CHASSEUR BLANC, COEUR NOIR (Clint Eastwood)

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REALISATEUR

Clint Eastwood

SCENARISTES

Peter Viertel, James Bridges et Burt Kennedy, d’après le roman de Peter Viertel

DISTRIBUTION

Clint Eastwood, Jeff Fahey, George Dzundza, Alun Armstrong…

INFOS

Long métrage américain
Genre : comédie dramatique
Titre original : White Hunter, Black Heart
Année de production : 1990

Décédé en 2007, Peter Viertel était un romancier qui travailla assez régulièrement pour Hollywood en tant que scénariste pendant deux décennies, entre 1942 et 1962. Il écrivit notamment la très belle adaptation du Vieil Homme et la Mer de Ernest Hemingway réalisée par John Sturges en 1958 et avant cela, il retoucha, sans être crédité, le script de La Reine Africaine pour John Huston. Il fit de son expérience africaine aux côtés du légendaire réalisateur le sujet d’un livre, Chasseur Blanc, Coeur Noir, qui inspira d’ailleurs Ray Bradbury de faire de même en rassemblant ses souvenirs de sa collaboration avec John Huston (Bradbury fut le scénariste de Moby Dick) dans son livre La Baleine de Dublin.

Il est à noter que les deux bouquins sont ce qu’on pourrait appeler « semi-autobiographiques » car leurs histoires sont en grande partie romancées. Peter Viertel a changé les noms par exemple…ainsi son John Huston s’appelle John Wilson et le scénariste Pete Verrill est sa contrepartie papier…tout en se rapprochant de la réalité sur certains points, comme la personnalité du metteur en scène, ses rapports conflictuels avec sa production, sa passion pour la chasse…

Fasciné par le sujet, Clint Eastwood contacte Peter Viertel à la fin des années 90 pour collaborer avec lui sur l’adaptation cinématographique du livre. Clint avait une sorte d’accord avec la Warner : il pouvait s’impliquer dans des projets plus personnels s’il livrait ensuite un film un peu plus « commercial ». Clint Eastwood a donc accepté de réaliser et de jouer dans La Relève (un buddy-movie fun mais oubliable avec Charlie Sheen, pas vraiment son meilleur film) en échange de la production de Chasseur Blanc, Coeur Noir.

J’aime beaucoup l’interprétation de Clint Eastwood dans Chasseur Blanc, Coeur Noir. Il a étudié les manies, les tics, la façon de parler de John Huston pour façonner son John Wilson. Pour la voix, on ne peut bien sûr s’en rendre compte qu’en version originale mais le doubleur Jean-Claude Michel a fait un bon boulot pour différencier cette approche du rôle des autres personnages « eastwoodiens ». Wilson est un homme complexe : sympathique, drôle, il inspire le respect quand il défend son ami Pete Verrill (campé par Jeff Fahey), qui est juif, face à une raciste…mais le même Pete a aussi envie de l’étrangler (comme d’autres protagonistes du récit d’ailleurs) quand Wilson critique ses capacités en tant qu’écrivain ou met en danger le tournage du film à cause de sa chasse à l’éléphant qui tourne à l’obsession.

Avec son rythme particulier, Chasseur Blanc, Coeur Noir propose une troublante méditation, aussi bien sur la création (en parlant d’Hollywood, des incertitudes de l’artiste…) que sur la destruction, aspect représenté par la mégalomanie de John Wilson, un homme libre qui veut garder son indépendance dans un monde régi par les décideurs et les financiers (George Dzundza joue un pastiche du producteur Sam Spiegel) et qui se perd dans une quête incomprise par son entourage et qu’il a lui-même bien du mal à expliquer.

Si Chasseur Blanc, Coeur Noir n’est pas le plus connu des films réalisés par Clint Eastwood, il est pour moi l’un des plus intéressants. Bien accueillie par la critique à l’époque, sa sortie s’est soldée par un véritable flop au box-office (avec à peine 2 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, on peut même dire que quasiment personne ne l’a vu). Le public a de nouveau suivi Clint à partir de 1992 et le succès de son chef d’oeuvre Impitoyable.