En 2009, Marvel publie plusieurs one-shots revenant sur le passé éditorial de la maison d’édition et jetant des ponts divers entre l’actualité d’alors des personnages et les origines de cet univers de fiction. L’un de ces one-shots est consacré aux Young Allies, cette bande de garnements évoluant dans le giron des héros de l’époque, et à laquelle appartenait le jeune Bucky. Ce dernier aura bien grandi depuis, puisque, considéré un temps comme mort au champ d’honneur, il réapparaîtra bien des années plus tard sous les traits du Winter Soldier, ce Soldat de l’Hiver au centre des épisodes d’Ed Brubaker. Le recueil Captain America: Forever Allies réédite ce récit, ainsi que sa « suite », la mini-série portant le même nom, et le premier numéro de Young Allies datant des années 1940.
Dans l’one-shot Young Allies 70th Anniversary Special, nous retrouvons James Buchanan Barnes dans le présent. Errant dans le cimetière d’Arlington, il retrouve le mémorial dédié aux « Jeunes Alliés » et remarque que deux noms ne figurent pas sur la stèle. Il parvient à retrouver les deux survivants, Pat O’Toole et Washington Carver Jones.
Le récit de Roger Stern alterne les discussions émouvantes des trois vétérans, deux vieillards face à un héros étrangement bien conservé, et les flash-backs consacrés à une mission à Paris au moment de la libération.
Le scénariste parvient à glisser de l’humour et de l’action dans un récit essentiellement centré autour de l’émotion et de l’hommage. En cela, il est très bien servi par le dessin expressif et délicat de Paolo Rivera. Le récit est aussi l’occasion, tendance méta, de prendre du recul par rapport aux représentations des minorités à l’époque et donc par rapport à l’évolution des codes visuels au fil de sept décennies.
Les quatre épisodes de la mini-série Captain America: Forever Allies sont publiés une année plus tard, à la fin 2010, sous d’excellentes couvertures de Lee Weeks. L’action débute à peu près à la hauteur du récit précédent, au moment des funérailles de Washington Carver Jones (qui survient dans les pages de l’one-shot, entre les lignes). Dans la foule venue rendre hommage à l’ancien combattant, Bucky pense reconnaître Lady Lotus, une ancienne ennemie.
C’est l’occasion de rappeler des souvenirs à l’ancien « Jeune Allié ». Les séquences du passé sont dessinées par Nick Dragotta tandis que les scènes du présent sont illustrées par Marco Santucci. Rogr Stern, là encore à la barre, alterne les deux lignes temporelles et déroule l’enquête de Bucky qui découvre bien vite que la super-vilaine s’est évadée de prison, utilisant ses pouvoirs mentaux afin de convaincre le personnel surveillant et les autres détenus qu’elle est toujours là.
Les quatre épisodes déroulent donc, en parallèle, la course-poursuite liant le héros étoilée à la manipulatrice asiatique dans le présente, et la mission du passé où les Jeunes Alliés ont goûté aux pouvoirs mentaux de suggestion de leur ennemie. Celle-ci, à la fin du premier épisode, revisite les événements récents en pensée, laissant entendre aux lecteurs qu’elle a recouvré sa jeunesse (bon, la vieillesse n’était pas tellement visible, cela dit…) et qu’elle s’est assurée que les ennemis d’antan sont morts, justification in extremis de sa présence aux funérailles.
Sa présence en Californie et plus précisément à Hollywood permet à l’historien des comics qu’est Roger Stern de faire le point sur le personnage, et de bien préciser qu’il ne s’agit pas d’une descendante de la Lady Lotus d’antan, créée par Don Glut et Alan Kupperberg dans Invaders, à la fin de la série. Rappelons que nous avons évoqué Lady Lotus récemment, parce qu’elle est présente dans la série Wonder Man de Gerard Jones mais également dans la mini-série Avengers Two: Wonder Man and Beast, là aussi écrite par Roger Stern quelques années plus tôt.
Ici, Stern raconte de quelle manière Lady Lotus cherche à s’emparer d’une seconde gemme (en plus de celle qu’elle a retrouvée, et qu’elle avait déjà utilisée durant la Seconde Guerre mondiale) afin d’accroître ses capacités mentales et télékynésiques, et connecte les deux joyaux à la mythologie kirbyenne des Eternals et des Celestials. Le récit se conclut dans les Andes où le nouveau Cap parvient à déjouer l’hypnose de son ennemi grâce à ses expériences passées liés au reformatage mental.
Sympathique série parvenant à allier l’hommage et l’aventure, Forever Allies permet aussi de faire revenir quelques autres figures méconnues, dont le Marshall Jack Muldoon, venu des épisodes que Jack Kirby a réalisés dans les années 1970. Le recueil se conclut avec la réédition de Young Allies #1, par Simon, Kirby et leur studio, daté de juin 1941 (ce qui en fait les véritables préfigurateurs du sous-genre « kid gang », précédant Newsboy Legion et Boy Commandos).
Jim