Ces TPB estampillés vol.2 et 3, et sortis respectivement en 2016 et 2017, présentent les 21 premiers numéros de la série régulière Birds of Prey, scénarisé par leur créateur Chuck Dixon, ainsi que deux numéros de crossover avec le Nightwing du même scénariste. Le « volume 1 » collectait en fait les divers one-shots et mini-séries, tous signés Dixon également, ayant précédé le lancement en mode ongoing , et qui avaient été précédemment publiés en deux TPB séparés. On est ici en revanche sinon dans de « l’inédit » stricto sensu, du moins dans des choses qui n’avaient jamais été reprises. En effet, si l’on excepte quelques numéros épars, liés à des grands évènements comme Bruce Wayne: Murderer? / Fugitive, la mise en recueil de la série régulière ne s’est effectuée qu’à partir du #56 qui a marqué l’arrivée au scénario de Gail Simone, restée par la suite la grande prêtresse du titre. C’est donc un manque assez important qu’il s’agit de combler.
Dans ces deux volumes, qui nous amènent justement à un cap important de ce point de vue, on suit essentiellement encore un tandem, composé d’une part de Barbara Gordon / Oracle et d’autre part de Dinah Lance / Black Canary, alors que l’identité de la première reste un mystère pour la seconde : les deux ne communiquent que par une oreillette. Cela crée une dynamique intéressante entre les deux personnages d’autant qu’à la différence de statut – à distance / isolée ou sur le terrain / impliquée – s’ajoute une forte différence de caractères : autant Barbara, ne serait-ce que par la force des choses, est dans le contrôle et la retenue, autant son « agent », Dinah est impétueuse, passionnée, « ouverte », et prompte à foncer la tête la première, que ce soit dans une confrontation ou dans un flirt.
Au-delà des caractères bien travaillés, il est je pense inutile de revenir sur le talent de Dixon pour développer des ambiances ; on soulignera également des constructions bien fichues sur la longueur, avec un goût pour l’introduction « à la périphérie » d’éléments qui vont ensuite prendre de l’importance. Dixon réutilise ainsi, par exemple, le personnage de Blockbuster, par ailleurs déjà solidement fixé comme l’un des méchants importants de la série Nightwing, d’abord de façon marginale et comme un gag, mais il y revient régulièrement jusqu’à en faire la force motrice du crossover Birds of Prey / Nightwing : The Hunt for Oracle qui conclut le deuxième TPB sur ce qui est sans doute la séquence la plus haletante de ce début de run.
Là où le bât blesse, en ce qui me concerne au moins, c’est par un autre aspect de la personnalité de Dixon, que j’ai rarement remarqué aussi nettement exprimé, dans les œuvres que j’ai lues de lui en tout cas : ses tendances très… droitières, qui lui valent aujourd’hui de jouer les idiots utiles du ComicsGate.
Si les premiers arcs présentent un peu de variété, on s’aperçoit vite, en effet, que l’essentiel de la série, pour ce qu’on peut en voir dans ces deux volumes (et qui s’inscrit en bonne part dans la continuité de ce qui se trouvait dans le précédant, je pense au one-shot inaugural et à celui intitulé « Revolution » à Santa Prisca) tourne autour d’un postulat d’autant plus répétitif qu’il est traité, pour le coup, avec une grande pauvreté : les missions de Dinah l’envoient faire la tournée des pays imaginaires de l’univers DC — Rheelasia, Qurac, Koroscova, Markova, Bulgravia, Transbelvia… —, où, en nette opposition à l’exaltation des valeurs (et glorieuses forces armées) américaines ne se trouvent que misère, corruption, oppression, crime, violence, amoralité et populations arriérées. Dixon nous refait même le coup du Joker promu ambassadeur d’un pays du Moyen Orient… tandis qu’à un autre moment, un détour de l’intrigue en direction d’Apokolips nous vaut une scène toute droit sortie de Starship Troopers … le second degré en moins !
Disons que je garderai un meilleur souvenir de l’épisode où Nightwing emmène Barbara au cirque, et lui « offre » l’occasion de retrouver un peu de ses sensations perdues de Batgirl le temps de quelques voltiges en trapèzes, que de ce genre de délires et clichés bas du front (national).
Un dernier petit regret concernant cette fois l’édition proprement dite, l’absence de tout paratexte, même minimal, qui aurait pu expliquer quelques petites transitions un peu surprenantes du fait du contexte éditorial. D’un numéro à l’autre le personnage de Power Girl se trouve par exemple transformé dans son physique, son costume, sa psychologie et même apparemment la source de ses pouvoirs… là, j’ai beau avoir cherché, je n’ai pas compris ! La transition au sein du crossover The Hunt for Oracle est aussi un peu chaotique du fait d’un numéro de Nightwing non repris qui assurait la liaison ; la reprise intégrale de ce numéro n’était sans doute pas nécessaire, mais quelques lignes n’auraient pas nui d’un petit résumé de l’évolution de la situation pour le personnage.