RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

On a déjà parlé de l’arrivée fracassante de Mark Waid sur la série Captain America, à un moment où Mark Gruenwald avait enlisé le titre dans une intrigue à rallonge dans laquelle le sérum qui donne ses pouvoirs au héros ne faisait plus d’effet. Soutenu par le trait lourdingue de Dave Hoover, le scénariste livrait des récits mollassons et sans entrain dont la lenteur ne faisait que mettre en évidence ses défauts d’écriture, qui passaient très bien dans des récits plus ramassés, surtout s’ils étaient illustrés par un Tom Morgan, un Kieron Dwyer ou un Ron Lim.

Je saisis le prétexte de ma relecture récente de la période Waid pour évoquer les deux recueils qui ont repris les deux intrigues principales de ce premier run. À commencer par Captain America: Operation Rebirth, qui reste dans ma mémoire un véritable électrochoc.

image

Quand Waid déboule sur Captain America #444, ce qui frappe en premier lieu, c’est l’énergie du dessinateur qui l’accompagne. Ron Garney est déjà connu des lecteurs de Marvel (pour ma part, j’avais savouré avec gourmandise ses Nightstalkers, avec un encrage nerveux de Tom Palmer), et on sait qu’il sait donner aux pages l’allant proverbial des récits de super-héros. Mais non content de faire la part belle à l’action, Garney, ici, livre de grandes cases, servies par un script sobre de Waid : peu de bulles, des dialogues en rafale, des échanges forts.

Chose ironique (qui, je crois, m’a échappé à ma première lecture, quand j’ai découvert la série lors de la reprise du catalogue Marvel par Panini : quel choc, tudieu !), Waid s’amuse à faire débuter son action avec Quicksilver, le « Bolide » local, sans doute dans un clin d’œil adressé à ses lecteurs, qui suivent ses travaux sur Flash chez le Distingué Concurrent.

Car, oui, Cap n’apparaît pas dans cet épisode. Ce sont les Avengers qui tiennent la vedette. Mais Cap est au centre des discussions : réclamé par les preneurs d’otages, il est « décrié » par un agent stressé et défendu par ses compagnons d’armes. En creux, le scénariste se livre à une définition du personnage (meneur d’hommes, formateur, donneur d’espoir, en plus d’être fin stratège et courageux). L’évocation du bonhomme est aussi l’occasion de rappeler les fondamentaux du personnage, et notamment deux moments phares de la carrière des Avengers : la découverte de Cap (à l’épisode 4 de leur série) et la formation d’une nouvelle équipe dont il prend la tête (à l’épisode 16). Classique, mais efficace : on remet le personnage en mémoire, on redore son blason, on démontre aussi qu’il est bien plus qu’un costume…

… mais on ne le fait pas apparaître. Et pour cause, il est toujours en animation suspendue, à la porte de la mort. Mais l’épisode se conclut sur un cliffhanger annonçant son retour grâce à l’intervention de silhouettes dans l’ombre. Le lecteur, désormais réaccroché, a méga-envie de savoir la suite.

L’une des caractéristiques de l’écriture de Waid à l’époque, c’est la vitesse (ça se sent aussi sur les X-Men qu’il fera dans la même période, ou sur les Ka-Zar qu’il fera plus tard avec Andy Kubert). Les choses vont vite. On n’attend pas. Les épisodes sont trépidants. Et là, dès le deuxième chapitre (premier volet de la saga « Operation Rebirth »), Cap sort de sa léthargie. Il sent bien qu’il n’est pas encore au sommet, mais au moins, il a retrouvé un état de santé normale. Et Garney s’en donne à cœur-joie.

Waid, lui, décide de ne pas ménager son lecteur. Les révélations pleuvent : Sharon Carter n’est pas morte…

… et Cap doit sa résurrection à une transfusion de sang accordée par le Red Skull, ce dernier évoluant dans un corps cloné du héros depuis Captain America #350. Rien que ça, ça secoue les lecteurs. La série a retrouvé son énergie et redevient l’une des meilleures du catalogue. Et ça continue.

Cap découvre que ses deux alliés inattendus ont appris que le Cosmic Cube s’est réveillé, sous l’effet de la personnalité d’Adolf Hitler qu’il contient, et menace de refaçonner le monde. Le trio affronte des néo-nazis et tente de récupérer l’objet, alors que le monde autour d’eux fluctue, change, se trouble.

Garney aligne des planches étourdissantes, on sent le mouvement, la vitesse, l’impact. Il bénéficie de bons encreurs, dont Scott Koblish et surtout Denis Rodier. De l’exagération au bon sens du terme.

En filigrane, Waid développe une intrigue secondaire autour du retour de Sharon, qui cherche à comprendre les raisons ayant poussé sa hiérarchie à falsifier sa mort. Pour le scénariste, c’est un bon prétexte pour marquer les relations entre les personnages d’une méfiance inédite.

Finalement, c’est à Cap que revient la mission d’utiliser le Cosmic Cube de la meilleure manière possible. Et Voilà que le héros plonge dans l’objet, désireux de mettre un terme à la menace d’Hitler, mais laissant le champ libre à son adversaire.

Ce qui permet au lecteur de savoir Captain America #448, dernier volet de la saga « Operation Rebirth », qui est à la fois, par le biais d’une version imaginaire de la carrière du héros, un hommage vibrant et un résumé sensible.

Quelle reprise en main ! Quelle réussite ! Quel souffle ! De l’humour, de l’action, une caractérisation forte, une compréhension réussie des spécificités du personnage ! Et tout ça au service d’une histoire frénétique aux enjeux intenses ! Une merveille !

Le récit a eu droit à plusieurs éditions, en souple et en cartonné (parfois en intégrant sa suite, « Man Without A Country »), avant d’intégrer la collection Epic, comme on l’a évoqué plus haut. Et ce assez tôt par rapport à la publication, à une époque où les TPB n’étaient pas aussi fréquents. Signe que le public et l’éditeur ont bien senti que cette redéfinition allait marquer les esprits. Un personnage remis en selle, avec un entourage redéfini, par un scénariste qui va droit au but et un dessinateur sans frein : un must !

Jim

1 « J'aime »