DEAD ZONE (David Cronenberg)

REALISATEUR

David Cronenberg

SCENARISTE

Jeffrey Boam, d’après le roman de Stephen King

DISTRIBUTION

Christopher Walken, Brooke Adams, Martin Sheen, Tom Skerritt, Nicholas Campbell, Herbert Lom, Anthony Zerbe…

INFOS

Long métrage américain/canadien
Genre : thriller/horreur
Titre original: The Dead Zone
Année de production : 1983

Après le succès de Carrie au Bal du Diable (1976), les producteurs de cinéma se sont naturellement intéressés aux oeuvres de Stephen King et la machine à adapter ne s’est pas arrêtée depuis maintenant plus de 40 ans. Les droits cinématographiques de Dead Zone (le septième roman publié de l’auteur et le cinquième sous son nom) se sont négociés très rapidement et les premières phases de travail se sont déroulées sous la bannière Lorimar Entertainment, avec le réalisateur Stanley Donen (Chantons sous la pluie) et le scénariste Jeffrey Boam, le futur auteur des scripts de L’Aventure Intérieure et de Indiana Jones et la Dernière Croisade qui n’avait alors qu’un seul film à son actif.

Après plusieurs mois de développement, c’est finalement le puissant producteur italien Dino De Laurentiis qui récupéra le projet, débutant avec Dead Zone une association avec Stephen King qui perdura pendant une bonne dizaine d’années (Charlie, Cat’s Eye, Peur Bleue, Maximum Overdrive, Vengeance Diabolique…).
Après quelques hésitations (pendant lesquelles Stephen King écrivit lui-même un scénario qui fut rapidement écarté), Jeffrey Boam garda son poste de scénariste et le canadien David Cronenberg a été engagé à la réalisation.

Dead Zone représente un véritable changement de ton dans la carrière de David Cronenberg après des films comme Rage, Frissons, Scanners et Chromosome 3 et c’est justement quelque chose que le metteur en scène cherchait après l’expérience forte d’un film comme Videodrome. C’est également la première fois que Cronenberg n’a pas écrit lui-même le scénario de son film et qu’il adaptait l’histoire d’un autre auteur. « Un soulagement », d’après ses mots…drôle de terme compte-tenu des conditions climatiques très difficiles (Dead Zone a été tourné par un froid glacial qui n’a pas épargné les acteurs et les équipes techniques).

La participation de Mère Nature a aidé à créer une atmosphère authentique, qui renforce la mélancolie d’un récit superbement interprété et réalisé. Un exemple revient souvent pour souligner l’étrange beauté des plans concoctés par David Cronenberg : la traversée du tunnel, qui a servi pour illustrer de nombreux posters et même la couverture du roman lors de ses ressorties successives (comme ma vieille édition chez Le Livre de Poche). Le contraste entre les ombres qui semblent engloutir les personnages et les lumières qui se projettent sur les murs, les faisant ressembler à une toile d’araignée qui les emprisonne pour les mener à une conclusion inéluctable, est bluffant.

La transposition à l’écran est portée par des choix intéressants. Jeffrey Boam et David Cronenberg ont laissé de côté la narration en parallèle du roman (les parcours du médium Johnny Smith et du dangereux Greg Stillson se chevauchent régulièment) pour adopter une structure en 3 actes.

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Premier acte : Johnny Smith, professeur de collège, a un accident de voiture après avoir quitté sa petite amie pour la soirée et se réveille après avoir passé 5 ans dans le coma. C’est alors qu’il se découvre des capacités psychiques : par simple toucher, il peut voir le passé et l’avenir des gens qu’il touche. Une capacité qui ne sera pas sans effets sur sa santé…
Grâce au montage et à l’interprétation de Christopher Walken, ces visions sont très efficaces et très bien amenées dans le déroulement de l’histoire.

Deuxième acte : après avoir pendant un temps refusé de se servir de son « don », Johnny sort de sa retraite pour aider le shérif George Bannerman à résoudre une série de crimes dans la ville de Castle Rock (ce n’est pas la seule apparition de Bannerman dans l’oeuvre de Stephen King puisque le représentant de la loi a ensuite été tué par le Saint-Bernard enragé Cujo) . Une ambiance oppressante qui mène à une sanglante résolution qui constitue l’un des points forts du film…

Dernier acte : en serrant la main au candidat à la Maison Blanche Greg Stillson (excellent Martin Sheen), Johnny découvre que ce dernier est un dément qui va déclencher une Troisième Guerre Mondiale. Johnny sait que ses visions le tuent à petit feu. Il décide alors de tenter le tout pour le tout pour empêcher ce futur apocalyptique…

La distribution de Dead Zone est très solide, avec beaucoup de (très) bons acteurs comme Martin Sheen, Brooke Adams, Herbert Lom, Tom Skerritt et Anthony Zerbe. Celui qui porte le film sur ses épaules, c’est bien évidemment Christopher Walken dans le rôle de Johnny Smith. David Cronenberg a souvent dit que « tout est dans le visage de Christopher Walken ». Le regard d’un homme solitaire qui est resté amoureux d’une femme que la vie lui a ravie…la tristesse sans verser dans le pathos…les yeux hantés d’un homme maudit qui en a trop vu…

Bizarrement je n’ai jamais vu le film mais la série TV qui a été réalisée dans les années 90 de mémoire

Ah ben d’ailleurs vive la recherche DEAD ZONE (Saisons 1-5)

J’ai un bon souvenir de ce film. Je crois que ma mère l’aimait bien également. Il m’avait un peu fait frissonner, parce que ça fait longtemps que je n’ai pas osé le revoir !

Un Cronenberg majeur, dans le sens où ce film fait basculer le cinéaste dans la phase probablement la plus intéressante de sa carrière (même si j’adore son début de carrière, dont l’apothéose est le chef-d’oeuvre « Videodrome »).
Il faut insister comme tu le fais sur la prestation de Christopher Walken, incroyablement émouvant ; peut-être l’un de ses trois ou quatre plus grands rôles… Quant au film, il est empreint d’une mélancolie bouleversante (avant « La Mouche », Cronenberg explore ici la thématique de la maladie et de ses conséquences), mais aussi traversé de visions fulgurantes (ainsi que de quelques trouées gore), comme ce lit en feu d’où Walken entrevoit un malheur à venir.

C’est intéressant que tu relèves qu’il s’agit là de la première adaptation de Cronenberg : je me souviens d’une interview où il disait penser, quand il était jeune, qu’un « vrai » auteur de cinéma (à rebours de la logique hollywoodienne) se devait de signer ses propres scénarios, mais aussi d’être à l’origine de l’idée sur laquelle ils se basent.
Il a changé d’avis à compter de « Dead Zone » : au final, à l’exclusion d’« eXiztenZ » je crois, Cronenberg n’a plus jamais travaillé sur une de ses idées originales mais à préférer adapter le travail des autres…

Début des années 2000, plutôt…

Perso, je n’ai jamais été intéressé par cette déclinaison du concept sur un long format télévisuel…même si, d’après ce que j’ai lu, la série est basée sur des éléments provenant du roman comme Johnny Smith qui se sert de ses capacités pour aider la police et les visions du futur apocalyptique déclenché par Greg Stillson…

Je crois qu’on en a déjà causé, mais pour moi la phase la plus intéressante de la carrière de Cronenberg reste les films qu’il a tournés dans les années 70 et 80, jusqu’à La Mouche et Faux Semblants.
Après, et à deux exceptions près (eXistenZ et A History of Violence), j’ai totalement décroché de son cinéma.

J’aurais dû préciser : même si j’aime beaucoup la suite de sa carrière (je décroche pour ma part sur l’indigent et pas beau « Maps To The Stars », assez tard donc), la phase la plus intéressante pour moi c’est « Dead Zone » jusqu’au « Festin Nu » ; je trouve que c’est là que son cinéma trouve un équilibre assez miraculeux entre un cinéma « transgressif » comme à ses débuts et quelque chose de plus séduisant pour le grand public (si tant est que ça veuille dire quelque chose, cette expression).