RETOUR VERS LE PASSÉ : Les petites histoires du grand écran

En parlant de collaboration Verhoeven/Schwarzenegger, ça me rappelle « Crusade » le projet de film médiéval qui n’a pas abouti pour une raison de budget il me semble…

Voilà deux films que j’ai commencé par détester. Il m’a fallu des années, et plusieurs visions, avant de les apprécier. Dans la filmo de Verhoeven, ils sont passés de voitures-balais et peloton de tête. J’ai un grand plaisir à les revoir à chaque fois que j’ai l’occasion.

Jim

Le budget et un sujet délicat qui aurait pu susciter pas mal de commentaires (je cite Verhoeven : “the story of the Crusades is the murderous attack of the Christians on the Arabs and the Jews")…lorsqu’il a reparlé du film dans les années 2000, il déclarait que dans le contexte actuel, le produire était impossible. Et qu’il aurait pu être aussi mal compris que Starship Troopers. Dommage, c’était diablement alléchant…

L’ironie est que la Carolco a finalement décidé à l’époque de financer un film plus « léger », L’Ile aux pirates de Renny Harlin, qui a fini par dépasser son budget et qui s’est soldé par un bide monumental…

J’ai réésayé et je ne peux pas…surtout Showgirls devant lequel je m’ennuie comme c’est pas permis. Comme tu l’as compris, mon tiercé de tête U.S. restera toujours (parce que j’ai comme l’impression que Verhoeven a tiré un gros trait sur sa carrière américaine) le trio Robocop/Total Recall/Starship Troopers.

Je suis un peu du même avis concernant Showgirls, par contre Basic Instinct me paraît clairement moins mémorable que ses autres films américain (je lui préfère même l’inégal Hollow Man).

C’est clair vu l’ampleur du projet, le casting (Connelly, Duvall, Turturro) et puis également le fait qu’il s’était déjà essayé au genre (La Chair et le sang).

Merci pour ce billet très complet, Doc. Raaaaaaaah, « Total Recall » : je ne compte plus le nombre de fois où je l’ai vu. Encore récemment, j’ai pas pu m’empêcher à l’occasion d’une diffusion sur la TNT.
C’est bizarre, dans mon souvenir Verhoeven représentait vraiment à l’époque aux yeux de la critique l’exemple-type, emblématique, d’un certain cinéma américain violent et décérébré. Et si j’avoue qu’à l’époque (gamin), c’est bien tout le côté incroyablement fun et puissant en termes d’entertainment pur qui m’attirait (et une certaine liberté de ton sur le plan graphique), je me demande aujourd"hui comment les critiques en question ont pu louper le pur génie (oui, des fois ce terme n’est pas galvaudé) d’un cinéaste dont le cinéma relève ni plus ni moins d’une sorte de fantasme de cinéphile, un croisement entre James Cameron et Luis Bunuel, pour le dire vite.
Verhoeven et Dick, du coup, c’est presque une évidence : récit vertigineux, « Total Recall » emprunte à quatre ou cinq reprises d’abruptes bifurcations qui consistent à chaque fois à induire le doute quant à la réalité de ce qui nous est raconté, jusqu’à l’indécidabilité totale, le talent de Verhoeven en tant que metteur en scène consistant précisément à maintenir constamment l’ambiguïté. Idem dans « Starship Troopers », où toute la deuxième partie du film peut être vu comme le rêve teinté du plus grotesque des patriotismes de Rico, mourant de sa blessure sur une planète lointaine… Les récits en trompe-l’oeil de Verhoeven questionnent tous les systèmes de croyances possibles, de la plus radicale des manières.
J’avoue aimé tous ses films sans réserves (même « Tricked » !!), mais j’aurais toujours une affection particulière pour ce « Total Recall » absolument époustouflant à tous les niveaux.

Marrant, je n’avais jamais fait le rapprochement mais le design de Kuato hérité de Cronenberg, c’est évident, en effet.

Pour « Crusade », il aurait été intéressant de voir Verhoeven revisiter en quelque sotre « La Chair et le Sang », ce film incroyable et méconnu (il me semble…il passe jamais à la télé par exemple).
D’ailleurs, la filmo de Verhoeven fonctionne comme ça, sur des paires d’oeuvres un peu jumelles : « Black Book » dialogue avec « Soldier of Orange », « Basic Instinct » est un « Quatrième Homme » américain, « Showgirls » est une relecture dans un contexte tout autre de « Kattie Tippel », etc…
Verhoeven fait partie de ces auteurs qui « ruminent » leurs thématiques, pour le meilleur.

N°8 : THE SPIRIT - LES PROJETS AVORTES DE WILLIAM FRIEDKIN ET BRAD BIRD

Le début des années 70 représente une période faste pour le réalisateur William Friedkin qui venait d’enchaîner deux succès avec French Connection et L’Exorciste. Pour l’un de ses projets suivants, Friedkin ambitionnait de faire un retour à la télévision, un média qui l’a vu débuter et vers qui il retournera par la suite à plusieurs occasions (Les Contes de la Crypte, Les Experts, le téléfilm 12 hommes en colère…), avec un projet unique pour l’époque (c’était en 1976, donc avant le Superman de Richard Donner qui fut la toute première production à gros budget à mettre en scène un personnage de comics) : l’adaptation du Spirit de Will Eisner.
Grand fan de la bande dessinée, comme le montre l’article reproduit ci-dessous, Friedkin ne manque pas de souligner que « de nombreux réalisateurs ont été influencés par le Spirit…moi inclus ». Et de révéler que ses idées pour la poursuite de French Connection viennent d’un épisode du Spirit.

D’après l’article, Friedkin devait s’embarquer dans l’aventure The Spirit après avoir bouclé son septième long métrage, Le Convoi de la Peur. Mais cela ne devait finalement pas se faire…


Sautons quelques années. Au début des années 80, deux jeunes animateurs de l’écurie Disney travaillant sur Rox et Rouky, Jerry Rees et Brad Bird, bossent dans leur temps libre sur quelque chose de très différent. Eux aussi grands admirateurs de l’oeuvre de Will Eisner, Rees et Bird tentent de vendre, avec l’appui du producteur Gary Kurtz (Star Wars), un film d’animation qui sortirait du cadre des productions de l’époque. Bird réalise une fausse bande-annonce (un proof of concept, comme on dit dans le milieu) et Rees signe une série de concept-arts (voir ci-dessous). Brad Bird ira même jusqu’à rencontrer Will Eisner pour lui présenter ce qu’il compte faire de son emblématique héros.


Brad Bird (au milieu) rencontre Will Eisner…

Mais au final, les différents studios et producteurs approchés (dont Steven Spielberg) ne croiront pas au potentiel d’un film animé sur le Spirit. Bird et Rees, qui étaient à peine sortis de l’université, se forgeront une belle carrière dans les années qui suivirent. Brad Bird deviendra l’un des plus grands réalisateurs du genre avec des productions comme Le Géant de Fer, Les Indestructibles et Ratatouille.


Une caricature de Gary Kurtz en Spirit par Brad Bird.

Les concept-arts de Jerry Rees :



Une image extraite du proof of concept de Brad Bird :


Le Spirit eut tout de même droit à deux adaptations…peu mémorables. Il y eut d’abord le pilote d’une série avortée en 1987, avec Sam « Flash Gordon » Jones (et qui ne fut pas du goût d’Eisner)…et en 2008, le catastrophique long métrage de Frank Miller.

William Friedkin et Brad Bird, ça faisait autrement plus rêver…

Sources :

Comme tu nous gâtes Doc !

Voici la lettre qu’envoya Brad Bird à Steven Spielberg pour lui demander sa participation, ainsi que deux photos de Jerry Rees travaillant sur le projet:

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http://imageshack.com/a/img908/3539/idtBhk.jpg

Source: fumettologica.it

N°9 : VAMPIRELLA

Au début des années 70, la Hammer, légendaire studio pourvoyeur de grands films gothiques portés par des grandes figures du genre comme Peter Cushing et Christopher Lee, est en perte de vitesse. Les échecs se multiplient et les investisseurs américains ne se bousculent plus au portillon. On peut même dire que les recettes de la Hammer se sont fait ringardiser par le renouveau de l’horreur U.S. (l’hallucinant La Nuit des Morts-Vivants, Rosemary’s Baby de Roman Polanski ou encore L’Exorciste de William Friedkin). Michael Carreras, jusque là réalisateur et producteur, prend donc les rennes d’un bâteau qui sombre, mais qu’il va s’échiner à essayer de renflouer.

Michael Carreras a alors l’idée de faire participer la communauté des fans de films d’horreur et avec l’aide des éditeurs James Warren et Forrest J.Ackerman, organise un sondage dans la mythique revue Famous Monsters of Filmland pour déterminer le prochain projet de la Hammer. Le texte qui accompagne la question « What will Hammer do next ? » témoigne d’ailleurs de l’urgence des interrogations du studio quant à son avenir dans un marché en plein changement.

Et les fans choisiront un personnage justement popularisé par les revues de Warren Publishing…Vampirella, la plantureuse extra-terrestre originaire de la planète Drakulon. Née de l’imagination de Forrest J. Ackerman, l’un des tout premiers fanboys reconnus (et grand collectionneur de tout ce qui concerne la S.F. et le fantastique), Vampirella se distingue notamment par un costume qui ne laisse pas grand chose à l’imagination et que l’on doit à l’artiste féminine Trina Robbins. C’est le grand Frank Frazetta qui signa la couverture de Vampirella #1 en 1969.

Jimmy Sangster, l’un des scénaristes phares de la Hammer (Le Cauchemar de Dracula, La revanche de Frankenstein…), est chargé d’écrire le premier traitement du scénario avant de refiler le bébé à deux autres scénaristes et finalement Christopher Wicking pour la version définitive. John Hough (Les sévices de Dracula, La Maison ensorcelée) est engagé comme réalisateur.


Caroline Munro dans « Star Crash »…

Pour interpréter la pulpeuse Vampirella, la Hammer pense bien évidemment à l’une de ses actrices vedettes, l’une des rares à avoir signé un contrat avec le studio, la superbe Caroline Munro (Capitaine Kronos, tueur de vampires). La belle va même poser pour des essais de costume (dans une version prototype très éloignée du modèle papier, voir la photo ci-dessous) mais elle finira par quitter le projet, malgré son intérêt pour le rôle (« beaucoup de nudité et pas grand chose d’autre », c’est ainsi qu’elle qualifiera plus tard le scénario).

Ce fameux script voyait Vampirella atterrir sur Terre après la destruction de sa planète Drakulon. Temporairement amnésique, elle se retrouve alors à travailler dans un night-club en tant que partenaire d’un magicien alcoolique nommé Pendragon. Après plusieurs péripéties, elle retrouve la mémoire et rencontre des agents d’une organisation secrète appelée SODS (Space Operatives for Defense and Security)…ou littéralement les « connards » en argot briton…avec lesquels elle tentera de stopper l’invasion de la Terre par les mêmes aliens responsables de l’anéantissement de Drakulon.


Barbara Leigh à la convention Famous Monsters…

Le choix de la Hammer finira par se porter sur l’actrice et mannequin Barbara Leigh qui sera révélée lors de la seconde convention Famous Monsters de New York fin 1976. Elle y portera le costume emblématique de Vampirella et enchainera alors les apparitions et les photoshoots (notamment pour les couvertures des magazines Warren) pendant les deux années suivantes. Peter Cushing, qui devait incarner Pendragon, était également présent.

Pendant ce temps, le projet croulera sous les problèmes, principalement d’ordre budgétaires. Aucun accord n’a pu être trouvé avec d’éventuels co-producteurs, que ce soit pour le casting, les décors et l’argent. Warren finira par se retirer du projet et le film fut annulé, au grand dam de Carreras et de Barbara Leigh, dont la carrière ne décollera pas par la suite.

Une dernière tentative pour relancer l’adaptation aurait pu se faire par le biais de la télévision, sans que cela soit productif. Il faudra attendre 1996 pour que Vampirella fasse finalement son apparition sur pellicule, dans un direct-to-video à la réputation catastrophique réalisé par Jim Wynorski (Return of Swamp Thing) et produit par Roger Corman. Dans un bel exemple d’erreur de casting (la preuve en fin de billet), Talisa Soto fut choisie pour incarner l’opulente extra-terrestre venue de Drakulon.

Oui, il semblerait que la sculpturale Julie Strain aurait fait une bien meilleure Vampirella…

(gasp)

Et voici d’ailleurs la bande-annonce du Vampirella de 1996 :

Je me demande si aujourd’hui un tel film pourrait marcher. Le costume me semble tellement kitch

96… presque 20 ans et j’ai l’impression que c’était hier…

Vampirella, on dirait la grande sœur de Lana Lang (Smallville) :-p

Le costume date de bien avant 96.

[quote=« Jack! »]Comme tu nous gâtes Doc !

Voici la lettre qu’envoya Brad Bird à Steven Spielberg pour lui demander sa participation, ainsi que deux photos de Jerry Rees travaillant sur le projet:

Source: fumettologica.it[/quote]

Et pour compléter cette évocation du The Spirit de Brad Bird, voici la fameuse « bande-annonce test » réalisée par le jeune animateur à peine sorti de l’université. Elle a été retrouvée sur une vieille VHS de mauvaise qualité par le producteur Steve Leiva, qui était également impliqué sur le projet (tout comme Gary Kurtz et John Lasseter).

Il suffisait que tu en parles Doc. :wink:

N°10 : VINCENZO NATALI ET LA CREATURE DU MARAIS

En 2009, le producteur Joel Silver (L’Arme Fatale) annonce sa décision de produire un nouveau long métrage consacré à Swamp Thing (longtemps connu en France sous le nom de la Créature du Marais), le personnage de l’éditeur DC Comics bien malmené dans les années 80/90 par les longs métrages de Wes Craven et Jim Wynorski et les différentes déclinaisons télévisuelles (dont un dessin animé à l’improbable générique).
Il commande d’abord un traitement à Akiva Goldsman (Batman & Robin…ouch), avant de refiler le bébé au réalisateur/scénariste américano-canadien Vincenzo Natali (révélé par Cube), qui venait de terminer Splice avec Adrien Brody.
L’implication de Vincenzo Natali sur le projet aura été de courte durée, puisqu’il quittera le navire au bout d’un mois après avoir écrit un premier scénario fortement influencé par la prestation d’Alan Moore sur le comic-book.

Natali a laissé tomber Swamp Thing pour pouvoir se consacrer à son projet rêvé, l’adaptation du roman Neuromancer de William Gibson…entreprise maudite puisqu’elle ne verra finalement jamais le jour (en tout cas dans cette version), Natali venant d’ailleurs d’officialiser son retrait après 5 ans de travail.
Après la sortie de son film de fantômes Haunter en 2013, Vincenzo Natali est depuis redevenu très actif à la télévision, notamment sur la série Hannibal, dont il est devenu l’un des principaux réalisateurs.

Voici les quatre premières pages du scénario de Swamp Thing, postées par le réalisateur sur son compte twitter il y a quelques jours :

Y a plus de photo dans ce message, mais …

image

Héhéhé…montage avec le film de 1996…^^