TUMATXA : L'ÉMISSION !

Tiens, d’ailleurs, tu parlais du film « Fleuve de la Mort » (« River’s Edge » en VO) consacré donc au même true crime que « La Maison du Diable », en demandant qui l’avait réalisé. Ben, il y a une connexion intéressante, là. C’est un certain Tim Hunter (non, pas celui de « Books of Magic ») dont le nom est peut-être familier. Il est ensuite devenu le réalisateur de certains épisodes de « Twin Peaks ». Et pas les plus mauvais, niveau mise en scène (la mort de Leland, c’est lui, si je me souviens bien). Et, entre ça et le fait qu’il a engagé à la photo, sur « River’s Edge », Frederick Elmes, c’est-à-dire le DP d’« Eraserhead », « Blue Velvet » et « Sailor & Lula », ça fait un film que j’ai souvent vu cité comme une sorte de proto-TP. Et ouais, ça fait longtemps que je l’ai vu mais il y avait quelque chose d’un peu de ce tonneau-là, en termes d’ambiance, dans mon souvenir.

Ah, tiens, marrant, je l’avais rencontré, Dash Shaw, il y a quelques années. En rentrant chez moi, un soir, j’étais passé devant le magasin de BD local. « La Rubrique à Bulles », dans le 11ème arrondissement de Paris. C’était la fin de journée et la salle était vide, avec l’auteur invité, l’air un peu désœuvré, venu en dédicace. Bon, comme je disais, c’était la soirée, peut-être qu’il y avait eu du monde pendant l’après-midi, mais à ce moment-là, il y avait juste les tauliers de la boutique, Dash Shaw et moi. Il était venu présenter « BodyWorld », que je ne connaissais pas, mais qui est tout à fait intéressant. Et Dash Shaw lui-même était tout à fait sympathique lors de cette rencontre. Intéressant de voir ses différents projets. Il semble avoir collaboré à quelques reprises avec John Cameron Mitchell (« Hedwig and the Angry Inch », « Shortbus », « Rabbit Hole »…) aussi, notamment sur une vidéo pour Sigur Rós.

Et « BodyWorld », c’était assez sympa. A nouveau un jeu sur la forme même de la bd qui, pour le coup, m’a un peu fait penser aux livres dont vous êtes le héros que je lisais étant petit. Il y a un rabat dans la couverture pour rendre visible constamment la carte de la ville où se passe l’action, ce qui est un peu nécessaire pour suivre la multitude des points de vue et la perte des repères dans l’action, sans trop en dire. Très chouette, vraiment. Faut que j’explore le reste, du coup.

Tiens, tu demandais si la tradition de le Vierge Noire existait ailleurs. Absolument. Je ne sais pas si c’est le même système référentiel en Catalogne mais, là d’où je viens (tu sais, je suis provençal d’origine) c’est une représentation de Sainte Sara, la servante égyptienne d’une des Saintes Maries de la Mer, Marie-Salomé, Marie-Jacobé et Marie-Madeleine, venues s’installer en Camargue après la mort du Christ, parfois avec Joseph d’Arimathie, et parfois avec le Graal. Et oui, il y a des traditions ésotériques qui disent que le Graal se trouve dans la grotte de la Sainte-Baume, vraiment à deux pas de chez moi, une caverne où Marie-Madeleine est censée avoir habité et qui a été transformée en chapelle souterraine.

Et donc, pour Sainte Sara en particulier, elle est un archétype de la vierge à la peau noire, devenue sainte patronne des gitans. Tous les ans aux Saintes-Maries-de-la-Mer (la ville du même nom, pas les personnages), qui est une ville sainte pour les roms, il y a des processions, en portant Sara sous la forme d’une statue de bois, et qui ont la particularité de se terminer en descente dans la Mer Méditerranée. Le lien avec les gitans a sans doute été fait à cause de l’origine égyptienne de la sainte : jusqu’au 19ème siècle, les bohémiens étaient souvent nommés égyptiens. Bon, en réalité, ça serait plutôt une origine indienne. Du coup, la tradition de Sainte Sara est parfois considérée comme une adaptation chrétienne de la figure de Kali. Il y a quelques attributs communs.

Après, comme je disais, je ne sais pas si la figure de la Vierge Noire provençale est la même qu’en Catalogne, mais c’est une grosse tradition chez nous.

J’ai regardé hier le premier épisode de La Mesias et effectivement, j’ai bien accroché.
J’ai eu un peu peur de la référence à Almodovar car je suis loin d’être fan de ce qu’il fait en général et c’est pareil pour ma compagne.
Au final, je n’ai pas vraiment vu de rapport et je sais qu’on va pouvoir regarder la série ensemble.
En ce qui concerne le sens de l’extraterrestre, si tu parles plus spécifiquement de celui d’Enric dans ta chronique, ça me paraît déjà très clair dès la fin du premier… :sweat_smile:
Tout expliciter, ce serait effectivement ne pas faire confiance au spectateur…

…que je ne connais pas du tout… ça me donne envie de creuser tout ça.

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Ce n’est pas tout à fait ça : le « true crime » fictionnel de « La Maison du Diable » se passe dans la même ville californienne (Milpitas, où Darnielle a passé une partie de sa jeunesse) que le « true crime » bien réel de 1981 qui avait inspiré « Le Fleuve de la Mort ». Mais je chipote. ^^
J’étais persuadé que c’était Lynch lui-même qui avait réalisé l’épisode la mort de Leland, mais non : après vérification, tu as raison, c’est bien Tim Hunter qui l’a réalisé.

Pour le cinéma, hormis « Le Fleuve de la Mort », je n’ai pas l’impression qu’il y ait grand chose de vraiment marquant de son corpus, mais je peux me tromper. La plupart de ses films ont une réputation plutôt confidentielle par nos latitudes, et même « Le Fleuve… », à mon avis, jouit d’une aura bien plus grande aux Etats-Unis.

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Cool, c’est très probablement le prochain travail de Shaw que nous aborderons dans le cadre de l’émission.

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Tiens, c’est marrant ; faudra que j’en parle à ma compagne qui vient de là elle aussi ; je vais beaucoup plus dans le sud-est depuis quelques années du coup.
Merci en tout cas pour ce développement, passionnant comme d’habitude. J’aurais pu l’évoquer lors de l’entretien avec Thiellement sur « L’empire n’a jamais pris fin », mais il y avait mille choses à aborder comme d’habitude : il passe du temps à évoquer les traditions ésotérico-apocryphes qui voient la présence de la Vierge ou de Marie-Madeleine en divers points de France (Lyon, par exemple). J’imagine que ça a un lien avec la France « fille aînée de l’Eglise », siège de la Papauté, etc. Mais je trouve ça drôle : ça me rappelle un livre de légendes basques que j’avais enfant où on relatait les aventures de Saint-Pierre et Jésus au Pays Basque. De sacrés globe-trotters, ces saints et autres messies… ^^
Mais ce que tu relates est tout de même plus sérieux et consistant. Comme souvent, dès que les bohémiens y sont mêlés, de par leur nomadisme, on a des mélanges intéressants et incongrus.

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Voilà. Tu me diras ce que tu en auras pensé à la fin de la saison.
Une petite grossiéreté d’écriture, cet élément du récit. Sans compter que les auteurs s’appuient sur un truc que j’aime pas trop, laisser volontairement un truc de côté pendant tout un pan de la narration et y revenir subitement pour créer une sorte de « surprise » assez artificielle…

Petite « preview » pour cette semaine : comme je le laissais fortement entendre la semaine dernière, c’est une spéciale BD qui nous occupera ce mercredi ! Stay tuned !!

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C’est d’ailleurs de là que viennent les mots gypsy, gitan, gitano, etc.

Les Indiens ayant la peau noire, ça concorde.

Tori.

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Ouais, ou dans les pays anglophones en gnéral, peut-être. Un copain irlandais m’en avait parlé, il y a quelques temps. Ca a l’air d’être une petite référence, quand même.

Et, pour sa carrière, ça a l’air d’être surtout un mercenaire de la série tv, mais son palmarès est quand même assez impressionnant: « Twin Peaks », bien sûr, mais aussi « Carnivale », « Eerie Indiana », « Deadwood », « Mad Men », « Breaking Bad », « Sons of Anarchy », « Dexter », « Hannibal »… Et, comme nous disions, ce ne sont vraiment pas les épisodes les plus anecdotiques qu’il réalise, en général. Il a quand même l’air d’être un peu un metteur en scène de luxe, dans son domaine.

Mais oui, en terme de cinéma, ça a l’air bien plus léger, effectivement. Il me semble que j’avais entendu du bien, dans une certaine mesure, de « Looking Glass », un thriller dans le milieu du BDSM, avec Nicolas Cage, louchant justement pas mal du coté de Lynch, à nouveau. Enfin, ça sonne comme du film de bac de DVDs à 1€, mais j’ai pas mal de sympathie pour ce genre de projet.

Hé hé, oui. Quand j’étais petit, j’avais un recueil de contes suisses. Il y en avait un qui m’avait marqué. Bon, ce n’est pas un saint, bien au contraire, mais il était consacré à Ponce Pilate. Après avoir demandé la mort du Christ, selon la légende, une tache de sang serait apparue sur sa main. Ayant beau frotter, ça ne part pas. Donc, il se met en chemin essayant de la laver à chaque cours d’eau qu’il voit, sans succès, jusqu’à ce qu’il arrive devant un lac du Valais (ça en fait, du chemin, depuis la Palestine), où il arrive finalement à se laver, avec la Vierge qui apparaît ou quelque chose du genre, je crois. Je l’aimais bien, cette histoire, parce qu’elle sonnait presque comme du slapstick. T’as Ponce Pilate qui plonge sa main dans une rivière et l’eau se détourne pour ne pas toucher sa peau, ce genre de choses. Je trouve ça marrant. Quasiment du « Looney Tunes ». Et la Vierge dedans qui prend pratiquement les attributs des fées des eaux façon Dame du Lac, Mélusine, Lorelei, nymphes du Nigelungenlied

Ha ha !! Tu l’as bien vendu, là, en ce qui me concerne…

Oui, et tout ça est évidemment et absurdement européano-centré, on le notera… ^^

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Après, je dis ça, je l’ai pas vu, le film. Je parle à partir de souvenirs plus que brumeux. Je crois que c’était dans cette vidéo youtube de 3 heures où un gars faisait une rétrospective de tous les films de Nicolas Cage. Mais, si ça se trouve, j’en ai une idée complètement déformée. C’est juste une ligne dans ma liste sans fin des « films à regarder plus tard », en somme. Juste une vague curiosité à son sujet.

« The Watcher » en V.F. ^^

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Oh, merci ! « Looking glass » ne me disait rien, mais je ne crois pas avoir vu le film, ce titre ne me dit rien non plus…

EPISODE 16 : L’Exterminateur américain et le Souricier gris - Spéciale BD !!

Emission un brin spéciale ce soir dans « Tumatxa! »… puisque c’est une émission 100 % BD !! Comme d’habitude pour ce type d’exercice, le but du jeu est de varier les plaisirs au maximum… Réédition de BD patrimoniale ou titre VO pas encore disponibles, on tape un peu dans tous les styles, c’est ça qu’est bon.

Le tout en musique, à dominante très féminine cette semaine !

Le premier titre évoqué ce soir est emblématique du renouveau infusé à la BD française et de SF au milieu des années 70 par l’émergence cruciale de la légendaire revue « Métal Hurlant » (toujours bien vivante dans une formule revue et corrigée). Scénariste et éditeur en chef de la chose, Jean-Pierre Dionnet alliait ses forces en 1976 avec le génial Enki Bilal pour donner naissance à « Exterminateur 17 ». Publié sous forme épisodique dans les pages de la revue, le récit fut multi-réédité par la suite, et encore tout récemment par Casterman, avec une mise en couleurs revue et corrigée par les bons soins de José Villarubia. Dans un futur lointain, l’humanité fait la guerre dans l’espace par procuration, via des androïdes conçus à cet effet. Le premier d’entre, l’Exterminateur 17, fusionne avec son créateur et cet hybride homme/machine va finir par devenir le messie de son espèce machinique… Inspirant aussi bien Michael Mann (qui faillit adapter la chose au début des années 80) que l’immense Katsuhiro Otomo (qui s’inspire de Bilal et lui rend hommage dans son « Akira »), « Exterminateur 17 » est une date dans l’histoire de la BD, d’une grande richesse thématique, et se révèle sans surprise une pure splendeur graphique.

Le deuxième titre est l’adaptation par Howard Chaykin (scénario) et Mike Mignola (dessins) d’un des travaux les plus fameux du grand Fritz Leiber, « Le Cycle des Epées », c’est-à-dire les aventures de Fafhrd et du Souricier gris dans la contrée imaginaire de Nehwon, et sa fameuse capitale, Lankhmar. Leiber a non seulement popularisé le terme de « sword and sorcery » mais il lui a aussi donné ses lettres de noblesse avec ce titre à la fois drôle et bourré à craquer d’idées qui sont devenues autant d’archétypes du genre. Howard Chaykin avait travaillé à une première adaptation du cycle au début des années 70 (au dessin cette fois) mais en avait nourri une certaine frustration, mais se « venge » en s’associant à un Mignola en plein essor, qui signe probablement là son meilleur boulot pré-« Hellboy ». J’ai dit une grosse bêtise durant ma chronique : si je me base pour celle-ci sur l’édition parue chez Zenda au début des années 90, traduite par les bons soins de Doug Headline, il existe une édition bien plus récente (de 2018) en VF. Au temps pour moir.

Le dernier titre est une pure tuerie absolument jouissive et il est franchement dommage qu’aucun éditeur VF ne se soit encore penché sur la chose : quelle joie que de revenir sur le travail de l’inénarrable Benjamin Marra (dont nous avions évoqué le chef-d’oeuvre « O.M.W.O.T. » l’an dernier) pour une compilation de ses premiers travaux, initialement auto-publiés sur son label Traditional Comics, et repris en 2016 par Fantagraphics sous le titre prometteur de « American Blood » !! Au menu, jouissif comme c’est pas permis : un groupe de rap, le Gangsta Rap Posse, qui vit sa meilleure vie de groupe de gangsta rap, l’esclave affranchi Lincoln Washington qui casse du membre du Ku Klux Klan à la chaîne, les aventures de Maureen Dowd, éditorialiste badass au New York Times, Ripper le chien rigolo et toxicomane et ses amis, Zorion le Swordlord, barbare de l’espace, j’en passe et des meilleures… Héritier de l’esprit des « outlaw comics » des années 80 mais transcendant leur promesse implicite d’ultra-violence et de mauvais esprit irrévérencieux, « American Blood » est aussi, et surtout, à se faire pipi de rire dessus. Chef-d’oeuvre ? Affirmatif.

Le tout est soigneusement mis en musique comme il faut : on retrouve le suédois Leif Edling et son projet le plus fameux, Candlemass, pour évoquer le superbe « Tales Of Creation », dont on écoute le conclusif « A Tale Of Creation » ; Chelsea Wolfe est remixé par différents artistes sur le « Undone EP », et ça donne entre autres excellentes choses une relecture de « Tunnel Lights » par ††† Crosses ; Grouper, le projet de Liz Harris, a produit bien des albums merveilleux dont le dernier en date, « Shade », dont est issu le beau et hanté « Basement Mix » ; enfin, les post-métalleux polonais d’Obscure Sphinx reviennent avec un EP, « Emovere », qui se conclut par le monumental « Nethergrove »…!!!

« In passion I saw the light
A soul filled with harmony
The creation of a new world
My anthem, my symphony »

EPISODE 16 !!!

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Et voilà pour le chapitrage:
2025.02.05 - (3:26) Candlemass, (38:43) Jean-Pierre Dionnet, Enki Bilal, José Villarubia, « Exterminateur 17 », (1:18:51) Chelsea Wolfe, ††† Crosses, (1:25:57) Howard Chaykin, Mike Mignola, Fritz Leiber, « Le Cycle des Epées », (2:07:48) Grouper, (2:20:39) Benjamin Marra, « American Blood », (2:55:16) Obscure Sphinx

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Yeaaaah !! Merci ^^

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Pour le Cycle des Epées, Delcourt a sorti l’omnibus en 2007 : Le Cycle des épées de Mike Mignola, Howard Chaykin, Sherlyn Van valkenburgh - Album | Editions Delcourt
Il est encore trouvable facilement en neuf.
Je voulais dire autre chose mais j’ai oublié… Ca reviendra peut être … :sweat_smile: