RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Cela fait des mois que j’ai commenté Thor: Worldengine, le TPB regroupant les épisodes que Warren Ellis et Mike Deodato ont consacré au Dieu du Tonnerre, marquant une rupture avec ce qui précédait. Et donc, depuis juin, je devais évoquer les deux tomes suivants… et… le temps a passé.

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Succédant à Ellis, c’est William Messner-Loeb qui reprend la série là où son prédécesseur l’a laissée : Thor ne dispose plus de pouvoirs hérités d’Odin, il a des doutes, il est coupé du pouvoir d’Yggdrasil, et il vit avec l’Enchanteresse dans un appartement luxueux au sommet d’un gratte-ciel.

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Le premier épisode, dessiné par Geoff Isherwood, un illustrateur dont j’aime beaucoup le style et que j’aurais aimé voir plus souvent, présente le couple de dieux déchus à la rencontre d’une jeune femme qu’ils sauvent d’un enlèvement. Au fil des épisodes, on apprendra que le père de celle-ci, collectionneur fortuné, souhaite la protection de Thor.

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De fil en aiguille après un détour par le cross-over « First Sign », étalé également sur Captain America et Iron Man, et dont Mike Deodato assure la partie Thor avec l’énergie qu’on lui connaît, le héros retrouvera un Odin amnésique et clochardisé, indice qu’il se passe quelque chose en Asgard que le héros et les lecteurs ont encore à découvrir, puis sera confronté à une arme magique associée au collectionneur et qui aura une influence étrange sur Thor et ses amis.

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Si Messner-Loeb écrit un récit bien rythmé et ponctué par des thèmes qu’il affectionne (notamment la rédemption, mais aussi la notoriété…), il semble toutefois jouer la montre en attendant l’arrivée du numéro 500.

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La série souffre d’un déclin graphique évident. Deodato délègue de plus en plus à d’autres dessinateurs brésiliens, parmi lesquels Luke Ross qui n’a pas encore le style réaliste développé plus récent, ou Adriana Melo et d’autres. L’ensemble est très inégal et parfois bien repoussant, absolument pas à la hauteur d’un récit qui, sans être renversant, aurait pu laisser un bon souvenir s’il avait été doté d’un bon dessin régulier.

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Et alors qu’un autre détenteur du pouvoir divin, Red Norvell, issu des épisodes de Roy Thomas peu avant le trois centième épisode, fait son retour dans la série, Thor obtient le fin mot concernant le sort d’Asgard.

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Le royaume éternel est en ruines, les Asgardiens ont disparu, les Trolls et les Géants des Glaces ont envahi les lieux. Avec l’aide de Doctor Strange, il parvient à chasser les envahisseurs et à recouvrer son pouvoir. Mais il lui reste désormais à retrouver les autres Asgardiens et la dernière bulle du numéro 300 (assez chouettement dessiné par Deodato, qui ne fait pas énormément d’effort mais qui, au moins, assure une certaine cohérence énergique aux planches) laisse entendre que la suite se déroulera sur Terre.

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Sauf que bien sûr, rien n’est aussi simple. En effet, la rédaction de Marvel a mis en branle le cross-over Onslaught, qui va tout ravager sur son passage, y compris les habitudes d’édition et de lecture, notamment en démontrant qu’on peut créer l’événement et générer des ventes en renumérotant / confiant les personnages à des auteurs vedettes même s’ils n’ont rien à dire / sacrifiant les héros / faisant fi de toute continuité.

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Thor #501 est un épisode très dense dans lequel Messner-Loeb règle le subplot du prisonnier lancé peu avant (et qui devait sans doute réserver des développements plus longs), raconte les retrouvailles entre Thor et Norvell et fait le point sur le sort de l’Enchanteresse.

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Le dernier épisode, sans doute le plus réussi de cette prestation où le scénariste n’est pas ménagé par l’éditorial, constitue une sorte de bilan, un instant de calme avec la tempête Onslaught qui s’annonce. Les deux porteurs de marteaux devisent sous les étoiles, Jane Foster vient dire bonjour, et soudain les personnages sont emplis d’une vie et d’une épaisseur que le scénariste a tenté de mettre en scène précédemment, dans le foutoir éditorial et l’agitation contradictoire où il a été amené à travailler.

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On peut imaginer ce qu’aurait donné la série si Messner-Loeb avait eu les coudées franches, s’il n’avait pas été embauché pour jouer la montre et mettre en place les intrigues dictées par l’éditorial, et si le dessin avait été à la hauteur. Ce Thor #502 semble en être un échantillon aussi tardif qu’explicite.

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Rétrospectivement, toute cette période (Ellis / Messner-Loeb / DeFalco) semble correspondre à un vaste plan éditorial, une intrigue globale qui serait sans doute restée comme un chouette moment dans la vie du personnage si elle n’avait pas été étalée entre trois scénaristes, une trop grande floppée de dessinateurs, deux séries, le tout tronçonné par des cross-overs qui n’ont contribué qu’à couper l’élan de l’intrigue et diminuer son impact.