REALISATEUR
Walter Murch
SCENARISTES
Walter Murch et Gill Dennis, d’après l’oeuvre de L. Frank Baum
DISTRIBUTION
Fairuza Balk, Nicol Williamson, Jean Marsh, Piper Laurie…
INFOS
Long métrage américain
Titre original : Return to Oz
Genre : aventures/fantastique
Année de production : 1985
C’est pendant ses études de cinéma à l’Université de Caroline du Sud que Walter Murch, monteur renommé, mixeur son, scénariste et à une occasion metteur en scène, rencontra les futurs réalisateurs qui jalonneront sa carrière : George Lucas et Francis Ford Coppola. Avec le premier, il co-écrivit THX 1138 et travailla sur le montage et le son de THX 1138 et American Graffiti. Sa longue collaboration avec Francis Ford Coppola couvre plus de 40 ans de carrière, de Conversation secrète à L’Homme sans âge en passant par le trilogie Le Parrain et Apocalypse Now, pour lequel il fut récompensé par l’Oscar du meilleur mixage son, une discipline dont il participa à l’évolution en imaginant avec ses collègues de nouveaux systèmes permettant une meilleure immersion du spectateur dans son expérience cinématographique.
Après avoir passé une grande partie des années 70 à monter les films des autres, Walter Murch eut naturellement l’envie de passer derrière la caméra. Le développement du futur Return to Oz débuta sous la forme d’une discussion avec Tom Whilite, l’un des responsables de Walt Disney Productions au début des années 80. Walter Murch exprima son intérêt pour une nouvelle adaptation des histoires de Oz de L. Frank Baum. Ce qui tombait bien puisque Disney disposait des droits depuis les années 50 sans que cela ait débouché sur quelque chose de concret (le film Rainbow Road to Oz prévu à cette époque resta inachevé).
Le projet de Walter Murch reçut donc le feu vert. Avec son scénariste Gill Dennis, il imagina une histoire librement inspirée par les événements des romans The Marvelous Land of Oz et Ozma of Oz, avec pour but de rester plus fidèle aux écrits de L. Frank Baum que le célèbre Magicien d’Oz de Victor Fleming. Pour les besoins du récit, Disney dut tout de même payer des droits à la MGM, producteur de la version de 1939, afin d’utiliser les emblématiques pantoufles de rubis rouges (créées spécialement pour l’occasion).
L’emploi des pantoufles, ainsi que le titre original de Oz, un monde extraordinaire occasionna tout de même une incompréhension : si Return to Oz évoque bien le premier voyage de Dorothy au pays d’Oz, il n’est pourtant pas la suite officielle du classique de 1939 (ce que certains ont longtemps cru) et possède sa propre identité, son propre style qui est nettement plus sombre…et il n’y a pas de chansons !
Quelques semaines après le début du tournage, un changement de direction à la tête des productions Disney faillit coûter sa place à Walter Murch. Les nouveaux boss ne savaient pas vraiment quoi faire de cette étrange pelloche et en profitèrent pour virer Murch lorsqu’ils se rendirent compte que celui-ci était en retard sur le planning. Grâce à l’influence de ses amis George Lucas et Francis Ford Coppola, Walter Murch put retrouver son fauteuil de réalisateur et terminer son film. Les ennuis ne furent pas terminés pour Murch puisque Disney subit encore une fois un changement de direction pendant la post-production (les 80s furent une décennie très chaotique pour le studio aux grandes oreilles) et les énièmes nouveaux patrons n’étaient pas du tout intéressés par le long métrage, qui fut exploité sans la promotion adéquate. La sortie se solda par un cinglant échec et Walter Murch ne réalisa plus pour le cinéma par la suite (il signa juste un épisode du dessin animé Star Wars : Clone Wars en 2011).
Je n’ai jamais lu les romans du cycle Oz, je connais juste cet univers par ses déclinaisons à l’écran, mais d’après les spécialistes, la vision de Walter Murch est proche du matériel original. ll fut surtout reproché au film son côté effrayant et trop intense pour les jeunes spectateurs. Et pour ma part, c’est ce qui fait justement sa force…
L’histoire débute 6 mois après le premier voyage de Dorothy à Oz. La jeune fille n’arrive plus à dormir, ce qui inquiète son oncle et sa tante, surtout après avoir entendu ses élucubrations sur un monde peuplé d’épouvantail vivant, de bucheron en fer blanc et de lion peureux. Ne sachant plus quoi faire, les adultes décident de confier Dorothy à l’asile du Dr Worley, qui expérimente une nouvelle technique pour soigner les troubles du cerveau : les électrochocs. Grâce à une mystérieuse jeune fille, Dorothy parvient à s’échapper lors d’un violent orage. La tempête l’emmène à nouveau à Oz, qui a bien changé depuis sa dernière visite. La Cité d’Emeraude est en ruines, ses amis le Lion et l’homme en fer blanc ont été changé en pierre et l’épouvantail a disparu.
C’est le début d’une nouvelle aventure pendant laquelle elle fera équipe avec sa poule parlante Billina, le soldat robot Tik-Tok et Jack Pumpkinhead pour affronter la princesse Mombi, ses Wheelers et le roi des Nomes pour retrouver l’épouvantail et restaurer la gloire de la Cité d’Emeraude.
Magnifiquement filmé, avec un superbe travail sur la photographie (qui insiste sur le caractère morne et oppressant de la campagne ravagée où vit Dorothy et l’asile dirigé par le Dr Worley, avant de s’adapter à chaque étape du voyage de la jeune fille), Oz, un monde extraordinaire déploie un remarquable sens de l’émerveillement et de l’imagination, tout en n’ayant pas peur de frayer dans les recoins les plus obscurs. Cette qualité peut le rendre délicat à regarder pour les plus jeunes enfants, mais elle lui donne une véritable profondeur, avec des enjeux importants qui rendent palpitantes les aventures de Dorothy et de ses amis.
Les images créées par le réalisateur et ses magiciens des effets spéciaux sont frappantes et le film ne manque pas de visuels forts, soulignés par de très bons effets spéciaux : la première apparition des Wheelers, la collection de têtes de la princesse Mombi, les Nomes et l’infernale rage de leur Roi…
Mais il n’y a pas que des personnages effrayants : la poule Billina, le sympathique et enrobé Tik-Tok, Jack Pumpkinhead et le Gump sont les savoureux et bizarres nouveaux compagnons de Dorothy, incarnée par une Fairuza Balk (Dangereuse alliance, Presque célèbre…) qui trouvait là son premier rôle au cinéma. Elle livre une belle prestation, dans la tristesse comme dans la joie, et dans les moments les plus intenses. Et quel regard !
30 ans après sa sortie, Oz, un monde extraordinaire demeure une étonnante et fascinante fantaisie, dont les aspects les plus ambigus et les éléments horrifiques lui ont valu la réputation de « l’un des films pour enfants les plus terrifiants jamais tournés ».