Je ne sais pas si c’est ma découverte récente du « Ant-Man Forever » qu’Al Ewing a mené dans mini-série Ant-Man, ou mon plaisir à la relecture d’Avengers Forever par Busiek et Pacheco, mais j’ai eu envie récemment de relire Ultron Forever.
À l’origine, l’histoire paraît sur trois numéros hors série entre avril et juin 2015 : Avengers: Ultron Forever #1, New Avengers: Ultron Forever #1 et Uncanny Avengers: Ultron Forever #1. L’équipe est composée du scénariste Al Ewing et du légendaire dessinateur Alan Davis, encré par Mark Farmer.
Pour ma part, j’ai découvert la saga en VF, que j’ai dénichée un peu par hasard dans une solderie en bordure de la Roche-sur-Yon, où j’errais comme une âme en peine ans l’attente d’une conférence à donner (et les gens qui m’accueillaient ont eu l’idée d’aller me chercher à la gare de mon changement de train, ce qui fait que je me suis retrouvé en ville quelque quatre heures avant l’action : de quoi visiter ! Et donc, je trouve ce récit complet, et la perspective de lire une aventure dessinée par Davis et qui n’appelle pas de suite a attisé ma curiosité.
Je crois que je ne connaissais alors Al Ewing que de nom. Ou alors, la seule chose que j’aie pu lire de lui à l’époque (sans doute en VF également, et sans doute à la faveur d’une visite quelconque en solderie, à peu près la seule source d’approvisionnement pour les parutions hexagonales), c’est peut-être son Contest of Champions adapté, si j’ai bien compris, d’un jeu disponible sur smartphone (détrompez-moi si besoin, je n’y connais rien…). En fait, je ne sais pas ce que j’ai en premier de sa part, mais ça se joue entre ces deux récits. Et ce que j’ai apprécié, en fait, c’est sa capacité à jouer sur la continuité et à tirer profit de certaines situations, de certains postulats.
Et c’est là encore ce qui m’a plus dans Ultron Forever, et que je viens de retrouver à la faveur de cette relecture. Le principe de l’histoire est simple (déjà exploré, bien entendu, dans Avengers Forever, mais aussi dans Captain America Corps de Stern et Briones et quelques autres…) : des héros venus de périodes différentes sont assemblés afin de lutter contre une menace commune. L’astuce, ici, c’est que le commanditaire, c’est Doctor Doom.
L’autre particularité, c’est que ce sont des héros convoqués alors qu’ils passent un moment difficile ou particulier dans leur carrière : le Hulk à trois orteils d’avant la fondation des Vengeurs, le Thor aux os fragiles à qui Hela refuse le repos de la mort, l’Iron Man remplaçant souffrant de maux de tête…
La construction du triptyque est simple : les héros sont séparés en équipes (classique…) afin d’infiltrer les lieux de pouvoirs où, dans ce 52e siècle déviant, Ultron exerce son autorité sur une humanité soumise.
Le premier numéro se termine sur l’échec ou la mise en danger des trois commandos, le second voit la situation se retrourner en faveur des héros, mais aussi de Doom, qui profite de la défaite de cet Ultron All-Father pour s’emparer du pouvoir vacant. Et le troisième chapitre voit les héros se regrouper et affronter la nouvelle menace.
C’est assez classique, et fatalement le troisième volet est peut-être le moins surprenant des trois, puisque les révélations principales ont été faites précédemment. Mais Ewing a encore quelques cartouches en réserve et parvient à connecter son intrigue à un pan méconnu de l’histoire récente des Vengeurs, la série Avengers A.I. de Sam Humphries, dont l’un des personnages fait son retour ici.
La force de la proposition d’Ewing réside dans sa capacité à exploiter les éléments de continuité (par exemple, la manière dont la décapitation de Hulk est résolue, qui m’a bien cueilli à la première lecture) et à glisser des clins d’œil et des références, notamment dans les dialogues. Toujours conscient que si son histoire peut être lue par de jeunes fans, il s’arrange néanmoins pour rédiger un récit qui peut plaire et séduire les vieux connaisseurs.
C’est rempli d’idées cools, servi par un Alan Davis qui ne fait pas d’esbroufe (il a passé l’âge et n’a plus rien à prouver) mais fournissant quelques belles pages d’action avec le brio qu’on lui connaît : un Alan Davis un peu fainéant, c’est déjà tellement meilleur qu’à peu près tout le monde !!!
Ewing semble avoir un gros faible pour Vision, qui profite d’un soin tout particulier de la part du scénariste. Mystérieux, cryptique, avec un humour grinçant, le personnage est de toutes les meilleures scènes. Et comme souvent chez Ewing, il est aussi un commentaire, discret mais présent, sur les ressorts narratifs du récit. Le scénariste a une compréhension instinctive des personnages, qui sont cohérents par rapport à ce qu’on sait d’eux sans pour autant se contenter de coller aux versions précédentes.
Le recueil que j’ai ajoute à ces trois chapitres trois rééditions qui permettent de retrouver les personnages dont Ewing exploite les faiblesses… et donc les forces. C’est ainsi qu’on retrouve Incredible Hulk #6, dessiné par Steve Ditko, et qui démontre s’il en était besoin que la série, à l’époque, était en plein test des limites sans choisir de direction, puis Iron Man #188, avec le retour de Tony et les maux de tête de Rhodey, et enfin Thor #378, par Walt Simonson et Sal Buscema.
Ultron Forever contient tout ce que j’aime dans le super-héros mainstream : une histoire enlevée avec de gros moments épiques, une connaissance fine de la continuité, une caractérisation convaincante et un hommage aux grandes heures des personnages et à leur thématique fondatrice. L’un des récits qui ont placé Al Ewing dans ma liste des gens à suivre.
Jim