Il me semble que Force Works est son premier travail « grand publique ». On dirait un mauvais Ron Lim qui aurait tendance à vouloir faire du Liefeld.
En tant que clone de Moebius, il a failli travailler sur une des suites de Le Garage Hermétique supervisées par Moebius et Jean-Marc Lofficier au début des années 90 (The Elsewhere Prince, Onyx Overlord) et finira par illustrer Arzach Jams publié dans le Moebius Comics #3 en 1994.
Après quoi, il collabore à nouveau avec J.M. Lofficier sur la bande-dessinée TongueLash* en 1996 avant de retourner chez 2000AD. Depuis, on l’a revu sur Batman: Death by Design puis Prophet, avant de le voir atterrir sur Doctor Who.
Lors de la publication de l’article, j’ai été très intrigué par cette phrase :
Ca m’a rappelé une discussion avec un collègue qui me parlait du style comics dans la BD quand il lisait des strange et qu’il trouvait ça pas très beau.
Je comprenais pas trop vu que pour moi y’en a plusieurs de styles graphiques dans les comics et il a fallu lui démontrer que c’était varié (notamment Sean Phillips). Et du coup il s’y est intéressé.*
Au final ce genre de dessins a peut être fait mal au comics à cette époque… Non ?
*Au final, la personne m’a emprunté Ultimates et elle a adoré, alors que c’est du réalisme, enfin bref…
La question de la période est importante. Si tu lis Strange en 1975, en 1985 ou en 1995, ce n’est pas la même chose, graphiquement parlant.
Image a fait beaucoup de mal, à cause de son succès qui a généré une explosion des ventes et une multiplication des titres.
Image a connu le problème : pour un titre dessiné par Jim Lee, combien de séries servies par des sous-clones qui réalisaient leurs planches avec le dos de la main.
Chez Marvel, même chanson. Multiplication des titres, créations de nouvelles séries, qui fatalement ne peuvent pas s’aligner sur les tarifs des titres bien installées. Donc elles sont réalisées par des débutants ou par des gens de passage, prêts à aller voir ailleurs dès que possible, c’est-à-dire au plus tôt. Dessin faiblard, instabilité des équipes, délais que les jeunes auteurs ne peuvent pas gérer.
Rajoute à cela plusieurs problèmes supplémentaires, au premier rang desquels les consignes idiotes des editors voulant imposer les aspects les plus superficiels d’un style (les hachures de Scott Williams sur Jim Lee, les explosions de Rob Liefeld…). Ce qui génère une homogénéisation de l’esthétique, un nivellement par le bas, des planches pourries.
Autre point lié à l’époque, le fait que les coloristes découvrent la colo informatique mais n’arrivent pas encore à en tirer quelque chose de probant.
Résultat, le catalogue grossit, mais avec des auteurs débutants qui ne connaissent rien au métier et sont mal payés, ça fait un catalogue… de merde.
C’était la même chose chez DC, mais comme ce n’est pas traduit en France, on n’a pas pris connaissance de l’ampleur du désastre. Mais ouais, le milieu des années 1990, c’est pouah caca.
People are strange.
Trêve de plaisanterie, je pars du principe que les gens ne sont ni scénariste ni dessinateur. Donc ils ne savent pas écrire ou dessiner des BD, et en tout cas ils ne savent pas appliquer un regard « académique ». Ils achètent en fonction d’une grille de lecture qui leur est propre. Et en franco-belge, l’un des critères essentiels est la finition, la précision, le détail. Fatalement, pour un lecteur franco-belge, Sean Phillips et Bryan Hitch remplissent le critère, chacun à sa manière.
C’est clair que les comics de super-héros (quel que soit l’éditeur) des années 1990, y a des chances de tomber sur des horreurs. Entre des dessins grossiers, des tas de muscles, des hachures partout qui tuent toute profondeur et des décors absents (sans compter une narration bordélique), ça donne une piètre image du genre.
Effectivement, en 1981, tu ouvres ton Strange, et tu tombes sur Bob Brown, Romita Jr en début de carrière donc réaliste et élégant, Ross Andru, Keith Pollard, Sal Buscema… Des dessinateurs solides spatialisant leurs personnages dans des décors présents, avec une narration compétente et des protagonistes séduisants et expressifs…
Pas la même chanson, quoi.
Marrant parce que c’est à ce moment que je m’y suis mis. Grosso modo le Strange où il y a ce double épisode d’Iron Man avec la Veuve noir écrit par Byrne et cet arc de Spider-Man avec l’Empire Secret.
Et ouais niveau dessin il y avait de l’horreur qui arrivait en masse et c’est la que tu bénissais les Stranges Special Origines, X-men Saga ou les brocantes pour récupérer les anciennes revues.
Cela dis il y a eu des dessinateurs à l’époque que j’adorais. Des mecs comme Dale Keown et Gary Frank sur Hulk, Mark Bagley sur The Amazing Spider-man, Rick Leonardi sur Spider-man 2099, Brandon Peterson et Andy Kubert sur les X-men, Texeira sur Wolverine, Jae Lee avec Namor, Larry Stroman sur X-Factor…
(et alors j’avoue sans honte que j’adorais les Avengers d’Harras et Epting du moins les débuts avec Le Collectionneur et Proctor)
Parce que pendant longtemps, chaque fois que je disais ça j’avais l’impression qu’on me pointais du doigt dans la rue en se moquant et qu’on me jetais des pierres
Moi, j’ai aimé tout de suite. Je suis un jour tombé sur l’épisode qui a marqué le retour du Swordsman (bref, le tout début de la saga de Proctor), et j’ai accroché immédiatement. J’étais sur Paris à l’époque, et je me suis remis à la série, que je suivais en VO (en fonction de mes maigres moyens à l’époque). C’est vraiment un excellent morceau de la série, je suis étonné que ça ne fasse pas encore l’objet d’une réédition, tellement c’est bon.
On va te filer le numéro d’une école spécialisée, dans le Comté de Westchester…
Après avoir écrit mon premier message j’ai fait une recherche et comme toi je fus étonné du résultat. Nada, zéro, nothing
D’ailleurs c’est marrant en cherchant un peu via Comics DB j’ai pu constater que beaucoup d’épisodes n’ont pas étaient publiés dans Strange et pourtant cela ne choquaient pas à la lecture.
Je crois que le seul moment où je m’en suis rendu compte fut pendant le dernier épisode des Vengeurs de la Cote Ouest quand Iron Man parle de la Galaxy Storm comme premier événement ayant provoqué une scission au sein du groupe.
On avait jamais eu cette histoire en France et là elle nous tombe d’un coup
Sauf le cross-overGalactic Storm que tu as mentionné, disponible, me semble-t-il en deux tomes. Qui est d’ailleurs une excellente histoire, sur l’engagement politique, sur l’ingérence, sur la responsabilité, sur la punition. D’une certaine manière, les Vengeurs, à cette occasion, se hasardent sur un terrain qui sera exploré plus tard par Authority, par exemple.
J’ai récemment procédé à l’approche inverse : j’ai reparcouru les épisodes de Harras, et en fait, on pourrait extirper les épisodes de Harras et Epting autour de la saga de Proctor, sans réellement toucher au reste, sans avoir besoin de pages éditoriales pour expliquer les trous, ni d’extraits d’épisodes annexes. Éditorialement (je ne sais plus qui était l’editor, à l’époque… Macchio ? Quelqu’un d’autre ?), c’est vraiment très bien troussé.
De même, on peut lire Galactic Storm ou Blood Ties à part. J’aime bien ça.
Et du coup, ça rend encore plus mystérieux le fait qu’il n’y ait pas encore un ou deux gros TPB reprenant ça. Mais ça finira par venir.
Je pense également que la multiplication des cross-overs n’a pas aidé. Dans des échanges récents, on a évoqué Galactic Storm, qui est un cross-over intéressant par son sujet et ses péripéties, mais qui a de grandes qualités en termes graphiques. On a Epting bien entendu, mais aussi Frenz, Capullo, Ryan, Hopgood, même Levins qui est assez faiblard fait quand même son job. Y a des planches formidables, et d’autres un peu molles, mais rien de proprement hideux.
Quelques mois ou années plus tard, on a TimeSlip / The Crossing, qui est d’une hideur sans nom. Ou encore le cross-over autour du Mandarin dont je parlais plus haut.
Ce qui s’est passé entre-temps ? Encore de nouvelles séries dérivées, qu’il faut remplir, encore des numéros exceptionnels, des alpha, des omega, ce genre de choses, et tout ça, il faut l’écrire, il faut le dessiner. Alors on mobilise des editors pour écrire des choses, mais aussi des scénaristes débutants, des dessinateurs qui commencent. Les comics se font plus rapidement, à un rythme soutenu, selon un calendrier serré, afin d’occuper beaucoup d’espace. Et comme, en face, la concurrence fait de même, on publie énormément de trucs sans que la qualité suive. Parce que la qualité est réservée, grosso modo, aux titres mutants, qui chopent les bons dessinateurs confirmés ou les bons dessinateurs à venir. Sur les produits « secondaires », on remplit au kilomètres.
Le paradoxe, c’est que les gros événements sont donc mis en scène par des gens qui n’ont pas les reins assez solides. C’est un peu la même chose sur toute la période « Clone Saga » de Spider-Man : énormément de spin-off et de numéros spéciaux, des parutions en rafales, des équipes créatrices pas au point.
Les cross-overs sont aussi pour beaucoup dans la chute de la qualité. C’est pas le montage éditorial en tant que tel, c’est simplement que tout ce matériel, gonflant artificiellement le catalogue et les rayonnages, doit être fait vite et à pas cher. Donc on recrute à tout bout de champ, y compris des gens qui savent à peine tenir un crayon.
Un peu moins d’épisodes, des séries séparées, pas de vaste saga qui génère des ventres mous, moins de cases « in your face », et effectivement, ça aurait été plus joli.
Le problème de la saga du Clone, c’est qu’il me semble qu’on a changé plusieurs fois de scénariste, qui invalidait à chaque fois les révélations du précédent. Ce devenait vite bancal.
C’est pas seulement ça.
C’est aussi que les mecs avaient lancé un truc, ils avaient raconté ce qu’ils voulaient raconter, et le marketing est venu les voir pour leur dire « qu’est-ce que vous faites sur Spider-Man ? Ça se vend comme des petits pains, faut continuer ! » Donc ils ont repris le truc et relancé l’intrigue, en capillotractant plein de péripéties et en montant la mayonnaise. Là-dessus, un an ou deux après, le marketing est revenu les voir pour leur dire « qu’est-ce que vous faites sur Spider-Man ? Les ventes s’écroulent, faut arrêter tout de suite ! », alors ils ont tout clôturé à la va-vite.
C’est Howard Mackie qui en parle dans Comics Creators on Spider-Man, le bouquin de DeFalco.
C’est aussi la démonstration du paradoxe du marketing, peuplé de gens qui ne connaissent pas le produit qu’ils vendent, mais qui se permettent d’en donner les grandes décisions.
Un cas d’école, cette saga du Clone. J’en avais adoré les prémices, mais quel bordel très rapidement…
Ah la la, les Vengeurs de Harras et Epting, quelle période !! Vivement une réédition, ouais.
J’avais bien aimé moi la reprise par ben reilly. Faut dire je débutais à l’époque alors lui ou parker je m’en foutais un peu.
J’ai feuilleté le tpb du mandarin empereur cet aprem et ai failli le prendre. J’avais pas encore lu ton article, du coup je reste mitigé.