RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Le TPB Invaders: Eve of Destruction (tirant son titre du troisième épisode) contient donc également les quatre chapitres (donc Marvel Universe #4 à 7) consacrés à un groupe de héros affrontant des monstres géants et rassemblant Ulysses Bloodstone, le Doctor Druid, l’agent Jake Curtiss (dont la véritable identité constituera l’un des fils rouges de l’intrigue) et la guerrière wakandaise Zawadi.

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Comme évoqué plus haut, le lancement de la série, par Tom Brevoort et Roger Stern, a été axé autour des trois héros considérés comme fondateurs de l’univers Marvel. C’était donc en toute logique que la série Marvel Universe commençait « par le début », en quelque sorte. Mais avec cette deuxième intrigue, elle rentrait dans le vif du sujet, relevait le défi éditorial de base, à savoir explorer les périodes méconnues de ce monde de fiction. Et justement, puisque le temps glisse régulièrement à mesure que les années passent dans le monde réel (selon le principe qui veut que l’envol de Reed Richards et de ses amis date de dix ans environ), la période qui s’étale entre la fin du conflit mondiale (disparition de Captain America, amnésie de Namor, désactivation de Human Torch) s’élargit, nécessitant que les auteurs la comblent avec des histoires inédites, recourant comme de juste à des personnages soit immortels soit dotés d’une longévité accrue.

Pour ma part, cette deuxième saga m’a véritablement emballé à sa sortie, pour plusieurs raisons. Stern, bien sûr. La présence de Mike Manley au dessin ou à l’encrage de ces quatre épisodes (aidé par Blevins ou Armstrong), ce qui confère au récit une ambiance entre Jack Kirby et Bruce Timm du meilleur tonneau. Et enfin, la perspective de retrouver certains des grands monstres de la période Atlas. C’est là que la série trouve son (éphémère) identité. En effet, les éditeurs de bandes dessinées américains ont tous leur panthéon de super-héros de la Seconde Guerre mondiale. Mais les grands monstres, c’est une spécialité Marvel, et l’équipe éditoriale travaille ici sur l’identité même de cet univers de fiction.

Et puisque l’on parle de cette période de « vide » au sein de la continuité, cette ère des grands monstres occupe l’essentiel de cet entre-deux dans l’histoire des justiciers costumés. Ils deviennent une espèce de premier plan dans la mythologie et l’héritage de Marvel, et Brevoort en est bien conscient puisqu’il convoque un florilège d’illustrateurs pour la couverture composite du numéro 4 : Joe Quesada et Jimmy Palmiotti, Dan Brereton, Duncan Fegredo, Walt Simonson, Scott McDaniel, Bruce Timm, Michael Golden et Scott Elmer, et enfin Mike Manley. Période concentrée sur quelques années dans le monde réel, elle profite d’une expansion par le biais du glissement temporel évoqué plus haut, devenant la menace principale de cette zone floue qu’il faut combler a posteriori.

Ici, avec Ulysses Bloodstone (personnage des années 1970 qui est considéré comme immortel tant qu’il dispose du joyau incrusté dans sa poitrine…) et le Doctor Druid (dont les limites des capacités acquises à la suite d’une initiation mystique sont floues), Brevoort et Stern disposent de deux personnages susceptibles d’occuper cette période « creuse ». Le mystérieux Jake Curtiss (donc le pseudonyme rappellera aux plus attentifs d’entre vous celui d’un dessinateur qui a utilisé un nom voisin avant de se faire connaître autrement) est quant à lui un héros aux multiples dénominations, puisque, après deux chapitres de mystère, il se dévoile, dans la troisième partie, sous l’apparence de Hurricane, un bolide véloce de l’Âge d’Or, en qui Bloodstone reconnaît aussi Mercury, autre personnage des années 1940, créé par Simon et Kirby (ce qui permet à Stern de faire d’une pierre deux coups). Quant à Zawadi… disons simplement que les Wakandaises connaissent certains secrets de longévité (une bonne infusion d’herbe-cœur vous aidera à vous faire une idée).

Tout commence alors que le Doctor Druid se rend dans les locaux d’un club d’explorateurs d’où un importun vient d’être chassé manu militari. Il rencontre Zawadi, Bloodstone et Curtiss, ce dernier étant désireux de partager les expériences de chacun au nom de la sécurité nationale. C’est le prétexte à quelques flash-backs qui permettent de mieux connaître les personnages tout en mettant en scène de grandes cases avec des bestioles monstrueuses renvoyant à cette tradition propre à Marvel, et aussi à tout un imaginaire cinématographique associé à la Guerre froide.

L’individu refusé à l’entrée du club, du nom de Harvey Elder, tente à nouveau de rentrer et écoute subrepticement la conversation du petit groupe. Chassé à nouveau, il n’aura de cesse de les suivre, découvrant de loin l’existence des grands monstres. Convaincu que la Terre est creuse, il est persuadé que c’est là l’occasion de prouver ses dires. Sous ses allures hirsutes, Elder (qui est nommé pour la première fois dans cette série) est en réalité un vieux personnage de Marvel, dont je laisse la surprise à ceux qui n’ont pas encore lu l’histoire.

L’intrigue, justement, suit un personnage mystérieux qui réveille progressivement des grands monstres. Au fil du récit, on comprendra que ce comploteur est en réalité Kro, un Déviant connu des lecteurs de la série Eternals de Kirby (encore). Stern utilise ce genre d’informations afin de connecter des aspects un peu disparates de l’univers Marvel, tissant des liens entre les Déviants, les grands monstres, Hurricane (qui est en fait Makkari) ou encore l’Île aux Monstres. La présence de Harvey Elder permet d’éclairer (et de rendre aussi plus attachante) la figure d’un des plus vieux ennemis des Fantastic Four.

La série rend un hommage à plusieurs détentes au King Kirby, saluant plusieurs de ses créations dans un même élan, donnant de la cohérence à ces inventions disparates, quand bien même elles ont été publiées à plusieurs décennies d’écart. Au-delà cependant de ces multiples clins d’œil, les quatre épisodes remplissent largement le contrat de base, alignant une action souriante et soutenue, des références à la continuité (jusqu’à la jeune fille que Harvey Elder croise dans un bar) et la possibilité de développer des thèmes transversaux comme Stern a aimé le faire dans ses Avengers.

Confier le dessin de cette saga à Mike Manley (même s’il n’en assure l’entière partie graphique que dans le premier chapitre, cédant le crayonné à Bret Blevins ou Jason Armstrong, qu’il encre, pour les autres parties) témoigne aussi de l’attention que Brevoort et Stern accordent à l’aspect graphique, tentant d’associer une période ou un thème avec un style de dessin particulier. Epting sur les Envahisseurs ou Manley sur les grands monstres, voilà deux réussites qui promettent de belles choses pour la suite.

Sauf que de suite, il n’y en aura pas. Comme dit plus haut, la série ne trouve pas son public, et s’arrête après cette deuxième saga. D’autres histoires étaient en chantier, plus ou moins avancées, et devront attendre avant de voir le jour, sous des formes différentes. De nombreux projets tomberont dans les limbes, laissant aux amateurs de continuité et de récits bien troussés et pas tape-à-l’œil un sentiment de trop peu.

Si la série avait continué, elle aurait proposé quelques idées intéressantes, que j’évoque dans ce post (ouais, je fais des cross-overs entre les sujets de discussion, je suis fou dans ma tête, bwa-hahahaha).

Jim