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[quote=« charlie 95 »]
Par contre, est-ce que ces 5000 lecteurs représentent l’ensemble de la cible, c’est peu vraisemblable car il doit y avoir à côté de ces lecteurs fidèles et captifs des lecteurs plus irréguliers ou occasionnels. combien sont ces derniers ? aucune idée.
[size=85]Peut-être Jim qui a un pied dans le monde de l’édition et qui connait bien le domaine, pourrait nous éclairer la-dessus ?[/size][/quote]

Un orteil, tout au mieux, pas un pied.

Plus sérieusement, ce chiffre de 5000 lecteurs me semble assez réaliste, et pas fantaisiste du tout. Un titre de kiosque qui vendait de manière équilibrée (en gros, fait pas d’argent, perd pas d’argent), du temps où je voyais passer les chiffres, c’était un titre qui vendait à 5000. Les bonnes ventes de Semic, c’était entre 8000 et 12000. Sachant que 12000, c’était rare.
À vue de nez, il y a donc environ sept ans, Batman et Superman équilibraient autour de 5000 (des pointes à 8000 quand on avait un Jim Lee ou un Michael Turner…), Spawn devait tourner dans les 8000, quelques trucs du label Cliffhanger tapaient dans les 10 000. De mémoire, le sommet des ventes, ça a du être le lancement de Fathom (quelques mois avant mon arrivée, mais j’étais sur le stand à Angoulême pour en voir partir des centaines de numéros comme des petits pains…), dont le premier numéro a dû cumuler à 21 000, je crois, du jamais vu.
[size=85](C’est aussi à cause de ces chiffres dont la moyenne n’est somme toute pas élevée que je dis toujours « si vous aimez un truc, achetez-le : chaque achat compte, permet de soutenir le bouquin, peut peut-être faire basculer la donne ». Je dis aussi « si vous aimez, prêtez, offrez, faites découvrir : chaque nouveau lecteur convaincu est un petit gramme en plus dans la balance ».)[/size]
Alors faut savoir que depuis que je suis dans le milieu (treize ans, en gros), les chiffres des revues kiosques n’ont jamais cessé de décliner. Chaque année était moins bonne que l’année précédente. Mille raisons, hein : trop de références, trop de mags, des rayons trop chargés, des points de vente de moins en moins nombreux… Donc les chiffres de 2004-2005 que je vous donne, faut imaginer que c’est beaucoup pour aujourd’hui, quoi.

Mais ça sert d’indice, quand même. On sait qu’il y a 5000 lecteurs purs et durs qui suivent les productions des différents éditeurs. Ce sont eux qui vont dans les comic shops et les librairies BD. Donc ils consomment du kiosque, et de la librairie. Et ils sont réguliers, ils reviennent à leur point de vente. C’est le lectorat convaincu. Le plancher, quoi.

Pour un album, ouais.
(Pour une revue aussi : une revue à 8000 exemplaires, elle est au moins assurée de continuer, puisqu’elle fait déjà des sous).
Pour un album de créa, 8000 exemplaires, c’est l’assurance d’avoir un tome 2. Pour une album de traduction, c’est un beau score.

Après, autre chose à savoir : pour un album, on n’est pas obligé d’attendre 5000 ventes pour équilibrer. Surtout si on fait un tirage réduit, ou si on réédite un matos déjà publié ailleurs (et dont certains postes budgétaires ont été imputés à la version kiosque, par exemple : la collection Semic Books, qui a commencé avec Kingdom Come et Arcanum, a donc commencé par des rééditions, pour réduire les coûts). Donc, par exemple, si vous imprimez cinq mille, vous équilibrez peut-être à trois mille. Auquel cas une vente à quatre mille vous fait gagner des sous. Je donne des chiffres à l’arrache, mais c’est pour expliquer l’idée. Alors qu’en kiosque, faut imprimer beaucoup pour être présent sur tous les rayons, et si vous vendez la moitié du tirage, vous êtes le roi du pétrole (si vous vendez 30%, vous sauvez les meubles et l’honneur…). Donc vous voyez, c’est pas tout à fait la même approche.

Ce lectorat de 5000 lecteurs, c’est sans doute des lecteurs de comics. Les titres Vertigo doivent attirer un public un peu plus large, les gens qui disent « j’aime bien la BD américaine mais j’aime pas les super-héros » (et autre jugement à l’emporte-pièce). D’un autre côté, le format lui-même doit aussi rebuter plein de gens qui n’arrivent pas à secouer la poussière de leurs préjugés, donc bon an mal an, je me dis que les lecteurs qu’on gagne ici, on les perd là. La différence se faisant soi quand il y a une adaptation télé ou ciné, soit quand l’auteur s’est bien ancré dans le paysage. Sin City vend bien, aujourd’hui, mais il a fallu l’acharnement de l’éditeur pendant des années. De même pour Hellboy chez Delcourt : il y a quinze ans, Hellboy, c’était un truc de niche acheté et admiré par les auteurs et les dessinateurs, mais que personne ne connaissait.
Deux différences notables là-dedans : les comics Star Wars (une mauvaise vente Star Wars, c’est 20 000 exemplaires… et le catalogue Star Wars, c’est des dizaines de titres…) et Walking Dead (j’avais entendu parler de 60 000 exemplaires par tome… avec le buzz, la série et l’édition France Loisir, j’imagine qui va bientôt s’approcher des 100 000, ce que je souhaite à tout le monde…).
Après, les dizaines de milliers de lecteurs en plus, est-ce que c’est des lecteurs gagné pour le marché du comics, voire pour le marché de la BD ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas si les mecs qui achètent Walking Dead vont acheter d’autres trucs. Ext-ce qu’ils vont acheter 30 Jours de Nuit et 28 Jours plus tard ? Est-ce qu’ils vont acheter Hellboy et BPRD ? Est-ce qu’ils vont acheter Batman et Spawn ? Sérieux, j’en sais rien.
Je ne suis pas convaincu que cette locomotive qu’est Walking Dead suffise à remuer tout le convoi. Je crois qu’elle a besoin de relais que sont les médias, par exemple. Et ce qui est bien avec Walking Dead, c’est que ça donne une légitimité à la BD américaine (avec son cortège, là encore, de jugements à l’emporte-pièce et d’incompréhensions vagues et imprécises, mais bon, on connaît la règle du jeu…) et que du coup, les gens en parlent. C’est plus tabou, aujourd’hui, c’est plus caca.
De même, l’effet « Avengers zeu mouvi » joue aussi, de même que le film Spider-Man de Sam Raimi a joué, en son temps. Tout cela permet de donner une plus grande visibilité à une BD américaine qui a toujours été là mais qui n’est plus méprisée.

On a élargi le rayon. Maintenant, il faut élargir le lectorat. Allez convaincre des gens soit sceptiques soit néophytes. C’est-à-dire aller au-delà de ce cercle de 5000 personnes qui connaissent, qui sont déjà convaincues, qui ont déjà un avis. C’est là sans doute le sens des propos de François : c’est une niche de 5000 personnes, à qui il convient de parler, parce que c’est 5000 personnes au centre de ce marché potentiel, où Walking Dead n’est pour l’instant encore qu’une exception.

Jim