RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Durablement associé à la Legion of Super-Heroes, le scénariste Paul Levitz a également eu une importance non négligeable dans le développement du petit microcosme s’agitant sur Earth-2, la Terre-2 de l’univers DC, dans les années 1970.

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En effet, depuis Flash #123, les lecteurs savent que des versions alternatives (et précisément : anciennes) de leurs héros favoris vivent sur un monde différent de celui qui est chroniqué dans les séries régulières. En l’occurrence, il s’agit des justiciers de l’Âge d’Or, qui ont continué leur carrière sur ce monde, et donc vieilli. Divers scénaristes (dont Len Wein) ont mis en scène les rencontres entre les héros des deux mondes dans la série Justice League of America, mais les années 1970, à la suite du frémissement d’intérêt pour les lecteurs envers ces justiciers chenus et burinés, voient la naissance de plusieurs séries consacrées à ce monde parallèle. La Justice Society revient dans les pages de All-Star Comics, et de nouveaux personnages apparaissent. C’est le cas de Huntress.

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On l’a évoqué plus haut, les héros de Terre-2 vieillissent. Donc Batman, ce Batman-là, qui a commencé sa carrière en 1939, a laissé tomber sa cape, il est devenu commissaire de Gotham, et il a épousé Selina Kyle, l’ancienne Catwoman désormais repentie. Si Levitz anime les nouvelles aventures de la Société de Justice dans All-Star Comics, Bruce Wayne n’y fait que des apparitions fugaces en civil.

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Dans DC Super Star #17, daté de décembre 1977, le scénariste, avec l’aide de Joe Staton et de Bob Layton, raconte l’apparition de la fille de ce couple. Suivant une intrigue un brin capillotractée durant laquelle Selina décide de remettre le costume de voleuse pour un dernier braquage, cédant ainsi au chantage d’un ancien associé, et où Batman renoue avec ses activités de justicier pour assister à la mort de sa bien-aimée (ce qui le brisera psychologiquement), les trois auteurs montrent comment leur héritière décide de reprendre le flambeau afin de venger sa mère tout en gardant secrètes ses activités afin que son père ne s’inquiète pas.

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Désormais présente dans l’univers de Terre-2, la jeune Helena Wayne, adoptant le nom de Huntress, fait de régulières apparitions dans All-Star Comics, devenant un pilier du groupe (et assistant notamment à la mort de son père dans une dernière mission héroïque). Parallèlement, elle fait quelques apparitions, notamment dans Batman Family #18 à 20, dans une intrigue réalisée par le même trio d’auteurs et qui mélange corruption politique et arnaque à l’incendie. Un récit dont la principale qualité est de présenter plus précisément la situation de l’héroïne, membre d’un cabinet juridique fournissant une assistance aux limites et aux contours peu définis.

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Par la suite, la série passe dans les pages de Wonder Woman #271 à 287, 289, 290, 294 et 295. Levitz et Staton restent aux commandes, alors que les encreurs varient : Steve Mitchell signe la première grosse volée d’épisodes, suivi de Bob Smith, Bruce Patterson (le mariage est ici plutôt pas mal) et Jerry Ordway, qui embellit littéralement les planches, au point d’ailleurs que le trait de Staton soit presque méconnaissable.

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Levitz ouvre le bal avec un diptyque faisant intervenir Solomon Grundy, ici en mode intelligent, obsédé par la beauté artistique. Très rapidement, le scénariste fait intervenir Power Girl, cousine du Superman de Terre-2 (et donc équivalent local de Supergirl) et reconstituant le tandem qu’il anime parfois dans les aventures de la Société de Justice. C’est l’occasion aussi de présenter le personnage de Harry Sims, procureur éprouvant une attirance bientôt réciproque à l’égard de Helena Wayne. D’abord contrôlé par le Thinker, ce dernier sera mêlé à une évasion massive de super-criminels puis victime de la toxine du Joker. Au milieu de toutes ces aventures, Levitz en profite pour raconter l’idylle naissante entre les deux personnages, avec cependant le caractère parfois décousu de ses récits, où certaine péripéties tombent dans l’intrigue comme un cheveu gras dans un potage maigre.

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Les récits sont parfois précipités, avec cette volonté, fréquente chez Levitz, d’en donner beaucoup, parfois trop. Les épisodes de huit pages l’obligent, c’est évident, à se montrer généreux afin de faire avancer le récit dans une pagination réduite. Mais il fait progresser les intrigues secondaires, y compris la vie amoureuse de Helena, par sauts de grenouille parfois acrobatiques. On remarquera également que, justement, s’il anime la série mettant en vedette une femme forte, il ne peut s’empêcher d’y glisser une histoire d’amour ainsi que des scènes récurrentes de douche : les lecteurs seront ravis de constater que la brune héroïque a une hygiène scrupuleuse, mais on peut se permettre de se demander si les visites à la salle de bain seraient aussi fréquentes si le personnage était masculin. Le bon côté des choses, c’est que cela permet d’avoir un aperçu, même rapide, de la vie privée de la justicière, là où All-Star Comics montre des membres de la Société de Justice perpétuellement engoncés dans leurs costumes de héros.

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Plus problématique, Levitz construit ses premières aventures sur la révélation de l’identité secrète de Helena, dont Harry reconnaît immédiatement la voix. Si l’affaire est parfois traitée sur le ton de l’humour, tout cela finit par diminuer et ridiculiser le personnage, tout en laissant transparaître un léger sexisme : une telle gaffe n’arrive jamais à Batman, Levitz lui-même en convient dans les dialogues. Les héroïnes DC sont donc plus futiles et écervelées que leurs homologues masculins ?

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Ces premières aventures, posant les bases du personnage et publiées entre 1977 et 1982, ont été compilées dans le TPB Huntress: Darknight Daughter, sous une couverture assez amusante de Brian Bolland qui représente la jeune héroïne au moment fatidique où ses parents découvrent son secret : une scène qui n’a jamais eu lieu dans les comics et qui renvoient à un cliché de l’adolescence, dans une collision aussi symbolique qu’amusante (détournement de la couverture du DC Super Star #17, en nettement plus drôle). Le recueil, paru en 2006, contient également une préface de Paul Levitz lui-même, qui resitue le contexte éditorial dans lequel la création et le développement du personnage ont eu lieu.

Jim