Que j’aime beaucoup la couverture ! 
… Mais je suppose que ce n’était pas le sens de ta question.
D’abord, graphiquement, on a un Kirby au sommet de la « première période » de son art. Rien que ça, déjà, c’est dommage de passer à côté. Et l’édition Gagné / Fantagraphics présente un très beau travail de restauration, donc si c’est bien ce qui est repris pour la VF, c’est du tout bon.
Ensuite, même si c’est un argument qui en soi ne déplacera pas les foules, mais on peut quand même le mentionner : c’est d’un intérêt historique indéniable. La production de Kirby hors super-héros a été très peu éditée en France (euphémisme), et demeure largement inconnue sur nos côtes. Or non seulement le « King » a tâté de quasiment tous les genres, mais avec les romance comics, aux côtés de son acolyte Joe Simon, il en a tout bonnement inventé un – et un qui a est devenu le genre-roi du medium pendant presque une décennie (Fred le signalait, on parle de ventes à un million d’exemplaires le numéro…).
Reste l’intérêt des histoires en elles-mêmes. Là, je vais tout de même devoir être un peu plus nuancé.
Pour préciser, je ne connais que le premier des deux volumes Fantagraphics – et il semble que le second se concentre sur les toutes premières années (1947-49), alors que le premier proposait un panorama plus large. Remettre le tout dans l’ordre chronologique (quitte à déséquilibrer le « best of »), donnera peut-être une impression différente.
La vraie bonne surprise, ce sont surtout les épisodes des premières années.
D’une part, contrairement à l’image qu’on associe communément à l’appellation « comics à l’eau de rose » (la traduction usuelle par chez nous de l’expression romance comics), Simon et Kirby n’hésitent pas à donner dans des sujets qui « grattent » (à défaut de ceux qui fâchent : rien d’aussi « tabou » que l’homosexualité ou les relations interraciales, évidemment, n’exagérons rien…). Loin des clichés Harlequin avec beau PDG débarquant sur son cheval devant une secrétaire énamourée, Simon et Kirby sont animés par une volonté de réalisme, et un intérêt marqué pour les forces à l’œuvre dans la société qui viennent compliquer les voies du cœur.
D’autre part, peut-être parce que, justement, le duo invente le genre après en avoir expérimenté bien d’autres, les premières histoires qu’ils produisent tirent une part non négligeable de leur variété (et de leur intérêt renouvelé) du fait que la composante romantique y est hybridée avec d’autres éléments, même s’ils sont vus par le filtre des relations sentimentales : histoire criminelle, récit de guerre (une histoire particulièrement marquante met aux prises un soldat américain et une ex-nazie dans l’Allemagne en reconstruction au sortir du second conflit mondial), western…
Malheureusement, et c’est le bémol que j’apporterai, ces deux qualités se sont perdues avec les années. Pour commencer, on peut voir le genre se standardiser : ce qu’il gagne en spécificité, il le perd (pour ainsi dire) en originalité ; l’hybridation disparaît, mais la répétition et la lassitude s’installent. Mais le coup de grâce vient avec l’instauration du Comics Code en 1954, qui bannit des sujets comme les relations avant le mariage, l’avortement, le divorce, et plus généralement toute trace de tension sexuelle (même selon les critères des années 50 en la matière…), au profit de la mise en avant de « la valeur du foyer et la sainteté du mariage ». Même si ce ne sont sans doute pas les pires exemples de la production qui en a résulté, les dernières histoires présentées m’ont vraiment semblé assommantes et sans intérêt – même le dessin de Kirby s’y trouve assagi de force…
Bon, mais là je parle des sept dernières histoires sur la presque quarantaine que comportera le volume VF, avec, comme dit plus haut, une emphase mise dans la sélection sur les premières années, les plus intéressantes. L’un dans l’autre, je pense que ce volume sera assez fortement recommandable (ne reste plus qu’à savoir à quel prix il sera proposé…).