SCANNERS
REALISATEUR & SCENARISTE
David Cronenberg
DISTRIBUTION
Stephen Lack, Jennifer O’Neill, Patrick McGoohan, Michael Ironside…
INFOS
Long métrage canadien
Genre : science-fiction/horreur
Année de production : 1981
Dans les années 40, un médicament appelé Ephémérol a été administré à des femmes enceintes dans le but de soulager les douleurs dues aux contractions. L’Ephémerol a été retiré du marché lorsque les enfants nés de ces grossesses ont commencé à souffrir d’effets secondaires, comme des migraines, des accès de rage incontrôlés et des hallucinations auditives.
Mais il ne s’agissait pas d’hallucinations…
Ceux affligés de ce qui finira par être appelé le « Syndrome Scanner » ont montré des signes d’extraordinaires pouvoirs télépathiques et télékinésiques. Si certains ont pu s’adapter à cette condition, d’autres Scanners vivent en dehors de la société, incapables de contrôler ces aptitudes qu’ils ne contrôlent pas. C’est le cas de Cameron Vale, devenu clochard par la force des choses…jusqu’à ce qu’il soit capturé par les agents de la ConSec, une organisation dont le but est de rassembler et de contrôler les Scanners. Là, Cameron fait la connaissance du chef du programme, le Dr Ruth, qui l’aide à perfectionner ses pouvoirs et lui donne une mission, celle de retrouver d’autres Scanners afin de prévenir la guerre qui s’annonce. Car si beaucoup de Scanners veulent tous simplement vivre en paix, une autre faction, commandée par le puissant et impitoyable Darryl Revok, n’a qu’un but : supplanter l’humanité…
Oui, il y a une certaine communauté d’esprit entre les Scanners de David Cronenberg et certains Mutants marvelliens. En mettant en scène cette « guerre civile » entre personnes dotées de capacités hors du commun, le cinéaste canadien livrait, après trois films d’horreur à petit budget, ce qui pouvait se rapprocher le plus à l’époque d’un « comic book movie » (amusant quand on sait qu’il est loin d’être fan de ce genre de spectacle)…un certain manichéisme (bons mutants contre mauvais mutants), d’impressionnantes démonstrations de force (Cronenberg s’en tire plutôt bien pour ses premières vraies scènes d’action), mise en scène des pouvoirs assez inventives pour l’époque (comme le moment où Vale pénètre par l’esprit dans l’ordinateur de la ConSec)…
Mais on est quand même dans un film de Cronenberg. Si Christian Duguay insistera plus sur ce côté très comic-book dans les deux suites tardives, David Cronenberg tire nettement plus son récit vers le thriller paranoïaque, empreint d’un pessimisme prononcé et tourné dans des décors tristes et mornes. Si des spécialistes ont pu noter l’influence de William Burroughs sur ce film (ce qui n’est pas étonnant vu que Cronenberg finira par adapter Burroughs, un écrivain que je n’ai jamais lu pour ma part, dans les années 90), on peut aussi déceler les premières graines du mouvement cyberpunk dans ce récit sombre et pesant.
Chez Cronenberg, le corps souffre, les chairs sont meurtries, l’esprit entre en ébullition et explose, dans tous les sens du terme (et dans une scène emblématique qui a conservée tout son impact)…dans Scanners, les déformations corporelles sont d’abord représentées par les créations torturées d’un artiste Scanner, le seul qui ne prend parti pour aucun camp et qui a, en quelque sorte, trouvé le moyen d’exorciser son mal (on retrouve dans ce rôle Robert Silverman, l’un des comédiens fétiches de la première partie de carrière de Cronenberg, vu notamment dans Rage et Chromosome 3).
La discussion entre Cameron Vale et le sculpteur se déroule d’ailleurs à l’intérieur d’une tête géante, savoureuse idée de mise en scène.
Si Scanners n’appuie pas excessivement sur l’horreur (excepté la tête qui explose bien sûr), privilégiant un suspense il est vrai pas toujours très bien maîtrisé (quelques longueurs sont à déplorer), Cronenberg se rattrape lors de l’intense affrontement final entre Cameron Vale et Darryl Revok, qui lui permet d’insister à nouveau sur le thème de la dualité qui parcourt nombre de ses histoires tout en orchestrant un duel d’esprits qui ne lésine pas sur la pyrotechnie et le gore qui tâche.
Darryl Revok est le premier grand rôle de l’excellent et charismatique Michael Ironside, qui deviendra l’un des seconds rôles les plus prolifiques du petit et grand écran. Face à lui, Stephen Lack, qui incarne Cameron Vale, le gentil Scanner, se révèle bien fade. Dans le rôle du Dr Ruth, on retrouve le Prisonnier himself, Patrick McGoohan, qui causa bien des tensions sur le tournage (suite à son énième divorce, le comédien alcoolique s’est mis à harceler toutes les femmes sur le plateau, dont l’actrice principale qu’il traitait de traînée à chaque fois qu’il la croisait).
Si Cronenberg est sorti frustré de l’expérience Scanners (ses problèmes avec les acteurs, une pré-production raccourcie afin de pouvoir profiter d’une déduction fiscale, ce qui fait que le tournage a du commencer alors que le scénario n’était pas encore finalisé…), la pelloche est toujours aussi efficace malgré ses menus défauts (dont son transparent héros et son rythme en dents-de-scie). Scanners connut le succès et le réalisateur put ainsi disposer d’un budget encore plus important pour son opus suivant, l’impressionnant Videodrome.
Quant à l’histoire des Scanners, elle a continué sans lui, dans Scanners II : La Nouvelle Génération en 1991.