Tous les soirs, j’essaie de lire un peu. En ce moment, je plonge dans mes étagères, où s’alignent plein de trucs que j’ai achetés et seulement feuilletés, sans encore les lire en détail. Ce qui permet d’alimenter cette rubrique, au demeurant.
Et donc, là, je suis dans la série Heroes for Hire de la fin des années 1990, qui vient d’être rééditée en deux tomes assez épais.

Le premier reprend les débuts de la série, précédé d’un épisode de Spider-Man Unlimited, où le héros période Ben Reilly et mèche blonde, est plongé dans une aventure contre le Scorpion atrocement dessinée par Joe Bennett à qui l’on a dit de copier McFarlane et pas John Buscema, puis d’un épisode du Marvel Fanfare de la même époque, dont je ne dirai rien par charité.
Les choses sérieuses, et bien plus jolies à regarder, commencent donc au troisième volet, qui est le premier épisode de la série régulière. Ce dernier est co-écrit par Roger Stern et John Ostrander, le premier se chargeant de l’intrigue et le second des dialogues (bref, l’inverse de ce qui s’était passé sur Legends quelque douze ans avant, où Ostrander se chargeait de l’intrigue et Wein des dialogues). Dès le deuxième épisode, Ostrander se charge de tout. Mais vu les thèmes et les personnages, j’ai l’impression qu’il reprend une bonne partie des notes de son co-auteur.
Il lance la série selon deux axes : d’une part, des menaces qui proviennent de toute la continuité Marvel (Nitro, les U-Foes, les Eternals et les Deviants…), d’autre part la construction d’un groupe ingérable, traitée par petits pas. Une technique d’ailleurs qu’Ostrander affectionne : dans ses séries, même quand il lance des grandes sagas, il envoie ses personnages se heurter aux limites de leur contexte, afin de le définir au gré de l’évolution du titre. C’est un peu ce qu’il a fait dans Suicide Squad, et c’est ce qu’il ressente ici. La vitalité du marché n’étant pas la même, Heroes for Hire ne connaîtra pas la même pérennité, cependant.
De son côté, Pascual Ferry, dessinateur principal de la série (remplacé deux fois par Martin Egeland et une fois par Mary Mitchell), fait des progrès à vue de nez. Ses premières planches laissent transparaître un goût pour Simonson, des constructions à la Miller et peut-être un coup d’œil sur le boulot des fistons Kubert, très « all the rage » à l’époque. Au fil des épisodes, on voit aussi qu’il se nourrit des Iron Fist de Byrne, qu’il cite visuellement, et qu’il a une capacité à réinterpréter l’univers kyrbien dès qu’il évoque les Eternals. Bref, ça gagne en qualité, et même s’il ne s’est pas définitivement trouvé, c’est de mieux en mieux au fil des épisodes.
Ostrander anime un groupe qui peine à se former, avec des héros qui partent et qui arrivent, des équipiers qui entretiennent leurs petits secrets, et une incapacité à réagir qui nuit à leur crédibilité, tout en entretenant un petit jeu des trahisons. Il pousse des idées un peu plus loin, notamment en développant les liens mystiques et mentaux qui unissent Iron Fist à K’un-Lun ou Black Knight à Avalon. De même, il profite de deux épisodes pour donner une suite et fin à sa série Punisher, pourtant fort sympathique mais hélas écourtée.
Chose amusante, Ostrander joue avec la voix du narrateur, retrouvant un ton complice avec le lecteur, qui dédramatise peut-être à outrance, mais remet en avant ne côté « serial » de ce genre de publications. L’arrivée de She-Hulk dans le casting est l’occasion d’une scène de deux pages qui pousse encore plus loin le truc, et c’est très drôle.

Le second volume, qui met un terme à la saga du Master (formidablement écrit, ce personnage), accueille également le cross-over « Siege of Wundagore », que nous avons déjà évoqué ici à l’occasion de commentaires sur le recueil consacré à la série Quicksilver. On ne reviendra pas dessus : c’est sympa, rythmé, là encore Ostrander ajoute de nouvelles idées (la vitesse de Quicksilver serait-elle une manifestation de pouvoirs comparables à ceux de son père et axé sur le magnétisme ?).
La série Heroes for Hire survit à ce cross-over plus longtemps que Quicksilver, mais pas beaucoup. Mais le scénariste aura pu faire avancer certains personnages, remettant en selle (haha) le Black Knight, par exemple, et jouant avec la continuité de manière très agréable.
Les prestations d’Ostrander chez Marvel n’auront jamais eu la chance de marquer l’univers Marvel comme son travail chez le concurrent l’aura fait. Pourtant, on sent le foisonnement d’idées et l’enthousiasme du scénariste.
Autre chose marquante à la relecture, la série semble être le creuset de tas d’idées reprises depuis lors : le premier épisode s’ouvre sur une évasion de super-vilains, le premier gros vilain est Nitro, le groupe est une déclinaison des Defenders, à savoir un groupe incapable de cohésion, les héros affronte des doublons à tête de Skrulls, etc etc, autant de détails et de structures que l’on retrouve dans New Avengers, Civil War, Secret Invasion et plein d’événements qui marqueront la décennie suivante. Ce qui alimente la thèse (que je soutiens) selon laquelle les grosses machines des années 2000 ne sont jamais que des reprises d’idées déjà exploitées.
À la lumière de ça, on voit finalement que le boulot d’Ostrander chez Marvel n’a pas été si vain qu’on pourrait le croire.
Jim