Déjà que Conway…
La méthode Marvel de l’époque avec Lee c’est ce dernier donne le pitch et le dessinateur conçoit tout l’épisode. Les dialogues sont posé ensuite par Lee (et encore).
De là, il m’apparait assez évident que la qualité du récit est d’abord (et avant tout) a attribuer aux dessinateurs et non à Stan Lee
Bah alors Marvel avec cette manière de composer l’épisode était bien meilleur ! Ceci dit par la suite soit on a un changement de direction soit de mauvais dessinateurs car ça devient beaucoup plus verbeux.
Ces deux-là, on sent l’humour des dialogues diminuer.
J’aime bien, hein, voire beaucoup (sur Amazing, c’est O’Neil qui m’a éloigné de la série, et Stern m’y a ramené), mais c’est clair qu’ils sont dans un mood plus grognon…
Jim
Bien sur. Mais ce n’est pas grâce à Lee (du moins en tant que scénariste)
Ceci dit par la suite soit on a un changement de direction soit de mauvais dessinateurs car ça devient beaucoup plus verbeux.
Ce qui n’est pas un problème à mes yeux, surtout que la narration d’une BD n’est pas qu’une question de dialogue ou de texte
Pour moi rendre un récit trop verbeux est problématique.
D’expérience, je sais que l’expression « trop verbeux », ça veut pas dire grand-chose, et que chacun a sa définition.
Quant à mes goûts personnels, j’aurais tendance à dire qu’une page bien remplie en textes procure un sentiment immersif inévitable. Après, ça dépend comment c’est fait : s’il y a plein de descriptifs inutiles ou si les dialogues s’apparentent surtout à de longs monologues à grosses cases, ouais, c’est chiant.
Jim
Je lis un comic et non un roman. L’atmosphère doit d’abord venir des visuels et ensuite des textes et non l’inverse.
Cela reste mon avis mais par exemple face à une double page rempli de texte, sans avant même de pouvoir juger de sa qualité, je soupire. Attention, je ne dis pas que parfois l’écrit n’est pas nécessaire mais rien que les carrés explicatifs pour moi c’est un défaut.
J’ai une question a peu près lié à ça (bon c’est sur un dessinateur et sur les années 70 de la série) pour les connaisseurs.
De Gil Kane j’ai lu seulement je crois les Amazing Spider-Man, et les premiers qu’il dessine (la saga du retour de doc ock qui se conclut par la mort du capitaine Stacy) je trouve ça extraordinairement bien, très limpide, détaillé dans les combats, plus des cadrages plus « étranges », ça fait un peu Ditko et rompt avec le style Romita. Mais dans les autres numéros qu’il fait avec Thomas ou Conway (je sais plus si il en fait d’autres avec Lee) je trouve ça plus sobre/calme je trouve que ça se différencie moins des autres numéros. Je voulais savoir si il y a vraiment une différence entre le Kane du début de Spider-Man et l’autre ou si c’est juste dans ma tête surtout pour savoir de quoi se rapproche le plus ses autres travaux et lesquels sont le plus à découvrir.
Ca varie vraiment selon les époques. Genre par exemple ça :
C’est ultra-mortel que si tu n’aimes pas c’est que tu es mort dans ton cœur
Alors j’aurais tendance à dire que ça dépend de l’encreur. Sur Amazing Spider-Man, si tu vois le nom de Romita à côté de celui de Kane, c’est que le premier a encré le second, quitte à refaire des cases et lisser le style. C’est souvent le cas, mais ça s’affirmera à mesure que Romita et Kane s’installent sur la série, Romita étant plus interventionniste au fil du temps.
C’est le cas dans Amazing Spider-Man #90, celui que tu cites. On reconnaît des tics d’encrage de Romita (par exemple, les petits chapelets de points blancs sur les zones sombres pour montrer le mouvement), et on voit qu’il arrondit les formes, qu’il retouche un peu les anatomies, là où Kane est plus cassant, anguleux.
Certains épisodes sont plus représentatifs du style de Kane, quand il est encré par Frank Giacoia, à l’image d’Amazing Spider-Man #100. Le trait est plus sec, l’encre moins grasse, comme si rien n’était « adouci », et on trouve aussi plus de plongées et contre-plongées.
C’est très frappant avec la saga de Morbius (#102, par exemple) puis les épisodes en Terre Sauvage, où Kane est associé à Giacoia qui laisse respirer ses anatomies de contorsionnistes et son sens du mouvement.
Moi, personnellement, je trouve le tandem Kane / Romita formidable, parce que c’est un peu le meilleur des deux : l’énergie de Kane, avec ses personnages tordus et nerveux, et l’élégance de Romita, avec un encrage gras et vivant. Mais si tu recherches des travaux qui sont plus « purement Kane », regarde l’encreur : si ce n’est pas Romita, ça sera plus proche du travail de Kane.
Kane, c’est un dessinateur anatomique incroyable. Dans une interview, il expliquait qu’il faisait une heure de croquis d’anatomie chaque matin avant de commencer à travailler. C’est sur ce domaine précis une influence majeure de George Pérez ou de Frank Miller.
C’est aussi un dessinateur animalier étourdissant. Je conseille ses (introuvables) Rex the Wonder Dog (vivement la réédition) et les récits animaliers qu’il a faits dans Marvel Fanfare, aussi.
Pour une découverte de Kane, je conseille la lecture de ses Green Lantern des années 1960 (donc juste avant Amazing Spider-Man), et notamment ceux encrés par Syd Greene (les épisodes encrés par Murphy Anderson sont peut-être bien plus beaux encore, mais trop généreux : l’encrage de Greene est plus sec et permet de mieux savourer le trait de Kane).
Autre conseil : ses Action Comics du début des années 1980, où il s’encre lui-même, au feutre.
Jim
Il se fait tailler un beau costard gil kane dans hey kids, comics !
Oui.
Sachant que c’était l’un des grands amis de Chaykin, on sent bien que l’auteur a la dent dure pour tout le monde !
Jim
Ah oui, dis donc !
Sans doute celui qui aura fourni le plus de couvertures chez Marvel dans les années 70.
McFarlane n’était donc pas le premier à l’avoir dessiné avec une dentition.
Y a une anecdote célèbre à ce sujet :
Kane fait partie des gens qu’Eisner a interview dans les magazines Warren. Mais l’interview est la plus courte (compilée dans Shop Talk) et Kane y apparaît comme un gars laconique qui n’a rien à dire.
De son côté, Chaykin a débuté comme assistant de Wally Wood puis de Gil Kane. Et il a beaucoup appris, et affirme avoir passé des journées très agréables à ses côtés (ce qui peut constituer une période durant laquelle il a appris plein de choses sur le métier, les anecdotes remontent peut-être à ce temps-là, et ça explique pourquoi Kane occupe une place si importante dans Hey Kids Comics).
Et Chaykin n’a guère goûté l’interview, où il trouve qu’Eisner fait passer Kane pour un crétin sans vocabulaire. Il s’en est ouvert lors d’une interview sur la toile (je dois pouvoir te retrouver ça, mais ça sera dans une heure, j’ai un truc à faire avant). Et il explique aussi que l’une des rares rencontres avec Eisner a tourné au vinaigre, notamment à cause de ça, et à cause aussi des couvertures de Blackhawk, inspiré d’un illustrateur nazi (je crois) ce qui n’était pas du goût d’Eisner, qui avait flairé la provenance.
Et donc, ouais, Chaykin a plusieurs fois exprimé son respect pour Kane (avec qui il a fait des Legends of the Dark Knight).
Jim
J attends.
Aïe.
Depuis trente-neuf minutes.
Même pas une heure !
Prends conscience de mon infinie bonté !
Ah, merci.
J’ai aussi retrouvé l’évocation par Chaykin lui-même d’une conversation houleuse qu’il a eue avec Will Eisner. Et Chaykin cite un illustrateur et affichiste allemand, Ludwig Holhein, qui a été illustrateur de publicité dans les années 1920 avant de mettre son talent au service de la propagande nazie.
Chaykin est très marqué par les esthétiques fortes des années 1930 (et on a vu dans nos échanges que les choses se croisent). Moi, une influence qui m’a semblé évidente dès le survol, c’est celle de Joseph Christian Leyendecker.
Mais bon, Chaykin qui convoque des courants artistiques, c’est pas nouveau :
Et dans Blackhawk, qui parle des tentations totalitaires hantant les démocraties, et donc des confusions (notamment esthétiques), c’est pas étonnant qu’il canalise différentes formes de propagande visuelle :
Jim
Ha oui génial, super interessant merci.
Du coup par rapport à ce que tu dis pour le dire grossièrement je pense que ce que je trouve au numéro 90 (et au deux qui l’entoure) c’est les angles de vue de Kane (je trouve que ces épisodes là sont quand même proches sur certains aspects de la saga morbidité, même si après refeuilleter c’est vrai que c’est moins flagrant) et l’élégance de Romita la ou les Giacoia c’est moins élégant et les autres numero encrés par Romita moins detonnant même si dans les deux cas y a pas du tout de quoi se plaindre du rendu.
Mais du coup refaire des cases c’est rare quand même pour un encreur non ? C’est parce que Romita était une sorte de superviseur du titre qu’il pouvait se le permettre ?
Et merci pour les conseils je note tout ça et Sword of the atom, je vais voir ce que je trouve.