LE MAGICIEN D'OZ (Victor Fleming)

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REALISATEUR

Victor Fleming

SCENARISTES

Noel Langley, Florence Ryerson et Edgar Allan Woolf, d’après le roman de L. Frank Baum

DISTRIBUTION

Judy Garland, Frank Morgan, Ray Bolger, Bert Lahr, Jack Haley, Margaret Hamilton…

INFOS

Long métrage américain
Genre : aventures/fantastique/musical
Titre original : The Wizard of Oz
Année de production : 1939

We’re off to see the wizard, The Wonderful Wizard of Oz
We hear he is a whiz of a wiz, if ever a wiz there was
If ever a wonderful wiz there was, The Wizard of Oz is one because
Because, because, because, because, because
Because of the wonderful things he does

Classique absolu de la fantaisie musicale (et à ce jour toujours la plus célèbre version du roman pour la jeunesse de L. Frank Baum, à l’influence qui ne s’est pas démentie au fil des années), Le Magicien d’Oz a un réalisateur et trois scénaristes crédités…ce qui est très loin de la vérité. Après l’acquisition des droits du livre au début de l’année 1938 par la MGM (qui recherchait un projet familial pour surfer sur le succès de Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney), la phase de développement a pris plusieurs mois et a utilisé la bagatelle d’une dizaine de scénaristes, sans compter les idées apportées par les réalisateurs.
La version finale a combiné les éléments imaginés par les différents contributeurs, chacun apportant sa pierre à l’édifice, de l’élaboration de l’histoire à la conception des numéros musicaux.

Cette phase n’était pas encore terminée lorsque le tournage a débuté en octobre 1938 sous la direction de Richard Thorpe, renvoyé après deux semaines pour ce qu’on résume généralement de nos jours par les « différences créatives ». George Cukor a assuré brièvement l’intérim en tant que consultant créatif avant que Victor Fleming soit officiellement engagé en novembre 1938. Ironiquement, Victor Fleming a été appelé en février 1939 pour remplacer George Cukor sur une autre production troublée, Autant en emporte le vent, alors qu’il ne lui restait qu’un mois de travail sur Le Magicien d’Oz. King Vidor a alors pris le relais pour les dernières scènes, principalement les séquences du Kansas et la tornade.
Après les projections-tests, des reshoots ont eu lieu entre avril et juin 1939 (eh oui, déjà à l’époque) sous la direction du producteur Melvin Le Roy pour donner au film sa forme définitive.

Une production chaotique donc (et quelques histoires pas très reluisantes, comme le studio qui donnait des amphétamines à la jeune Judy Garland âgée alors de 16 ans pour l’aider à supporter les longues heures de tournage) pour un long métrage qui n’a (presque) rien perdu de sa magie (même si j’avoue garder une petite préférence pour la suite « officieuse » Oz, Un Monde Extraordinaire, en grande partie pour ses aspects plus sombres).

Je n’ai jamais lu les romans de la saga Oz de L. Frank Baum, c’est un univers que je ne connais que par ses déclinaisons à l’écran donc je ne peux juger la fidélité par rapport au matériel originel. Mais d’après ce que je sais sur le long métrage de Victor Fleming, des libertés ont été prises, la principale étant d’envisager l’aventure de Dorothy au pays d’Oz comme un long rêve élaboré (ce qui a donné l’idée de faire incarner plusieurs personnages par les mêmes acteurs), le pur produit de l’imagination d’une jeune fille qui veut échapper à ses problèmes et au monde terne d’où elle vient, pour explorer à loisir un nouveau monde fantastique et se faire des amis.

Cette transition entre le réel et l’irréel est retranscrite visuellement par l’excellente utilisation d’une palette différente entre le Texas et Oz. La vie de tous les jours de Dorothy, sa routine à la ferme, ses problèmes avec l’acariâtre voisine qui veut se débarrasser son chien Toto, toutes ces séquences prennent un ton sépia avant l’arrivée de la tornade (accompagnée d’effets réussis et amusants) et la découverte du pays d’Oz, où dans un plan on passe progressivement à une véritable explosion de couleurs.

Il n’y a guère que le numéro musical des Munchkins qui ne fonctionne pas sur moi (c’est pour cela que j’ai ajouté « presque » plus haut)…je les ai toujours trouvés un peu trop « nunuches », ces petits personnages. Mais dès que Dorothy et Toto empruntent la route de brique jaune, le récit prend son envol. La rencontre avec l’épouvantail, l’homme en fer blanc et le lion peureux, personnifications emblématiques des leçons de courage, d’amour et de dévotion de l’histoire, procurent de délicieux moments dans des environnements enchanteurs, avec des arrière-plans que l’on croiraient sortis d’un livre d’images.

Les changements de tonalité sont également réussis…on passe ainsi de l’émerveillement de la Cité d’Emeraude (avec le mystère qui entoure le Magicien) au plus lugubre château de la Méchante Sorcière de l’Ouest (et dans les deux cas, les décors sont superbes). Un rebondissement palpitant, qui contient quelques unes de mes scènes préférées, comme la fameuse attaque des singes volants !

Somewhere over the rainbow, way up high
There’s a land that I heard of, once in a lullaby
Somewhere over the rainbow, skies are blue
And the dreams that you dare to dream, really do come true

Aux U.S.A., Le Magicien d’Oz a été redécouvert par de nouvelles générations grâce à ses nombreux passages télévisés à partir de 1956.
Une prestigieuse adaptation en bande dessinée du long métrage de Victor Fleming a été publiée conjointement par Marvel et DC en 1975 (la première collaboration entre les deux maisons d’édition avant la première rencontre entre Superman et Spider-Man l’année suivante). La couverture de MGM’s Wonderful Wizard of Oz est de John Romita et la transposition du scénario en BD est l’oeuvre du duo Roy Thomas et John Buscema !

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Le comic-book est disponible dans son intégralité ici.

Un de mes films de référence que je revois avec toujours autant de plaisir… malgré les petites différences ou manques avec le roman (comme le monde de porcelaine, par exemple).

Il y a eu de très belles et très fidèles (pour les romans que j’ai lus) adaptations en comics réalisées plus récemment par Eric Shanower au scénario et Skottie Young aux dessins.

6 romans de F.L. Baum ont été adaptés par ce duo :

Je vous incite à les lire car je les ai beaucoup appréciés…
Pour les anglophones, il y a la possibilité de les avoir en anglais… le charme des dessins opère dans toutes les langues :wink:

… Et pour ceux qui se poseraient la question :

:wink:

J’espère que ça n’est pas ce « régime » qui est à l’origine de la toxicomanie de Garland, la pauvre ayant été accablée par ces addictions toute sa vie, par la suite.
Des histoires crapoteuses, il n’en manque pas sur ce tournage : à ce qu’il paraît, l’un des figurants de petite taille s’est pendu sur le set (!!), et son cadavre suspendu à un faux arbre du décor figurerait dans le film car personne ne s’en était aperçu (!!!). J’ai vu l’image, elle n’est pas très concluante… mais la légende est tenace.
Autre légende, plus fun et farfelue, mais tout aussi tenace : le légendaire « Dark Side Of The Moon » de Pink Floyd aurait été conçu pour être écouté de façon synchrone avec un visionnage du film, dont il constituerait une sorte de bande-son « occulte » et officieuse. Jamais fait l’expérience, mais là aussi on lit de tout : pour certains c’est évident à l’écoute, pour d’autres c’est du gros pipeau (et force est de constater que thématiquement l’album du Floyd n’a aucun lien avec le film de Fleming…).

Un film qui charrie donc son lot de légendes urbaines ; il me semble qu’une des caractéristiques du « Magicien d’Oz », c’est que son aura est surtout énorme pour le public américain. Tout le monde ou presque l’a vu là-bas, et son influence sur l’imaginaire populaire est difficilement quantifiable (énorme en tout cas, de David Lynch période « Sailor et Lula » à la série « Lost » et son « Man behind the curtain », en passant par « Zardoz » de John Boorman, évidemment, mais ce n’est là qu’un tout petit échantillon…).
Ce constat me semble moins vrai en Europe. Perso, j’ai vu le film très récemment, il y a 5 ou 6 ans à peine, mais je l’ai revu deux ou trois fois depuis car le film me fascine.

Ah oui : au registre des légendes cinéphiliques, le très peu fiable Kenneth Anger (cinéaste incroyable mais personnalité… douteuse) a écrit dans un des deux volumes de ses indispensables « Hollywood Babylon », compilation des pires ragots de l’usine à rêves dont Anger s’est fait la caisse de résonance, que Fleming avait été imposé par Clark Gable sur « Autant en emporte le vent » (en mettant son départ dans la balance), à cause d’énormes problèmes d’entente avec George Cukor, qui était homosexuel et en aurait un peu trop su sur la vie intime du célèbre acteur…
Il est probable que ce soit la cause de l’abandon de Fleming sur la fin de la conception de ce « Magicien d’oz ».

Il se dit que ses problèmes ont commencé à cette époque, entre un régime imposé pour qu’elle garde la ligne et les barbituriques qu’elle prenait parce que les amphets l’empêchaient de dormir…

Oui, j’ai aussi entendu parler de cette rumeur. La seule qui semble être vraie concernant les personnes de petite taille qui jouaient les Munchkins est qu’ils étaient très bagarreurs et portés sur la bibine, ce qui donnait une drôle d’ambiance sur le plateau (j’ai entendu ça dans un documentaire sur les comédies musicales de cette période que j’ai vu récemment)…

Au rayon des inspirations et déviations on peut aussi ajouter, notamment, les Filles perdues (Lost Girls), résolument pour adultes, d’Alan Moore et Melinda Gebbie, revisitation aussi magistrale que hardcore

et le roman de Gregory Maguire, Wicked (1995), qui se propose d’imaginer l’envers du décor en prenant pour héroïne la « méchante sorcière de l’Ouest », nommée pour l’occasion Elphaba en hommage à L.F. Baum, en racontant notamment l’histoire de son amitié de jeunesse avec Glinda et de sa révolte contre le Magicien. Le roman sera suivi de trois autres (Son of a Witch, A Lion Among Men, Out of Oz), après avoir été adapté en comédie musicale à succès en 2003. La comédie musicale « édulcore » / « éclaircit » le roman de Maguire de la même manière que le film de Fleming l’avait fait pour celui de Baum, mais n’en est pas moins fort sympathique au demeurant (j’ai eu le plaisir d’assister à une représentation à Londres il y a quelques années).

… Soit dit en passant, elle sera à son tour une grosse inspiration pour le film d’animation Disney de 2013 Frozen / La Reine des neiges (parenté renforcée par le cast d’Idina Menzel, la créatrice du rôle d’Elphaba, pour le rôle d’Elsa dans la version originale).

Hollywood Babylon, pas très fiable historiquement certes, mais quel style (surtout le premier tome) pour déployer la Légende Noire d’Hollywood ! :slight_smile:

C’est marrant, je n’aurais pas forcément utilisé le mot « hardcore » pour Filles Perdues.

Je pense que la plupart des personnes traînant ici savent de quoi il s’agit, donc j’ai opté pour une formule rapide sans entrer dans le détail. Mais je suis curieux de savoir quel mot tu aurais utilisé pour résumer « présentant de façon très explicite et très répétée des relations physiques hétérosexuelles, homosexuelles, orgiaques, pédophiles, gérontophiles, zoophiles et mécanophiles, assorties ou non d’usage de drogues ». ^^

Bah tout ça justement !:yum:
Mais visuellement, ça m’a pas paru hardcore, donc c’est pour ça que j’ai réagi (à tort ?) comme ça.

Visuellement c’est vrai que la « patte » et les pastels de Gebbie peuvent donner un côté « doux » à l’ensemble, c’est peut-être ce que tu voulais dire ? Mais bon y a quand même un camion de sexes masculins, féminins, et, euh… occasionnellement autres… très explicitement dessinés en action :sweat_smile: (et plus le récit avance, plus ça devient trash). Ça n’est certes pas le seul intérêt du livre, dont je me dis subitement qu’il fut peut-être le dernier vrai chef-d’œuvre de Moore, mais c’est indissociable de l’ensemble.

Alors, tu mettrais quoi pour Purgatorio ? (que je n’ai pas commencé, mais je me dis qu’avec un pareil titre, il doit y en avoir un peu)

Désolé pour le HS, Doc ! Je ne pensais pas que mon post nous entraînerait si loin du Magicien d’Oz… Il faut croire que la route de briques jaunes mène à tout… à condition de la quitter. Tiens, au fait, on n’a même pas mentionné Elton John.

Je n’ai fait guère plus que feuilleter Cinema Purgatorio pour le moment, et je ne suis pas pressé de m’y plonger plus avant. Pour le coup, je crains fort que, au mieux, l’adjectif auquel la chose puisse prétendre soit : « anecdotique ». :thinking:

Malheureusement, comme je l’écrivais au post précédent, il me semble que Moore, en concluant Lost Girls en 2006, a aussi conclu la part la plus intéressante de son œuvre (au moins en matière de comics) (disons que je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute, par principe, sur ses activités de romancier) (mais vraiment par principe, parce que là-dedans non plus, ça ne me tente pas tant que ça de m’y plonger, en fait…).

Ça me peine énormément de le dire, parce que mes premières lectures de comics furent, pendant des années, farouchement, exclusivement mooriennes, mais le niveau de ses œuvres sur la dernière décennie écoulée est quand même assez désolant… et je ne parle même pas de ses interviews (la dernière que j’ai lue de lui, il expliquait que les films de super-héros étaient responsables du Brexit et de l’élection de Trump, quand même).

Je peux me tromper, bien sûr, mais hélas ça fait un petit moment maintenant que tout me conforte dans l’idée que Moore est devenu un vieux c**, enfermé dans sa tour d’ivoire avec un cercle d’adorateurs zélés qui recueillent pieusement les Paroles du Maître sans la moindre trace de distance critique, et ne lui disent du monde extérieur que ce qu’il a envie d’entendre. Ce qui, encore, ne serait même pas si grave s’il en résultait une œuvre de quelque intérêt dans sa singularité exacerbée, mais ce n’est pas l’impression que ça me donne (et j’en suis le premier contrit). :confused:

Absolument, j’en suis fou de ces bouquins (un peu moins le deuxième, notamment la litanie sur les suicidés, qui le conclue), et quelque part peu m’importe qu’il y ait une grosse part d’exagération de la part d’Anger. Ceci étant dit, il y a pas mal de choses qui ont été confirmées au fil des ans, dans le lot (ce qui touche, si j’ose dire, à Chaplin, par exemple).

Concernant Moore, je suis d’accord sur ton appréciation de son « Lost Girls », qui est selon moi un des sommets, trop peu cité, de son oeuvre ; il y a là-dedans des choses formellement incroyables.
Pour la baisse subséquente de son travail de bédéaste, nonobstant le fait que je relativiserais ton constat (j’aime beaucoup « Century », la dernière partie de la Ligue, ainsi que « Providence », voire son travail sur le « Crossed » créé par Garth Ennis), tu noteras que ça correspond pile poil au début de son travail sur « Jerusalem », son gargantuesque deuxième roman… J’imagine qu’il y a un rapport de cause à effet, quelque part.

Tu exagères un brin concernant sa déclaration sur les films de super-héros : il ne dit quand même pas, dans mon souvenir, qu’ils sont responsables du Brexit ou de l’élection de Trump. Il semble détester l’air du temps, très clairement, et il met un peu tout dans le même sac, sans grand discernement il est vrai.

Ah oui, ça aussi j’en avais entendu parler.
L’équipe n’a pas du s’emmerder pendant le tournage, clairement. :smile:

Légende urbaine.

J’ai vu la scène et c’est un oiseau qui s’envole.

J’ai d’ailleurs revu le film au cinéma.
Qu’est-ce que c’est beau.

J’aime bien celui avec les Muppets, aussi.

(Hollywood Babylone)

En les lisant, je n’ai pas pu m’empêcher de faire mentalement la comparaison avec Peter Biskind, qui bénéficie par chez nous (ou du moins a bénéficié, j’ai l’impression que l’effet de mode est un peu passé) d’une aura qui me semble franchement surdimensionnée. Biskind est une langue de p***, un pur colporteur de ragots, mais qui essaie de se faire passer pour un critique. La supériorité des livres d’Anger, qui me fascinent, sur ceux de Biskind, qui me désolent et m’énervent, tient à mes yeux d’une part, comme mentionné, à la qualité d’écriture chez le premier, et d’autre part, à ce que, justement, il n’essaie pas de faire croire qu’il fait autre chose… et à la limite, je ne suis même pas certain qu’il essaie de faire croire que ce qu’il raconte est vrai.

Selon l’expression consacrée, Anger « imprime la légende », à ceci près qu’il préfère explorer son versant sombre. C’est une sorte de contre-Mythe de l’Âge d’or d’Hollywood, à la fois célébré dans sa démesure délirante et présenté sous l’angle de ce qui le gangrène — « un somptueux pique-nique au bord d’un dangereux précipice », où « la peur omniprésente, érotique et excitante, que le rêve doré s’évanouisse à tout moment », au prochain sacrifice de bouc émissaire sur l’autel de l’opinion publique, semblerait presque le moteur secret des frasques des stars d’un moment. Qu’une partie des anecdotes rapportées soit peut-être (ou sûrement) authentique et une autre peut-être (ou sûrement) inventée ne semble pas du tout être une préoccupation de Kenneth Anger, et n’a pas du tout été non plus ma préoccupation à la lecture. L’histoire du « yacht-corbillard » de William Randolph Hearst, par exemple, avec scène de meurtre au beau milieu d’une réception flottante, est quasiment un formidable roman (ou un génial film noir) en miniature (il y a d’ailleurs eu un film de Peter Bogdanovitch sur la question, mais la bande-annonce me fait douter que ce soit à la hauteur du potentiel de la chose…).

(Moore)

J’aime bien Century aussi, mais ça me semble déjà un poil bancal (le premier tome, surtout) malgré encore quelques grands moments, et tout de même pas au niveau des deux cycles précédents (mais toujours meilleur que Nemo…). Crossed +100, j’ai passé mon tour, j’avoue. Quant à Providence, j’en attendais beaucoup – d’autant que contrairement à d’autres je n’ai pas détesté Neonomicon, même si au vrai il repose surtout sur la reprise d’un concept (génial) pondu par Moore quinze ans plus tôt, repris et délayé au moyen d’une longue séquence de viol(s) --, mais je n’ai pas pu en venir à bout.

Entre autres défauts (le déséquilibre entre les planches et les parties textuelles, les dessins de Jacen Burrows…), Providence pour moi est symptomatique d’une tendance devenue récemment lourde chez Moore, qui m’avait déjà gâché son Nemo : les multiples tissus de références qui venaient naguère soutenir et enrichir le récit ont fini par le remplacer purement et simplement ; il n’y a plus qu’un vague prétexte pour passer de l’une à l’autre. D’où mon impression que Moore n’écrit plus, pour ainsi dire, que pour ses annotateurs. Mais moi, quand on m’annonce une œuvre à la hauteur d’un mélange de Swamp Thing, de From Hell (« grande œuvre malade » déjà, à mon avis, mais grande œuvre quand même) et d’un équivalent de Watchmen appliqué à l’imaginaire lovecraftien, et qu’au final je me retrouve avec une version déguisée et (mal) dessinée d’un sourcebook du jeu de rôle L’Appel de Cthulhu, je râle un peu.

J’admets le grossissement du trait, mais à défaut d’affirmer clairement un lien de cause à effet, il aime apparemment bien (je l’ai vu répété dans plusieurs interviews différentes) établir une corrélation entre les évènements politiques en question et le fait que cette année-là « six des douze plus gros films étaient des films de super-héros » (ce qui, vérification faite, est d’ailleurs légèrement inexact, mais passons). Pour lui les deux procèdent d’une « infantilisation » et d’un « refus des responsabilités » et il me semble assez clair que pour lui un phénomène nourrit l’autre et réciproquement.