opinions politiques à ses propres limitations morales, mais peiut-être pas de sa foi…

Le problème, c’est que les gens ont maintenant une vision de l’ADN un peu magique. Regarde PRometheus, Mission to Mars ou le premier Spider-Man de Raimi. C’est devenu La baguette magique qu’était la radioactivité et « l’atomique » dans les années 40 à 60. c’est bien le signe d’une vision biaisée du truc, et ça donne une impression de toute puissance de boites comme Monsanto, impression dangereuse s’il en est.

Il faut être prudent avec la génétique comme il faut être prudent avec le nucléaire. il y a encore trop de choses qu’on ne comprend pas, ou qu’on ne comprend que partiellement (rôle de l’ADN poubelle, télomères, intéraction avec la partie du milieu cellulaire qui n’est pas codée génétiquement et se réplique directement à la mitose, etc.)

C’est bien vrai.

Mais l’effet est là. Régulièrement certains généticiens se piquent d’avoir découvert « le gène de … ». De la dépression par exemple.

Un écrivain américain, je ne sais plus qui c’est, je tombe sur lui à la radio. Il explique qu’il s’est fait séquencer le génome et qu’on lui annonce qu’il l’a ce fameux gène. Six mois plus tard les généticiens font marchent arrière comme on s’en doute.

Il explique l’impact sur lui de ce savoir l’avoir pendant ces six mois. Impact très important et dépresseur.

Qu’on sache ou non le ridicule de cette histoire de gène de dépression, si la science te dis « tu l’as », cela aura des effets.

Cette capacité d’attribution de quelque chose lié à la génétique est d’une puissance déterminante.

C’est ça la bascule des petites lettres de la génétique entre autre : si on te dis tu l’as, tu l’as. Ca se négocie pas.

D’où la nécessité de faire ce travail, de rappeler qu’un gène code une protéine, pas un comportement. que d’autres gènes peuvent modifier ou amplifier l’expression du premier. Et qu’à 50%, le génome de la banane est identique au nôtre. Parce qu’une bonne partie du génome code en fait le comportement de la cellule, et qu’il est grosso-modo le même pour tous les êtres vivants un peu complexe.

D’où une question qui me taraude : pourra-t-on un jour trouver le gène de la dépression dans la banane ?

Plus sérieusement, le problème n’est pas la science, mais l’illettrisme scientifique.

Mais aussi la surspécialisation qui fait que certains scientifiques n’ont pas de perspective épistémologique.

et la pression « publish or perish » qui fait que des articles de moins en moins solides sont publiés en revue. d’où ce genre de délires sur « le gène des maths » et autres

Ou encore le grand marché des brevets… On n’attend pas la confirmation par de nouveaux essais sous protocoles stricts pour annoncer une découverte pour éviter que quelqu’un d’autre la publie et la brevète avant.
Rappelez vous la polémique autour du VIH.

Côté médecine, il y a aussi la pression des firmes pharmaceutiques qui veulent caser absolument certains « médicaments »… quitte à inventer une cause possible de maladie (comme un gène défectueux).

vous avez raison.

Le travail « d’éducation » est à faire. La résistance contre ce qu’on pourrait qualifier de néopositivisme génétique est à mener surtout dans le climat actuel où l’on sent un retour à la phrénologie sous des habits à peine neufs.

Mais malgré tout cela, quand la science dira tu l’as ce gène, tu l’auras.

Confronté à une maladie orpheline dégénérative, dont la science ne sait rien du fonctionnement si ce n’est le gène qui la porte, dont les symptômes sont si variés qu’on peine à croire qu’ils seraient du à une seule et même chose, dont les symptômes peuvent aussi être inexistants et face au choix de savoir : alors « je l’ai ou je l’ai pas » ?

pur savoir qui ne dit rien de la suite. Mais dont on peut sentir le poids tout de même. On hésiterait, non ?

C’est de cela dont je parle. Ca me parait totalement nouveau.

[size=150]Nikolavitch cause dans le poste : Mythes d’aujourd’hui et d’ailleurs[/size]

http://www.comics-sanctuary.com/public/superpouvoir/img/Niko_cause_dans_le_poste/Mythes_daujourdhui_et_dailleurs/M-5-Batman.jpg
« Quatre nems et riz cantonais pour deux ? Dès que mon livreur a fini en cuisine, il arrive. »

Intéressant, comme d’hab’.

La fanfiction (Pour en savoir +) !?!

c’est très sympa comme reflexion, mais il faut un autre terme que mythification, parce qu’un mythe ce n’est pas la réduction d’une histoire complexe à des signes iconiques.

je dis « mythification » au sens « réduction à une figure mythique », je parle des personnages, pas de leur histoire. j’emploie le mot au sens de « stade terminal de l’iconisation », si tu veux.

mais c’est peut-être confusionnant, en effet.

Il me semble en tout cas. « iconisation » est pas mal mais très connoté religieux. Là comme ça je trouve pas de terme. Y a peut être celui de réification qu’on employait dans les années 70 mais ça parle moins.

En tout cas je souscris à ton inquiétude. Je trouve déplorable que les editeurs aient trouvé dans la legislation de quoi contourner l’arrivée dans le domaine publique de certains perso.

A l’inverse du droit américain, si l’exemple de popeye en donne une juste idée, il me semble qu’on devrait arriver en droit français à une situation où par exemple tout le monde aurait le droit de faire des bd de tintin mais seul les ayants droits pourraient continuer de publier les bd originelles. Je dois simplifier à outrance mais je crois que c’est quand même l’idée générale.

Et je trouverais cela très bien si c’était appliqué. Précisément pour permettre ce travail de réinvention, de malaxage de figures iconiques.

Je me souviens d’un dessin de bilal sur tintin. Voilà une version de tintin que je voudrais lire.

réification, c’est encore autre chose, me semble-t-il, ça s’accompagne d’une purge des éléments qui font d’un personnage un personnage, justement, qui le réduisent à un truc carrément abstrait, alors que justement, il me semble que ce n’est pas le cas dans ceux dont je parle : il leur reste un ressort intérieur qui justement les rends grands.

ou alors je projette, c’est possible aussi.

Superbe « causerie »!
Je ne pouvais pas passer à côté car les mythes et légendes me passionnent depuis très longtemps.

Le terme « iconisation » s’est depuis déjà bien longtemps éloigné du domaine religieux. Mais, à ma connaissance, il a plus été utilisé pour des personnes vivantes ou ayant existé que pour des personnages fictifs.

Le terme « réification » me perturbe un tantinet car, si je me rappelle bien de mes quelques années de latin, cela revient à faire d’un concept ou d’une personne une « chose » (res). Or, pour moi, cela revient à figer ce que l’on a transformé, à le statufier.

Il y a un autre personnage réel que le public s’est approprié via la fiction : Cyrano de Bergerac. Le guerrier de Rostand a supplanté dans les esprits l’homme réel.

Il me semble que les exemples cités par Niko tendent plutôt vers une sorte de « massification » (à l’époque de leur reproductibilité technique/culture de masse) plutôt que de « mythification » des personnages (?).

mythification, réification, iconisation, massification : on tourne tous autour du truc comme des clébards qui le reniflent sans trop savoir si ça se mange ou pas. Il nous manque clairement un mot précis pour désigner le phénomène, qui est visiblement au croisement de tout ça : l’introduction de nouvelles formes (ou variations de formes) archétypales dans la conscience collective. c’est le genre de processus qui m’ont toujours passionné, en tout cas.

(réification, on le trouve chez Barthes, notamment, qui l’applique aux « surhommes de la science-fiction », j’en avais parlé dans un article précédent, je crois)

Faudrait-il un Da Lavitch Code pour comprendre ce processus ?