X-MEN: FIRST CLASS (Matthew Vaughn)

Oui, mais ce que je disais (si on me lisait calmement, on comprendrait, c’est écrit…), c’est que plein de films, de toute façon, on a déjà vu et identifié les acteurs ailleurs, dans d’autres films. Là, moi, à part le mec qui fait Xavier et dont j’avais repéré la tête mais pas le nom, les autres, je sais pas qui c’est. Du coup, je retrouve un sentiment de nouveauté et je ne suis pas biaisé par ce que je pense des acteurs… puisque, ne les connaissant pas, je n’en pense rien. Et c’est quand même un phénomène un peu rare, je trouve, parce que les studios finissent toujours par nous mettre des acteurs ou des réalisateurs que l’on connaît sur des grosses licences. Ce sentiment de fraîcheur, qui est sans doute dû au fait que moi, je ne suis suis pas l’actualité ciné de très près, je le trouve rare. Et je suis d’autant plus content de le retrouver.

Jim

Moi je l’ai senti comme un film de personnage, pas comme un film d’enjeux.
Même si les enjeux étaient hauts, quand même.
Donc, cette construction de personnages m’a vraiment plu.

Je suis bien content de lire ça, parce que, pour ma part, les X-Men de Synger m’ont toujours semblé de sympathiques nanars ponctués de bons moments, et pas du tout les formidables réussites à se rouler dans la poudreuse que tout le monde disait. Le premier, par exemple, a des combats particulièrement mous, un sacré absence de suspense, des personnages peu charismatiques, une définition pourrie de ce qu’est un mutant et des scènes débiles (le sénateur Kelly transformé en méduse humaine, je ne m’en remets toujours pas…).

Jim

Oui, malgré mes réserves, je reconnais que changement d’époque ou pas, et malgré des aménagements mineurs, le film est bien plus fidèle à l’esprit du matériau d’origine que les Synger, ce dernier étant un des réals les plus surestimés qui soient.

Les défauts que tu relèves sur le premier X-Men sont sacrément rédhibitoires, quand même, pour ceux qui au final doit être un film d’action…

En fait, les X-Men de Synger ont bénéficié de leur défrichage. En gros, les super-héros Marvel n’ont jamais été vraiment bien transposés à l’écran, et ces X-Men, d’une part faisaient plaisir aux fans et d’autre part, comme il y avait peu de références, se classaient plutôt bien dans le coeur des fans, ou du moins, dans le mien.
Force est de constater qu’aujourd’hui, plus les films Marvel arrivent sur grand écran, et plus les X-Men de Synger tombent dans mon classement personnel.
Bon, à la base, je ne me roulais pas dans la poudreuse non plus, il y avait quand même pas mal de défauts, comme certains que tu soulignes, mais l’effort était là, et c’était ce qui faisait la part belle du film.

Synger, j’aime en général beaucoup, surtout pour sa thématique du bien et du mal. Mais comme beaucoup d’auteurs typés, et comme Nolan par exemple, j’aime pas trop sur des licences. Même si j’ai beaucoup aimé son Superman. Mais en général, je le préfère sur des trucs à lui.

Clairement.
Je me souviens que, quand j’étais sorti de la salle, si j’étais content, c’est parce que je voyais des persos que j’aime bien bouger en vrai. Mais pas parce que j’avais vu un bon film.

Jim

À part Blade, qui a sans doute été l’élément déclencheur de la vague.
(Après, je garde une grande tendresse pour le Punisher de Goldblatt, parce qu’il a plein de mérites, dont celui de ne pas prendre le personnage pour un objet de parodie…)
Et puis, X-Men a bénéficié de réels producteurs, des gens installés qui ont un vrai carnet d’adresses.

Pareil.

Voilà : on était contents que ça existe, que l’étincelle prenne… mais bon…
Moi, il a fallu attendre le Spider-Man de Sam Raimi pour que je me dise que ça y était, que j’allais pouvoir voir mes personnages bouger et vivre pour de vrai.

Jim

Bryan Singer est un auteur au vrai sens du terme (il a une thématique, forte en plus, comme tu le précises), mais ce sont ses qualités de metteur en scène que je mets en doute. Usual Suspects, c’est mortel certes, mais ça tient au scénar’ de McQuarrie (la mise en scène est très raide et froide, voir un peu maniérée…).

J’aime bien son « Superman », et notamment la façon dont Synger n’hésite pas à se frotter très directement aux icônes dont Superman est l’héritier (Atlas, Prométhée…) pour produire de très beaux plans. Mais là encore, j’ai des réserves sur la mise en scène.
EN plus, le casting est une calamité (Brand Routh en Kal-El à la rigueur, mais Bosworth en Loïs Lane c’est n’importe quoi), et Synger semble obsédé par le film (fabuleux) de Donner, au point de ne jamais le perdre de vue…

Elle convient donc parfaitement : un récit calculé, millimétré, inventé de toutes pièces, raconté par un faux boiteux. Raide, froid et maniéré. Sérieux, je trouve la forme en adéquation par rapport au fond.

C’est aussi tout le pari du film : confronter Superman aux icônes mythologiques qui l’ont précédé, et confronter le film à la référence cinématographique qui l’a précédé.
Dans les deux cas, je trouve qu’il a réussi, et qu’il est même parvenu à s’affranchir du canon, en développant l’univers de Superman, en faisant évoluer le vilain (qui, de méchant d’opérette pré-Crisis devient un danger réellement inquiétant).

Alors ouais, je préfère Synger sur ses films à lui, hors de toute licence. Mais je trouve qu’il s’en sort bien sur celui-ci.

Jim

Hummmm… Concernant « Usual Suspects », ton argument se tient : tu n’as pas tort sur l’adéquation fond /forme. Mais je trouve que Synger peine à trouver de vrais idées purement cinématographiques (formelles je veux dire), alors que le script est un trésor permettant ce genre de recherche…

C’est vrai aussi.
En même temps, une certaine retenue permet sans doute de mettre en avant la qualité du script, non ?
Des effets classiques pour mieux rassurer le spectateur, et mieux le surprendre en bout de course ?

Jim

Peut-être, mais ce type de scénar’ de malade inspirait à un Orson Welles par exemple (puisqu’on a parlé à propos de « Usual Suspects » de « Citizen Kane » des temps modernes, et on peut comprendre pourquoi) l’invention de trois ou quatres éléments de mise en scène adoptés depuis par l’intégralité des cinéastes de la planète.
On en est pas là avec Synger (qui n’est pas Welles, certes), qui ne transcende pas l’histoire qu’il raconte par sa façon de la raconter.

Il y a un moment magnifique au début du film, une pure image de grand cinéma : quand Spacey observe le mur du bureau du flic, l’air innocent. A la première vision on dirait un ahuri ; à la seconde (quand on connaît la fin), c’est un génie qui compose une toile incroyablement complexe…avec la même image, suggérer ces deux sentiments, ça c’est fort. Mais c’est peut-être plus la réussite de Spacey que de Synger !

La comparaison avec Citizen Kane, c’est un marronnier de la critique, ça aussi. Un serpent de mer qui ressort régulièrement. Qui est ressorti pour le Panic Room de Fincher, en 2002.
À croire que les critiques n’ont vu que Citizen Kane, parfois !!!

[quote=« Photonik »] l’invention de trois ou quatres éléments de mise en scène adoptés depuis par l’intégralité des cinéastes de la planète.
On en est pas là avec Synger (qui n’est pas Welles, certes), qui ne transcende pas l’histoire qu’il raconte par sa façon de la raconter.[/quote]

Mais il la porte. Ce qui est bien.

Une des forces de Synger sur le coup, c’est de sublimer le script, mais aussi les acteurs. D’avoir réussi à faire un boulot de directeur d’acteur autant que de réalisateur. Ce qui n’est pas toujours le cas dans ce métier.
L’une des autres forces, c’est effectivement d’offrir la possibilité de revoir le film chaque fois avec plus de plaisir.

Jim

C’est rare qu’un film s’enrichisse de multiples visions, en effet : et « Usual Suspects » en fait partie, comme « Vertigo » de Hitchcock par exemple.

Sinon, autant je vois bien le rapport avec « Citizen kane » dans le cas du film de Synger (construction complexe et vérité rapportée, twist final, etc…), autant je vois pas le rapport avec Panic Room ?!!

« Marronnier » de la critique, y’a un peu de ça : mais quand un film un seul apporte autant d’éléments de grammainre cinématographique, c’est un peu normal qu’il fasse réfrence, même 70 ans après…

Sinon, je trouve qu’on fait sérieusement dans le hors-sjet, là. Donc je propose qu’on parle de l’annual de « Uncanny X-Men » paru en 1980 et signé par…
Non je déconne.

C’était surtout parce que tout tournait autour d’une polémique concernant la « performance » visuelle de la caméra qui passe à travers l’anse de la cafetière (parce que, en gros, cette image informatique reconnaissait implicitement le caractère artificiel de la caméra et de l’image, et en quelque sorte « rompait le quatrième mur »). Du coup, ça a lancé une polémique sur le caractère conservateur de certaines critiques, qui n’apprécient pas les changements de langage et de codes. Et ceux qui défendaient Fincher convoquaient Citizen Kane et le travelling à travers la verrière, ou encore les plafonds pour les contre-plongées, tout ça. Tout une bataille sur le rapport au mensonge dans la fiction filmée, et par deux fois au moins (une fois radio, une fois papier), j’ai vu la comparaison. Je suis sûr que ça s’est répandu plus loin, puisque les critiques sont aussi des caisses de résonances.

Et puis, Welles est un passage obligé, certes, mais qui témoigne aussi du manque de références de plein de gens. Le plan séquence du Dahlia Noir a été souvent comparé au plan séquence de l’ouverture de La Soif du mal. La comparaison n’est ni idiote ni exagérée, mais bon, on dirait parfois qu’il n’y a qu’un seul cinéaste dans l’esprit des gens.

Jim

Ah d’accord, je comprends mieux…

Après, que Welles revienne en permanence sur le tapis, c’est quand même normal ; toute (je dis bien TOUTE) la narration moderne découle de lui. Je ne suis pas objectif, je suis toqué de Welles…

Le problème du fameux plan de l’anse de cafetière dans Panic Room, c’est surtout que narrativement il ne sert à rien. Il est devenu pour les critiques l’emblême de la virtuosité gratuite.

Ce que ces mêmes critiques n’avaient pas prévu, c’est que Fincher mettrait à profit ce genre d’expérimentations pour affiner sa narration et devenir un des meilleurs réals au monde depuis 10 ans…

Dans mes bras !

Et d’une certaine manière, tant mieux : je suis pour une certaine gratuité, quand elle sait rester modeste (même au premier plan).

Et puis, personnellement, je ne le trouve pas si inutile, ce plan, justement parce qu’il apporte l’inquiétude dans un décor qui se doit d’être rassurant, et parce qu’il indique un truc fort : la caméra passe par où elle ne doit pas passer normalement, donc elle annonce le thème de la violation de l’espace. Bref, elle annonce le film.

Jim

Pff.
Dégonflé.

Alors que c’était l’occasion de parler de Doctor Strange…

Jim

Ha ! Ha! Tu veux que je te rappelle le pataquès d’hier soir pour une malheureuse digression sur les mérites comparés des runs de Stern et de Byrne sur les Vengeurs ?

Un GRAAAAAAAAAAAAAAND moment !

Jim