NOPE (Jordan Peele)

Pourtant c est une lecture porteuse qui fait voire que la parano et le discours woke (appropriation culturelle) sont indiscernables.

Je ne sais pas. Là où le film est malin, c’est qu’il est « pour tout le monde », mais chacun réagit en fonction de sa « communauté » (quel mot horrible) : les afro-américains s’identifient au perso principal via la parano que tu évoques, et les blancs sont questionnés sur leur rapport ambivalent à la culture noire, qui a muté suivant les époques, du « black is beautiful » au racisme institutionnalisé et vice-versa…
Certains sketchs de Key and Peele (dont je recommande la vision, c’est vraiment très très drôle) cernaient déjà cette idée avec beaucoup d’acuité et de talent.

Oui, je pense que Peele se méfie de tout ça, et déplore les « postures » de tout bord à égalité. Pas évident à mettre en récit, et pourtant « Get Out » y parvient, d’où le fait que malgré ses travers, j’ai tendance à défendre le film, sans hurler au chef-d’oeuvre.

Tiens, un sketch très marrant sur la question :

@Tori On parle du contexte de sortie du film, on ne parle pas des inspirations…

Oui tout à fait, c’est d’ailleurs ce qui aide à créer la surprise de fin

Comme ben, c est surtout la réception du film qui m a paru digne d interprétation.

Le floutage entre parano et racisme bienveillant, je la trouve intéressante car décrivant une impasse qui travaille la société américaine.

C est mettre sur la table des choses intranchables. Comme metoo avec la question du consentement. Une fois que le consentement est remis en cause même s il a été explicitement énoncé, alors la loi ne peut pas trancher.

Ici, le malaise paranoïaque échappé également aux catégories d un racisme identifiable et demontrable.

Nous rentrons à la suite des américains dans une époque où l enjeu devient l interprétation, ses effets, sa réalité. Beaucoup souhaitent donc l interdire ou la fixer. Autre impasse.

Donc oui, le film est intéressant pour ça. Je l avais bien identifié à ma première vision mais sans du tout supposer qu il ferait autant d effet. C est là d ailleurs que j ai commencé à me formuler que les eu allaient de plus en plus nous apparaître étranger.

Je constate aujourd’hui que pour l instant la jeune génération ne semble pas le ressentir pas ainsi.

Avant, on disait qu’il fallait dix ans à un phénomène socio-politique américain pour débarquer en Europe, mais j’ai l’impression que ce délai s’est sacrément raccourci.

Il y a peut-être aussi un effet générationnel, comme tu le dis.

Bon je pense que ces discussions prouvent que Get out, C’est un peu plus que :

Je déplacerai la suite dans le sujet Get out je pense

C est vraiment particulier.

Il est clair que la division raciale touche au réel de la société américaine.

Lord a raison d’indiquer que c’est un des thèmes les plus communs du cinéma d’horreur (le « bodysnatcher », donc), c’est un constat objectif. Mais peut-être peut-on rajouter que c’est un des thèmes les plus puissants et porteurs du genre… Comme le formule Jean-Baptiste Thoret, le summun de l’altérité, du monstre, c’est le même : une idée terrifiante.
Elle est en gros portée au carré dans « Get Out », puisque l’altérité n’est ici qu’une pure construction socio-culturelle.

Je n ai jamais détesté le cinéma français notamment parce que toute représentation de l intimité dans le cinéma ou les séries américaines m ont toujours plongé dans des abymes de perplexité. Si je veux voir des films sur l amour, le couple, ce ne peut être que des films français.

Ce sentiment de décalage au contacte du cinéma américain sur ces sujets, qui m a souvent fait me demander si les américains n étaient pas complètement fou, je me demande à quel point il est partagé aujourd’hui, notamment chez les jeunes.

C est l une des singularités de l antisemitisme : le juif comme même et autre, pas identifiable, infiltré.

Disons que les ricains assument peut-être une certaine artificialité dans cette représentation, qui existent aussi dans le cinéma français mais passe derrière un certain naturalisme… C’est d’ailleurs une épée à double tranchant, car du coup les contempteurs du cinéma français ont vite fait de dégainer l’argument du « film chiant sur les crises de couple » (et c’est évidemment plus compliqué que ça).

Oui, tu évoques là l’idée de « l’ennemi intérieur »… Mais je pensais à une idée plus métaphysique si j’ose dire, moins socio-politique : le même, c’est quand même l’Autre, toujours inconnaissable.

C est exactement ce que je me demande au visionage : mais est ce vraiment ainsi que ça se vit et se dit aux eu ou est ce un code du genre pour eux ?

J évoque la rage que sucite l impossibilité d identifier l autre et la certitude que pourtant il existe. C est très métaphysique. Je est un autre, etc

Je penche pour cette option. Et n’oublions pas que le cinéma, passées quelques décennies, devient producteur de ses propres clichés dont il lui devient difficile de se dépêtrer. Pour ça, je pense à l’exemple de la représentation du milieu du travail, tout aussi fantasmatique et artificiel, quand bien même c’est une préoccupation majeure du cinéma américain. A tel point que j’ai adoré « Blue Collar » de Paul Schrader pour sa seule capacité à dépeindre, me semble-t-il, de manière réaliste le travail d’une bande de prolos.

Oui, en fait on dit la même chose. Je pensais que tu tirais la thématique vers son versant le plus « pragmatique » (racisme et les mécanismes oppressifs qui en découlent).

C est la version optimiste.

Clin d’œil

Oui.

Mon seul pragmatisme, c est de constater que c est les juifs qui sont porteurs symboliquement de cette question et que l antisemitisme en tire sa singularité