MOBY DICK (John Huston)

Aventures
Long métrage américain
Réalisé par John Huston
Scénarisé par Ray Bradbury et John Huston, d’après l’oeuvre de Herman Melville
Avec Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Genn, Harry Andrews, Bernard Miles, Friedrich Von Ledebur, Orson Welles…
Année de production : 1956

Le Moby Dick d’Herman Melville fait partie de ces romans dont on connaît l’histoire sans l’avoir forcément lu (ce qui est toujours mon cas), tant les adaptations sur différents supports sont nombreuses…mais peut-être pas autant que les clins d’oeil/références à ce classique publié à l’origine en 1851. Au cinéma, Moby Dick a d’abord été adapté à deux reprises avec le même acteur dans le rôle du capitaine Achab, John Barrymore, en 1926 pour la version muette et en 1930 pour la parlante. D’après les informations disponibles, les scripts de The Sea Beast (Jim le Harponneur en V.F.) et Moby Dick ont pris beaucoup de liberté avec les écrits de Melville (Achab y serait plus héroïque, il a un frère et il retourne auprès de sa bien-aimée après avoir tué la baleine blanche).

John Huston a porté le projet Moby Dick pendant plusieurs années. Le réalisateur qui avait débuté sa carrière avec Le Faucon Maltais en 1941 envisageait même son père Walter (qu’il avait déjà dirigé dans Le Trésor de la Sierra Madre) dans le rôle d’Achab mais ce dernier est mort en 1950. L’étape de l’écriture du scénario fut compliquée. John Huston a engagé le romancier Ray Bradbury (Farenheit 451) pour transposer cette aventure sur grand écran. Bien qu’il n’avait de son propre aveu jamais réussi à lire Moby Dick jusqu’au bout, Bradbury s’est installé en Irlande pendant plus d’un an pour travailler sur le scénario avec John Huston, une expérience qui ne lui a pas laissé que des bons souvenirs car Huston n’était pas réputé pour être tendre avec ses scénaristes (voir par exemple l’excellent Chasseur Blanc, Coeur Noir de Clint Eastwood sur ce sujet). Bradbury en a tiré des récits fictionnalisés, des nouvelles ainsi qu’un très bon roman intitulé La Baleine de Dublin.

Il a fallu un peu de temps à John Huston pour trouver le financement et un studio pour distribuer son long métrage. Et pour que la Warner accepte, un nom bankable était nécessaire. Le rôle du capitaine Achab est revenu à Gregory Peck, qui n’était pas vraiment le premier choix de John Huston, notamment à cause de la différence d’âge entre l’acteur et le personnage. Peck avait en effet 38 ans alors qu’Achab était décrit comme un vieux loup de mer approchant de la soixantaine. Il était même plus jeune que celui qui a été choisi pour camper le marin Ishmael (Richard Basehart avait 40 ans au moment du tournage). Gregory Peck a souvent critiqué son interprétation dans les années qui ont suivi, déclarant notamment qu’il aurait du en faire plus, que son Achab n’était pas assez fou, pas assez porté par son obsession pour la baleine qui l’a laissé handicapé et défiguré.

Je trouve que Peck était un peu trop dur envers lui-même. Malgré quelques répliques déclamées avec un peu trop d’emphase (lui qui était habitué aux personnages plus mesurés), Gregory Peck dégage une présence forte, avec ce regard hanté qui scrute l’horizon à la recherche de la baleine qui ne quitte jamais ses pensées. La présentation d’Achab se fait de façon graduelle et judicieuse…dans un premier temps par sa silhouette qui s’éloigne au loin, par le bruit de sa jambe de bois qui arpente inlassablement le pont du Pequod la nuit et par le regard empreint de peur et de respect des marins avant de le voir pour la première fois lorsqu’il s’adresse enfin à son équipage.

La distribution principalement masculine (les seules femmes sont les villageoises au regard triste qui assistent au départ du Pequod) est composée de solides seconds couteaux, comme Leo Genn (qui exprime parfaitement les doutes de Starbuck, le second d’Achab), Harry Andrews, Bernard Miles ou encore John Robertson Justice en truculent Capitaine Boomer. Pour le polynésien Queequeg, John Huston voulait Woody Strode mais l’indisponibilité de l’acteur a fait qu’il a du se rabattre sur l’autrichien Friedrich Von Ledebur, à la taille impressionnante mais au teint pas vraiment adapté au natif d’une île des mers du Sud. Orson Welles apparaît également quelques minutes, en pasteur qui place la parabole de Jonas et la Baleine au coeur de son sermon, scène intense dans un décor marquant (la chaire en forme de proue de bateau).

Malgré quelques lenteurs, Moby Dick est un récit prenant qui mêle description de la vie des chasseurs de baleine et l’aspect quasi-mystique de la quête du capitaine Achab. L’aventure maritime monte en puissance jusqu’à un dernier acte palpitant, affrontement puissant entre les hommes et la force de la nature (avec des effets spéciaux loin d’être ridicules et qui tiennent encore bien la route) dans des éléments déchaînés. Un beau final pour un long métrage qui fut boudé à l’époque par la critique et les spectateurs…

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L’affiche de la ressortie dans la deuxième moitié des années 70 (après Les Dents de la Mer comme le souligne l’accroche) :