Horreur/science-fiction
Long métrage canadien
Ecrit et réalisé par David Cronenberg
Avec James Woods, Debbie Harry, Sonja Smits, Peter Dvorsky…
Année de production : 1983
Mort à Videodrome ! Longue Vie à la Nouvelle Chair !
La « Nouvelle Chair » et son exploration, c’est le thème principal de la première période de la carrière de David Cronenberg. Dans Videodrome, son huitième long métrage, le réalisateur et scénariste canadien mêlait ses obsessions à une réflexion sur le pouvoir de l’image et l’impact grandissant de la médiatisation à outrance sur la société en ce début des années 80 (qui ne manque d’ailleurs pas d’éléments annonciateurs). L’idée de Videodrome lui est venue d’un souvenir de jeunesse, lorsque le poste de télé familial captait des signaux venant des Etats-Unis après l’arrêt des programmes canadiens. Ces images étaient de très mauvaise qualité et le jeune David fantasmait sur le contenu, se demandant s’il allait voir des choses un peu trop perturbantes pour le grand public.
Dans les années 70, Cronenberg a écrit un traitement intitulé Network of Blood, dans lequel il a évoqué pour la première fois les sujets du sexe et de la violence dans les médias. Le projet ne s’est pas fait mais Cronenberg s’en est souvenu quelques années plus tard. Après les bons résultats de Scanners, il s’est vu proposer Le Retour du Jedi, ce qui ne l’intéressait pas du tout. Il a alors repris contact au Canada avec le producteur Peter David, déjà impliqué sur Chromosome 3 et Scanners…et Videodrome a reçu le feu vert.
Max Renn (excellent James Woods) est le patron phallocrate d’une petite chaîne du câble spécialisée dans l’érotisme, la pornographie et la violence. Max est toujours à la recherche du programme qui permettrait à Civic TV (référence à City TV, une véritable chaîne canadienne qui passait des films pour adultes, ce qui lui a valu quelques problèmes avec les autorités) de se démarquer…le soft des kitscheries asiatiques l’ennuie, il veut du hardcore. Un de ses techniciens lui montre alors des extraits d’une émission qu’il dit avoir piraté. Videodrome n’a pas de scénario, pas de personnages. Juste de la torture (de femmes) et des meurtres. Très réalistes…trop réalistes. Et pour Max, c’est le futur de la télévision…
Dès les premières minutes, Cronenberg insiste sur l’importance de l’image dans la vie de ses personnages. Un écran dans l’écran nous montre que Max a besoin d’un message enregistré de sa secrétaire pour se réveiller. Et au fil du récit, les protagonistes les plus importants seront d’abord présentés par écran interposé, ce qui est notamment le cas de Nicky Brand (brand voulant dire marque en français…femme objet ?), la troublante présentatrice radio incarnée par la chanteuse Debbie Harry et avec laquelle Max va entreprendre une relation sadomasochiste. Cette fascination de la représentation cathodique influe sur la nature même de ce qui se déroule devant nos yeux, brouillant régulièrement la frontière entre hallucinations et réalité.
Car tout au long de son enquête aussi fascinante que déroutante sur Videodrome, Max va mettre au jour un complot de grande ampleur, en devenant aussi bien la victime que le bourreau de ses instigateurs. C’est là que s’exprime pleinement le body horror cher à Cronenberg, quand la technologie devient sensuelle et organique sous l’effet de la fréquence du programme, symbole de la bataille de la prise de contrôle des corps et des esprits. Autant de scènes étonnantes et marquantes aux effets d’une grande efficacité signés par le génial Rick Baker.
Videodrome a connu un échec cinglant à sa sortie, avant de bénéficier d’un statut culte lorsqu’il a été redécouvert à la télévision et en VHS. Alors qu’il ne souhaitait pas travailler sur l’histoire d’un autre, David Cronenberg a changé d’avis pour Dead Zone (mieux accueilli), et a ensuite connu l’un de ses plus grands succès avec La Mouche.
Television is more than reality, reality is less than television…