THE FIREWORKS WOMAN (Wes Craven)

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REALISATEUR

Wes Craven (sous le pseudonyme d’Abe Snake)

SCENARISTES

Hørst Badörties & Wes Craven

DISTRIBUTION

Jennifer Jordan, Helen Madigan, Erica Eaton, Eric Edwards, Ellis Deigh, Lefty Cooper, Wes Craven…

INFOS

Long métrage américain
Genre : drame/pornographie
Année de production : 1975

Oui, vous avez bien lu…cette chronique concerne bien un film pornographique…mais pas n’importe quel porno…
un film de c…réalisé par l’auteur des Griffes de la Nuit et de Scream

Pendant environ 15 ans, entre 1969 et 1984 selon les dates officielles, le cinéma pornographique a vécu son « Âge d’Or »…ce qui a été appelé le Porno-Chic. À partir du Blue Movie d’Andy Warhol, qui a été l’un des premiers films à montrer des relations sexuelles non simulées à être distribué dans les grandes salles de cinéma, le genre en général (soft et hard) a commencé à recevoir une attention positive du public et des critiques. Pour citer les exemples les plus connus, le célèbre Deep Throat/Gorge Profonde avec Linda Lovelace, tourné pour moins de 50.000 dollars, a fait sa première au World Theater de New-York en 1972 et a engrangé des millions de billets verts en quelques mois d’exploitation. Et L’Enfer pour Miss Jones avec Georgina Spelvin fut le 10ème plus gros succès U.S. de 1973, derrière Vivre et laisser mourir, le premier James Bond avec Roger Moore.

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Même s’il est souvent resté discret sur le sujet, Wes Craven n’a jamais caché qu’il a travaillé dans le porno au début de sa carrière, pour raisons alimentaires et pour trouver les financements pour ses propres projets (ce qui ne fut pas toujours facile au vu de la longue période de 5 ans entre le controversé La dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux). Il travailla ainsi sur Deep Throat, vraisemblablement sur le montage même s’il a donné peu de détails. La première expérience de Wes Craven dans le monde du cinéma fut de donner un coup de main à son ami Sean Cunningham (Vendredi 13) sur son film Together, qui est présenté comme un « faux documentaire d’éducation sexuelle », avec la future star du porno Marilyn Chambers. Together se révéla assez rentable pour que les deux compères misent leur argent sur les débuts derrière la caméra de Wes Craven, le film d’horreur La Dernière Maison sur la Gauche.

La Dernière Maison sur la Gauche fut également un succès (3 millions de dollars de recettes pour un budget de 87.000 dollars) mais la route qui mena à La Colline a des yeux fut longue et Wes Craven retourna travailler dans la sexploitation. On le retrouve ainsi comme monteur et assistant réalisateur sur les comédies porno C’est arrivé à Hollywood et Kitty can’t help it. Il fait même un cameo dans Sweet Cakes de Howard Ziehm (Flesh Gordon) et finit par réaliser lui-même un porno en 1975.

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En sandwich entre La Dernière Maison sur la Gauche (1972) et La Colline des Yeux (1977), le deuxième long métrage officiel de Wes Craven (dont le pseudonyme de réalisateur porno est Abe Snake) est donc The Fireworks Woman (connu aussi sous le titre alternatif Alice is the Fireworks Woman).
L’Alice en question est une jeune femme qui a toujours éprouvé une attirance sexuelle pour son frère Peter…attirance partagée puisque Angela et Peter finissent par coucher ensemble. Rongé par la culpabilité, Peter se fait curé, pendant qu’Alice, qui n’arrive pas à l’oublier, essaye de combler le vide dans une ébauche de sexe effrénée…

The Fireworks Woman est un porno sacrément étrange, presque surréel par moment, qui porte bien l’approche viscérale des premières réalisations de Wes Craven. Une explosion de sons bizarres; de visuels aussi furieux que stylisés par moments (dans les limites du budget très modeste); des choix de musique (volée ? très certainement, je ne pense pas qu’ils avaient les moyens de payer des droits) étonnants (comme le Canon de Pachelbel illustrant les rapports incestueux entre Angela et Peter) et un côté dérangeant qui le rend parfois difficile à regarder (comme dans La Dernière Maison sur la Gauche et La Colline a des yeux, il y a aussi une scène de viol, ici encore plus explicite).
Le film réserve aussi des moments dramatiques très bien interprétés par Jennifer Jordan…et en même temps, l’orgie finale a des airs de cérémonie sacrificielle dans un film de cannibales italien.
Oui, un porno sacrément étrange…

Inceste , sadomasochisme, viol, partouze…tabous, désir, abandon, culpabilité catholique…The Fireworks Woman a aussi un aspect fantastique apporté par le personnage joué par Wes Craven (voir photo ci-dessus)…qui est le seul à garder ses fringues, je vous rassure. Il est « l’Homme Feux d’artifice », le guide d’Alice dans son parcours de débauche qui la mène aux frontières de la folie…une apparition quasi-surnaturelle qui garde son mystère jusqu’au dernier plan…

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Intéressant, je ne me rappelais plus du tout de ce passage de Craven dans le giron du porno (même si j’avais dû tomber sur l’info à l’occasion des nécros qui ont plu à sa mort) ; ça rappelle un peu l’expérience d’Abel ferrara qui a également fait ses armes dans le genre (« Nine Lives of a Wet Pussy », tout est dans le titre).
A noter que Marilyn Chambers, que tu cites dans ton post, et qui fut « l’héroïne » d’un des plus célèbres pornos de l’histoire (« Behind the Green Door/Derrière la Porte Verte »), interpréta un des rôles principaux d’un des tout premiers films de David Cronenberg, « Rage ».

Le genre porno, qui ne doit plus ressembler à grand chose sur le plan cinématographique, a quand même accouché de quelques films étonnants, parfois inspirés. Sur la foi d’une interview de William Friedkin, qui disait avoir adoré le film qui lui semblait très profond (sans mauvais jeu de mots !!), j’avais vu « Devil in Miss Jones », effectivement intéressant, et assez déprimant pour tout dire.

De nos jours, il n’est d’ailleurs plus « cinématographique », si ?
C’est plutôt du « directement en vidéo », je pense (ou de la « vidéo à la demande »).

Tori.

Absolument, le fait que le porno ait été proscrit des salles a d’ailleurs entraîné sa très nette dégradation « artistique ». Ce ne sont même plus des films maintenant d’ailleurs, mais plutôt des saynètes.
Mais on aurait pu imaginer que salles de cinéma ou pas, le porno, ou une frange du porno en tout cas, serait resté « pertinent » ou intéressant sur le plan esthétique, au moins (ce qui est très difficile compte-tenu des « contraintes » du porno : tout montrer), fût-ce en vidéo. Il n’en est rien.