SANS UN BRUIT I & II (John Krasinski)

DATE DE SORTIE FRANCAISE

20 juin 2018

REALISATEUR

John Krasinski

SCENARISTES

Bryan Wood, Scott Beck et John Krasinski

DISTRIBUTION

Emily Blunt, John Krasinski, Noah Jupe…

INFOS

Long métrage américain
Genre : thriller/horreur
Titre original :A Quiet Place
Année de production : 2018

SYNOPSIS

Dans un monde post-apocalyptique, les rares survivants vivent sous la menace de créatures très sensibles aux sons. Ils doivent ainsi demeurer dans le silence. Une famille du Midwest va devoir lutter contre l’une de ces créatures…

La première bande-annonce :

Il m’intrigue bien cependant j’attends de voir jusqu’où ils vont aller dans le silence

a-quiet-place

La nouvelle bande-annonce :

V1_SY1000_CR0%2C0%2C674%2C1000_AL

La bande-annonce finale :

Bon, c’est complètement flippant cette affaire-là.
L’idée de base est formidable : le son, c’est la mort. Donc c’est un film « muet ». Ce qui implique que les personnages ne parlent pas mais « signent », que le moindre son (genre, la pluie) devient source d’inquiétude. Cela crée une tension avec du rien, et la première séquence, dans la ville abandonnée, donne le ton, si j’ose dire. D’autant que c’est la séquence pré-générique et que c’est particulièrement efficace.
Après, cette séquence pré-générique affiche aussi tous les défauts du film, qui tournent autour d’une caractérisation particulièrement cliché, avec une succession de péripéties un brin téléphonées. Rajoutons là-dessus un système d’écriture bien rodé mais prévisible (le clou, c’est comme les piles : à force d’insister, on donne l’impression de prendre le spectateur pour un benêt), et ça fait un film assez prenant, mais reposant sur des ficelles usées (la cascade est bien mieux gérée à ce niveau).
L’idée forte, c’est de mettre en scène un accouchement, moment particulier dans une vie et en général bien sonore. Une bonne couche symbolique par-dessus, et ça fait monter la tension. D’autant que les acteurs sont bien, Emily Blunt étant étourdissante, vraiment.
Dans l’ensemble, c’est très sympa, mais surtout, ça a le mérite d’être très court (environ 1h25), ce qui permet de profiter de l’intensité.

Jim

Dommage cependant que le film n’aille pas plus loin dans cette veine. L’absence totale de musique extra-diégétique aurait été un choix très fort, complètement « anti-hollywoodien ». Nonobstant les qualités du travail de Marco Beltrami, cette béquille narrative/émotionnelle entame assez nettement le jusqu’au-boutisme potentiel du film.
Pour le reste, le film me semble quand même sacrément bien foutu en termes d’intensité, et très touchant en prime, malgré quelques maladresses effectivement. La réflexion presque « méta » sur le principe directeur de la plupart des films d’horreur (chut, ou le monstre/tueur/fantôme va t’attraper) est intéressante, pour ne rien gâter.

L’irruption de la musique m’a fait flipper, parce que justement, je n’ai pas compris immédiatement que c’était un commentaire, une illustration sonore, j’ai cru que c’était dans l’histoire, et j’ai commencé par penser « merde, ils sont suicidaires ». Ensuite, je me suis dit « ils ont trouvé une astuce pour faire du bruit sans se faire entendre ? ». Et enfin, j’ai conclu en me disant « ouais, c’est mal foutu, quoi ».

Après, ouais, le pathos, l’émotion, tout ça. Et bien sûr le côté méta qui pose une réflexion sur le genre, mais également sur notre perception, sur la manière dont notre oreille et notre cerveau ont été « éduqués ».
Sauf que bon, c’est quand même tricoté de clichés, et c’est pas tout à fait cohérent (dans un monde post-apo, les piles, tu les gardes, tu les laisses pas sur une table). Donc ouais, c’est très agréable à regarder, ça fait bien flipper et y a un bon sens du suspense (avec une actrice en état de grâce), mais c’est loin d’être parfait.
Le grand moment, pour moi, le truc qui recouvre tout ce qu’on dit (émotion, flip, méta), c’est la rencontre avec le papy. Ça déjoue toutes nos attentes et c’est d’une intensité incroyable qui ne tient pas seulement par la brièveté. Ça, c’est très fort.

Jim

Carrément. Cet acteur, Leon Russom, a une gueule incroyable, en prime. Dans un genre très différent, il jouait le sheriff de Malibu dans « The Big Lebowski », pour une scène impayable…
Son « suicide by scream » (qui évidemment sert aussi à en annoncer un autre plus tardif) est très puissant.

Pour le reste, je partage ton constat sur les faiblesses évidentes du film, mais j’ai tendance à passer dessus car je vois vraiment le film comme une série B, avec tout ce que ça comporte de « vices de fabrication » (ce qui n’est pas un gros problème pour moi).
Le succès du film aux Etats-Unis (où il est carrément accueilli comme le nouveau « Get Out », c’est-à-dire « le-film-de-genre-qui-respecte/joue-avec-les-codes-mais-a-quelque-chose-à-dire-en-prime ») a pu induire en erreur sur son statut, mais c’est vraiment le type de film auquel on a à faire. Sa concision en est un indice, sa façon de s’ouvrir et se conclure in media res (avec une fin vraiment abrupte pour le coup, mais j’ai bien aimé ça) aussi.

Je me suis renseigné un peu sur le film vu que j’en ai parlé à la radio, et il y a aussi d’autres éléments pas forcément « impactants » directement pour le spectateur mais qui contribue peut-être secrètement si j’ose dire à son cachet particulier, mine de rien.
Le premier élément, c’est que John Krasinski (qui joue et réalise, donc) et Emily Blunt sont également un couple à la ville. C’est d’ailleurs madame qui a convaincu monsieur de réaliser le film alors qu’il ne devait que jouer dedans… Les deux tourtereaux sont parents depuis peu, ça doit jouer aussi dans la résonance émotionnelle du film.
Le deuxième élément, c’est que l’actrice qui joue la fille aînée du couple est vraiment malentendante. Krasinski y tenait, pensant que sa présence et les spécificités de son jeu apporteraient quelque chose au reste du cast’.
Le dernier élément et pas des moindres selon moi, c’est que le tournage s’est déroulé dans le silence le plus complet. Y’avait pas des mecs de l’équipe technique qui braillaient au fond et dont les bruits auraient été effacés au mixage. Au contraire, tous les bruits étouffés autant que possible sur le set ont été « gonflés » au mixage pour ne pas trop désorienter le spectateur.

Dommage, ce dernier élément : ça donne l’impression que le tournage a été une sacrée expérience un peu en-dehors des clous pour l’équipe, mais dont le spectateur ne vit qu’un reflet un peu édulcoré, entre cette histoire de mix, la musique donc, mais aussi les dialogues un peu trop nombreux à mon goût (le scénario initial avant révision par Krasinski ne comptait qu’une seule ligne de dialogue).

Si on met de coté l’invraisemblance de la chose dans sa logique interne (si on gratte certains passages sont assez incohérent) pour n’en rester qu’au plaisir immédiat d’un bon film d’horreur; Sans un bruit remplit totalement son contrat. J’ai été scotché du début à la fin (même si la dernière partie y va un brin fort avec les emmerdes) et par le parti pris réussi du film. Mine de rien ça joue sur beaucoup de truc qu’un amateur du genre connait mais un garde suffisamment l’essence pour ressortir une histoire avec une approche personnel. Même si ce n’est pas poussé jusqu’au bout, l’impossibilité de communication orale au sein d’une famille ayant vécu un drame permet de poser suffisamment bien tous les personnages pour que chacun puisse jouer son rôle à la perfection (que ce soit le couple à la dérive, l’ainée en perte totale d’amour ou le cadet terrorisé par le monde qui l’entoure). Le film a surtout la bonne idée de ne jamais en faire des caisses que ce soit dans la nature des créatures (on s’en fout) ou dans une intrigue qui sait se conclure brillamment (sublime et assez jouissive dernière image #balancetonalien)

Notamment des problèmes de structures, qui tiennent souvent à des « plant / pay-off » super lourdingues.
On est dans un monde où il ne faut faire aucun bruit, mais où l’énergie est super rare. Donc non seulement le film s’ouvre sur la scène des piles dans le jouet (la sœur aînée est quand même idiote), mais en plus, en toute logique, le père aurait récupéré les piles pour faire tourner un appareil quelconque, genre lampe-torche. Tout ça pour bien « justifier » la culpabilité qui mine la famille. Super-lourd.
Le coup du clou dans la marche d’escalier est à peu près du même niveau. Super-méga-lourd.
Et quelques autres trucs que j’ai dû oublier, mais qui sont de l’ordre du frappage de front : le film montre par moment une réflexion très poussée sur l’organisation de la famille, complètement désamorcée par des facilités d’écriture déconcertantes.
C’est ce qui fait que j’ai du mal à être emballé de bout en bout. C’est bien prenant, c’est clair, bien flippant (et c’est là qu’on voit que la perception d’un genre aussi balisé que l’horreur / épouvante dépend de notre capacité à nous appuyer sur nos sens pour nous convaincre que c’est une fiction : qu’on nous prive de l’un d’eux, de la béquille des dialogues et des sons, et on est en déséquilibre), mais le coup des piles, ça a fait que j’ai gardé une distance par rapport au truc, en me disant « quand même, ils sont tous trop cons » ce qui, au final, voulait aussi dire « je ne crois pas à l’histoire qu’on me raconte ».
C’est pour cela que je suis curieux de voir ce que The Silence peut donner sur moi.

Jim

Les éléments que tu évoques sont pertinents ; j’avoue qu’ils ne m’ont pas marqué au visionnage.

Sur le clou, quand je l’ai vu, je me suis dit « bon, c’est trop gros, ils ne vont pas l’utiliser comme ça, ils vont en tirer profit autrement ». Tu sais un peu à la manière de Hergé qui fait un gros plan sur, tiens justement, un clou à la fin d’une page, pour que, au début de l’autre, la voiture passe à côté, une sorte de pirouette ironique. Hé bien non, paf, frontal. Je veux bien que l’on fasse plaisir au public, et qu’on lui montre les choses clairement, mais faut pas le prendre pour plus sot qu’il n’est. J’ai donc éprouvé un certain agacement, certes contrebalancé par le jeu des acteurs, les décors, l’immédiateté de l’intrigue. Mais quand même, ça m’a fait grommeler.
:wink:

Jim

A voix basse, du coup, j’espère. :smiley:

Je sais rester prudent !
:wink:

Jim

Pareil. Les quelques « facilités » ne m’ont pas gêné. Le concept du film m’a accroché dès le début, l’ambiance est pesante et la montée en puissance est sacrément prenante. Concis, efficace, palpitant, émouvant, Sans un bruit est aussi sacrément bien réalisé et interprété.

John Krasinski a annoncé sur son compte twitter le début de tournage de la suite de Sans un Bruit, dont la sortie française est prévue pour le 18 mars 2020.
Emily Blunt, Noah Jupe et Millicent Simmonds (les survivants de la famille Abbott) seront rejoints par Brian Tyree Henry (Child’s Play, la poupée du mal) et Cillian Murphy (Peaky Blinders).

D_hWvGMW4AIVAhy