Ce qui me fait penser que je n’ai pas répondu à ça.
Donc tu parles de la période Loeb, c’est ça ? Donc en gros de l’arrivée d’Eddie Berganza au poste de rédacteur des titres Superman ?
Alors je suis très partagé. Ça balance des idées, ça amène de nouveaux vilains (Imperiex au premier chef, mais aussi La Encantadora ou, un peu plus tard, Manchester Black…), ça transforme un peu l’univers (le virus Brainiac qui « modernise » la ville), mais a contrario il manque une étincelle humaine, à mes yeux. La période Carlin (que j’étends à celle gérée par ses anciens assistants, donc une dizaine d’années) proposait de suivre les mésaventures d’autres personnages, des protagonistes humains (Perry White, avec les problèmes de drogue de son fils puis son cancer…) ou pas (Lori Lemaris qui fait un tour, le Guardian, plus tard Ceritak ou d’autres…). Ces personnages nourrissaient la série avec leurs soucis, leur évolution, leurs chagrins, leurs envies, leurs déceptions…
On sent d’emblée, dans le début de la période Berganza, et surtout dans les épisodes de Loeb, que tout ceci est fini. On revient à un Daily Planet brillant, pimpant, bruissant d’agitation, avec Perry qui fume son cigare et choisit les unes, tout ça. Le premier épisode dessiné par Mike McKone suit Lois qui entre dans les locaux, et c’est l’archétype, la base, la source, le « back to basis ». Alors oui, on aura droit à l’intrigue sur les problèmes de couple, mais justement, y a un super-vilain derrière. Et ouais, la période offre son lot de chocs : Metropolis transformée, Luthor élu président (ça, pour le coup, c’est super-chouette et très dans la lignée de ce qu’on a eu précédemment, avec un personnage qui a un parcours, un vrai…), Imperiex qui attaque et le Kansas qui est dévasté, donc ça bouge et tout, mais il manque sans doute cette dimension humaine qui faisait le charme de la période précédente.
On assiste aussi à un grand retour nostalgique, qui dépasse le fait de reconstruire le Daily Planet et sa rédaction. Notamment autour des deux sagas « Return to Krypton », qui sont sympas et proposent une sorte de version syncrétique ou œcuménique de cette partie du mythe, mais également qui cherche à raviver les souvenirs les plus anciens.
Ce que j’appréciais dans la période Carlin, c’était la capacité à évoquer le passé sans pour autant le reproduire. Je vais prendre l’exemple de Krypto. Dans la version « pré-Crisis », c’est un chien blanc intelligent (genre une sorte de labrador, ou d’épagneul, à la bouille ronde) et à super-pouvoirs. Dans la version « post-Crisis », c’est le dernier survivant d’une portée que Bibbo a sauvé de la noyade, et qu’il a voulu baptiser « Krypton ». Sauf que le gars qui a gravé la médaille du collier du chien n’avait pas la place (ou que Bibbo n’avait pas assez d’argent, je sais plus) et qu’il a gravé « Krypto ». Et ce chien devient l’animal de compagnie du Superboy cloné, et Dubbilex (je crois) s’amuse à le faire voler pour faire une blague, etc etc. On prend donc une référence, on l’inscrit dans un contexte plus « réaliste », et on s’amuse. On décale. La Supergirl version « Matrix » métamorphe ou le Superboy cloné, c’est le même principe. Et ça, j’adorais.
Avec Berganza, on revient à l’ancienne, l’ancestrale version. On retrouve des Kryptoniens avec de gros soleils sur le costume, on retrouve un chien à super-pouvoirs, on retrouvera une cousine blonde perdue dans l’espace, on retrouvera un Lex Luthor en armure verte et violette, etc etc. Et ça, je n’ai pas apprécié, à l’époque.
Bon, les comics, c’est un éternel retour, hein. Mais ça, à l’époque, je l’acceptais beaucoup moins que maintenant.
Jim