SAVAGE (Pat Mills / Charlie Adlard)

Sur le papier, ça donne envie !

ouaip :smiley:

Alors si je ne me trompe pas, c’est un personnage apparu dans 2000 AD. Et la République Volgane, c’est lié à l’univers des ABC Warriors. Savage se déroulant dans le « présent », donc le « passé » de la série ABC Warriors, si je comprends bien.

Jim

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La critique par Jack! est disponible sur le site!

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…. [size=150]L[/size]’invention, la création est de mon point de vue, et à bien des égards, un miroir aux silhouettes.
Et ce n’est pas la préface de Pat Mills - scénariste reconnu et l’un des hommes clés à l’origine de l’hebdomadaire de BD 2000AD (Pour en savoir +) - qui me contredira, lui qui y déclare s’être inspiré de Jack Carter, personnage inventé par le romancier Ted Lewis, pour son propre personnage Bill Savage.

Le roman de Lewis, Jack’s Return Home - disponible chez l’éditeur hexagonal Rivages - (1970) est sûrement plus connu au travers de son adaptation cinématographique, portée à l’écran l’année suivante sous le tire original de Get Carter (La Loi du milieu) et réalisé par Mike Hodges avec Michael Caine dans le rôle principal.

Toutefois Bill Savage a failli ne pas voir le jour.

…. En effet au moment de réfléchir au contenu de l’hebdomadaire que l’éditeur IPC est en train de concevoir et qui deviendra 2000AD donc, John Sanders suggère une série, baptisée Invasion, qui raconterait justement l’invasion de la Grande Bretagne par les troupes Russes.
Pat Mills n’est pas très enthousiaste jusqu’à ce que l’éditeur propose de montrer dès le premier épisode l’exécution de Margaret Thatcher devant la cathédrale Sain Paul (de Londres) c’est du moins l’argument qu’avance David Bishop dans son étude sur l’hebdomadaire britannique.
Si M. Thatcher n’est pas, au moment de la création de 2000AD, encore Premier ministre elle est néanmoins déjà à la tête du Parti conservateur.

Le premier scénario est donc envoyé à un artiste mais son travail n’est pas suffisamment convaincant ; Villagran c’est son nom, le redessine mais là encore il ne convient pas.
Finalement c’est un dessinateur de l’agence Bardon qui s’y collera, et son travail sera jugé satisfaisant.
L’histoire n’a à ma connaissance, pas retenu son nom.

Tout au long de ce processus artistique, des remaniements, notamment au niveau de la violence – l’arrêt de l’hebdomadaire Action est encore dans toutes les mémoires (Pour en savoir +) – seront apportés jusqu’au dernier moment, juste avant de mettre sous presse (Cf. Thrill-power overload par David Bishop).

Finalement le premier épisode sortira dans le premier numéro de 2000AD le 26 février 1977.
Trois ans plus tard Invasion est publiée dans l’Hexagone.

.… Au cours des années 1970 et au début des années 1980 notamment, les lecteurs français sans qu’ils le sachent forcément ont droit à des histoires de bandes dessinées qui viennent des quatre coins de l’Europe : Angleterre, Italie et Espagne grâce à ce qu’on appellera plus tard les « petits formats » (PF), et Invasion ne déroge pas à la règle puisqu’il est publié dès juin 1980 dans Force X, qui deviendra dès le numéros suivant sans qu’on sache pourquoi Super Force (14 numéros).

Ce « petit format », publié par l’éditeur Aventures et Voyages (plus connu sous le nom de Mon Journal), de 128 pages (et de 130x180 cm) accueillera par ailleurs dans son numéro 11 le ‘maintenant) célèbre Judge Dredd.

Petit format mais aussi petit prix.

Le numéro de Force X coûtait à l’époque 3,50 francs soit l’équivalent en 2015 de 1,46 € calcul fait, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation.
Difficile de trouver de la bande dessinée à ce prix-là aujourd’hui.
Pour mémoire ce qui se fait sûrement de moins cher de nos jours est soit le Journal de SPIROU qui coûte 2,40 € et le Journal de MICKEY qui lui vaut 2,90 €.

…. Bill Savage est un personnage comme les affectionne Pat Mills : un prolétaire à qui on ne dicte pas sa conduite, et un anti-héros.
C’est-à-dire un personnage qui fait le Bien malgré lui au travers notamment de ses propres combats ; qui combat la hiérarchie et l’ordre lorsqu’ils sont imposés et iniques, bref qui combat le « système » en place avec la même pugnacité que s’il était lui-même un « méchant ».

[size=85]L’exécution en question[/size]

… La guerre que mène Savage ne se fait pas « en dentelle », tous les coups sont permis et que le plus retors gagne.

Pat Mills en vieux routier de la BD qu’il est sait toutefois inventer des personnages suffisamment riches qui ne tombent jamais (ou presque) dans le manichéisme.
Tout salaud qu’il soit un personnage à des raisons de l’être ; le scénariste laisse au lecteur d’approuver ou non ses agissements.

Du moins lui laisse-t-il croire.

(À suivre ……)

Je suis en train de lire le recueil publié en 2007 et reprenant l’intégralité de la « première » série. Et c’est vachement chouette.

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Comme le signale Artie Dada dans son commentaire situé plus haut, la genèse de ce feuilleton a été houleuse. John Sanders suggère à Pat Mills de mettre en scène l’invasion de l’Angleterre par les Russes, le scénariste lui fait remarquer que la mention des Russes ne le motive pas, puis il est séduit par le caractère outrancier que Sanders suggère pour le premier chapitre et par la possibilité de développer un personnage à sa convenance. Sauf que très rapidement, l’info circule et les commentaires, dont la teneur se résume à « l’éditeur ne fait qu’aggraver la Guerre froide », inquiète suffisamment la rédaction pour que des changements de dernière minutes interviennent. D’une certaine manière, les critiques ont donné raison aux réticences initiales de Mills, les Russes deviennent donc des Volgs (parfois appelés Volgans), venus d’un régime totalitaire oriental à tendances fascistes.

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Dans sa préface, Mills indique que le début de la série a été illustré par Jesus Blasco, mais que Kevin O’Neill, alors directeur artistique adjoint, a procédé lui-même aux retouches nécessaires (la présentatrice et la politicienne sont redessinées et leurs noms changés, et une scène où Bill Savage tire dans le dos d’un adversaire est entièrement recomposée).

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Mais très vite, la série est néanmoins lancée et trouve son rythme. D’un point historique, il est intéressant de noter que les petits cartouches indiquant les noms des auteurs (le « script robot », le « art robot », le « letter robot », selon la tradition), ne figuraient pas dans les premiers numéros, et que la tradition s’est installée plus tard. Si bien que, dans cette édition, des pages de ruptures viennent préciser les crédits des épisodes qu’on va lire, par petites grappes.

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Le récit est bourrin, c’est en partie dû au fait que le feuilleton bénéficie de peu de pages par épisode (six, à vue de nez). Il faut donc aller vite. Mills déploie des trésors d’ellipse pour raconter ce qu’il veut dire dans chaque livraison, c’est donc sec, incisif, très rythmé.

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Très occupé par ses fonctions éditoriales et ses autres séries, Mills fera encore quelques passages sur « Invasion » mais pour l’essentiel délègue assez vite à un autre scénariste, Gerry Finley-Day, qui est connu notamment pour avoir travaillé sur Rogue Trooper (qui arrive bientôt dans ma pile de relectures). Ce dernier continue sur la lancée, avec des récits bien musclés, bien violents, où Bill Savage se distingue des autres résistants par son caractère inflexible et sans compromis. Le premier épisode nous montre qu’il a perdu sa famille quand sa maison a été détruite, qu’il n’a plus que son fusil, et que ce dernier va définir son existence. Bill Savage, c’est un mélange entre le Punisher et Nick Fury, une brute épaisse et déterminée qui incarne, pourrait-on dire, « une certaine idée de l’Angleterre », un patriotisme d’en bas qui fait fi de toute considération politique : pour lui, les Volgs (ou Volgans, c’est selon) sont des salauds qu’il faut éradiquer.

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La série suit donc le parcours de Bill Savage, qui s’associe bien vite à un réseau de résistance qui se développe de manière clandestine. Il apporte avec lui sa vision du monde, manichéenne, et autant dire que les espions et les collabos le sentent passer. La lecture de la série fait apparaître des astuces narratives qui pourraient laisser croire que c’est du Garth Ennis. Pourtant, ce dernier a sept ans quand la série commence. Malgré tout, on retrouve des trucs qu’il fera sien, et notamment la présence d’ennemis qui sont physiquement grotesques et mentalement fanatisés (un gros dur deux fois plus large que Savage, une sadique adipeuse qui ferait passer Rosa Klebb pour une marraine de patronage), autant de figures qu’on retrouve dans Punisher, dans Hitman, dans Rifle Brigade

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« Invasion », c’est aussi la marque 2000 AD, une irrévérence criarde, outrancière, de mauvais goût, punk pourrait-on dire. Si elle a infusé dans l’écriture de Garth Ennis, elle a aussi eu son influence sur une partie de la bande dessinée américaine.

Je n’ai pas lu la nouvelle version. D’après ce que dit Mills dans sa préface de l’édition 2007, c’est Matt Smith, le rédacteur en chef de 2000 AD à l’époque, qui lui a fait savoir que la série « Invasion » arrive en tête des récits que les lecteurs seraient ravis de voir revenir. L’action de la première série se déroule en 1999 (lointain futur à l’époque de sa réalisation). Je ne sais pas si la nouvelle série est une suite ou un « reboot ». Va falloir que je me penche dessus.

Jim