REALISATEUR
Akira Kurosawa
SCENARISTES
Akira Kurosawa et Shinobu Hashimoto, d’après des histoires de Ryûnosuke Akutagawa
DISTRIBUTION
Toshirô Mifune, Machiko Kyô, Masayuki Mori…
INFOS
Long métrage japonais
Genre : drame
Année de production : 1950
Japon. XIème siècle. La Guerre Civile fait rage. Sous le portique d’un temple en ruines, Rashômon, trois hommes…un moine, un bûcheron et un voyageur errant…s’abritent de la pluie battante. Le moine et le bûcheron, qui viennent de témoigner à un procès, sont troublés. Un célèbre bandit est accusé d’avoir violé une jeune femme et tué son mari, un samouraï.
L’affaire est à priori assez simple. Mais chaque témoin apporte une version différente du drame qui s’est déroulé dans la forêt qui borde la porte de Rashô. La vérité se cache-t-elle parmi tous ces témoignages contradictoires ?
Inspirée par deux nouvelles de l’écrivain Ryûnosuke Akutagawa, le scénario de Rashômon déploie une structure narrative originale pour l’époque et souvent reprise par la suite dans des genres aussi différents que le polar ou le western. En donnant plusieurs versions de la même histoire, qui suivent à chaque fois le même schéma avant de diverger siginificativement, Akira Kurosawasa et son scénariste réfléchissent sur la notion de vérité et ce à plusieurs niveaux. Ainsi la vérité est une chose qui se fait toute relative lorsqu’on l’oppose aux différentes perceptions de la réalité, qu’elles soient matérielles, sensorielles ou symboliques.
Dans une mise en scène judicieuse, les différents acteurs de l’histoire se présentent à nous comme sur une scène de théâtre minimaliste. On ne verra ni n’entendra jamais le tribunal et le spectateur est ainsi amené à prendre la place de celui qui s’interroge sur la véracité des histoires proposées. Ces récits prennent même une tournure surnaturelle lorsque le mort lui-même sera amené à témoigner par l’intermédiaire d’une médium.
Le long métrage de Kurosawa est également un tour de force dans sa réalisation et dans le travail accompli sur la photographie. Il n’y a que trois décors : la porte, le tribunal et la forêt qui sert de lieu du crime, et Kurosawa en utilise toutes les possibilités en multipliant les points de vue. Le chiffre trois est d’ailleurs une constante dans le film : il y a trois personnes qui se protègent de la pluie, trois personnes qui se tiennent devant le tribunal/spectateur…et c’est également un triangle qui se déchire au coeur de la forêt.
La photographie, qui saisit idéalement toutes les nuances d’ombres et de lumières, est de toute beauté. Elle est signée Kazuo Miyagawa, dont l’emploi symbolique de la lumière (qui a donné lieu à de nombreuses interprétations) est en phase avec le tourbillon des émotions traversées par les personnages. Rashômon déborde de trouvailles techniques qui influenceront par la suite l’approche même de la discipline.
L’interprétation est également très forte : Toshiro Mifune, dans le rôle du bandit, livre une prestation quasi-animale, un peu too much par moment mais sans sombrer dans le ridicule. La femme, jouée par Machiko Kyo, est aussi convaincante dans la douceur que dans l’hystérie la plus complète. Masayuki Mori, le samouraï, impressionne par l’intensité de son regard, haine, colère et honte mêlée.
La musique, qui évoque par moment le Boléro de Ravel, est utilisée avec parcimonie et toujours à bon escient, en servant le rythme de la narration.
La fin peut frustrer, car Kurosawa ne donne pas de réponse définitive. Mais comme il l’a souligné à ses acteurs et dans sa biographie, « Rashômon est un reflet de la vie…et la vie ne donne pas toujours des réponses très claires »…
Pessimiste ? Peut-être…mais un pessimisme tempéré par la lueur d’espoir du plan final.