complexe.
Pour la première partie, à savoir l’offre et la demande, je pense qu’une partie des gens va voir un film « de franchise » parce qu’il aime, et l’autre partie parce qu’il soupçonne qu’il ne retrouvera pas ses sensations mais préfère s’en assurer lui-même. En gros, une partie du public n’est pas convaincu mais n’arrive pas à tourner le dos et préfère vérifier… quitte à sortir en disant que c’est de la merde, mais au moins, le spectateur en a fait l’expérience. Tout ceci constitue donc un vivier sur lequel les producteurs capitalisent à fond. Et c’est là que je pense que l’offre est fautive, car au lieu de proposer quelque chose de nouveau, elle préfère copier ce qui a marché, non seulement en termes de contenu, mais aussi de narration. La franchise Terminator me semble emblématique : impossible de sortir du tandem T-800 / Sarah (là où, je sais je radote, la série Les Chroniques de Sarah Connor avait montré la voie).
Pour la deuxième partie, je dirais que c’est ça, mais pas que. Si l’on parle de télévision, on avait trois chaînes. Et les films mettaient des années à passer du grand au petit écran. Tout ceci implique un rapport au patrimoine (chose aussi floue que fourre-tout). Grosso modo , la télé du début des années 1980, c’est des séries américaines des années 1970 et des films des années 1960 et 1970, avec du « patrimoine » (représenté par le Ciné-Club et la Dernière Séance de Monsieur Eddy) des années 1950.
C’est un phénomène un peu comparable au fait d’avoir tous les trois mois Strange Spécial Origines qui permettait de plonger dans les racines des univers de fiction dont on saisissait l’actualité dans Strange .
Ce qui change avec les années 1970 puis 1980, c’est que le public va lentement mais sûrement être exposé au travail d’auteurs qui sont avant tout des fans. On parle souvent de la cinéphilie d’un George Lucas, d’un Stephen Spielberg ou d’un James Cameron, mais cette cinéphilie est aussi un amour du « genre », au sens large. Je crois qu’il se passe dans le cinéma, dans les années 1970, ce qui s’est passé dans les comic books lors de la décennie précédente, à savoir qu’une génération de fans arrivent aux commandes (Roy Thomas, Jim Shooter, Paul Levitz…). À partir de là se construit une sorte de généalogie des formes (au sens « histoire des formes », expression qu’affectionne Jean-Baptiste Thoret), car ces cinéastes réinvestissent des images et des motifs. Et marquent les esprits.
Cela conduit donc les producteurs à mettre plus d’argent dans ces films qui attirent des foules parce qu’ils correspondent à des archétypes. Le cinéma est un art de la copie, donc si on a une formule qui marche (un requin, une guerre des étoiles…) on décline. Sauf qu’à force de décliner, on dépense beaucoup d’argent, et donc on préfère le dépenser dans une suite qui au moins bénéficie de l’effet marque, que dans une copie.
Je crois que c’est la grosse différence avec le cinéma de genre des années 1950, disons (voire 1960). On avait un succès avec des fourmis géantes, on faisait un film avec des araignées géantes. On faisait de l’argent avec un corsaire, on faisait un film avec un pirate. Et ainsi de suite. La déclinaison, la répétition, qui était usuelle dans les serials, était peut-être associée à une certaine « exploitation » qui était mal vue (peut-être aussi qu’il y avait des soucis d’ordre légal, ou le fait qu’un scénario « original » permettait d’éviter de payer quelqu’un d’autre, ce genre de choses).
Par la suite, c’est la télévision qui a endossé ce rôle de déroulement de franchise, par la biais de la série. Le policier, le cow-boy, l’enquêteur, le privé, le journaliste, le cosmonaute qui revenait toutes les semaines, c’était l’apanage du petit écran, pas du grand. Paradoxalement, ce petit écran a contribué à former cette fameuse première génération de fans, qui là encore se sont trouvés exposés à une diffusion quotidienne et ont pu ainsi faire leur classe, là où leurs prédécesseurs n’avaient que les salles obscures pour « apprendre » et se former. Ce petit écran a permis à des Spielberg ou des Carpenter de faire leurs classes et ensuite d’aller injecter leur cinéphilie de genre dans leur travail. Et de transformer le paysage des « images qui bougent », en y important de potentielles franchises qui à leur tour ont changé les modes de consommation.
Jim