Très chouette premier tome. J’ai peut-être été moins emballé que par Ira Dei ou La République du crâne, mais mon chipotage tient surtout à des choix narratifs, des petits détails techniques, plus qu’au sujet ou à son traitement.
Le sujet est simple : Karlis, excellent soldat par ailleurs, découvre que la guerre, ce n’est pas la gloire et l’honneur qu’il espérait. Il quitte donc les hussards, déserte, et fait une étrange rencontre, celle de Sachko, un Cosaque, et de Zahra, une Tatare qui l’accompagne. Accueilli parmi les Cosaques, il trouve un endroit où mettre à profit son expérience tout en se reposant, mais bien sûr, la guerre va le rattraper. En la personne de son mentor, qui trouve là une occasion de ne pas exécuter les ordres polonais qu’il juge ineptes.
La lecture de l’album résonne bien sûr d’une tonalité étrange en ce moment. L’action se passe sur les terres ukrainiennes, non loin de Kiev, le héros est lituanien, il est poursuivi par les hussards polonais et la traque conduit le petit groupe d’alliés en Moldavie, à l’époque inféodé à l’empire ottoman. Fatalement, ces temps-ci, ça éveille d’autres images. On retrouve les personnages intelligents, stratèges et un peu retors que l’on connaît dans les récits du tandem, et l’action est au rendez-vous. Cependant, au final, il ne se passe pas tant de choses que ça (une première poursuite, un long moment de répit, une deuxième poursuite, un retournement de situation), ce qui d’ailleurs se matérialise par des relations qui n’évoluent guère. Les liens entre Karlis et les deux frères ne sont qu’ébauchés, l’amitié entre l’ancien hussard et le Cosaque est posée dès le début et ne varie pas, les relations avec Zahra restent au stade initial, celle-ci ne quittant pas son rôle d’observateur. Ce premier tome est une mise en place, qui a le bon goût de boucler l’intrigue immédiate, au détriment sans doute de fils narratifs secondaires qui auraient pu être davantage poussés.
Mais la lecture est très agréable, fluide, entraînante. C’est une excellente mise en bouche. Après, s’il faut aller chipoter (quand on a aimé, on cherche souvent le petit truc qui aurait conduit à la perfection), je trouve que les personnages ont tous des sourires carnassiers et surtout, j’ai été gêné par quelques emplacements de bulles qui ne facilitent pas la lecture, notamment des bulles débordant d’une case à l’autre ou en bord de vignette. De même, Zahra dispose de récitatifs très travaillés qui servent de commentaires et ponctuent agréablement l’intrigue, mais il y a des bulles de propos rapportés qui m’ont semblé particulièrement confus. Notamment, des bulles off avec la flèche à l’intérieur de l’ovale, astuce empruntée à certains mangas, et que je trouve particulièrement casse-gueule, notamment quand ça alterne avec des dialogues directs. Il aurait mieux valu mettre un rectangle blanc afin de mieux distinguer les deux registres de narration.
Ces petits bémols à part, ce premier tome est assez prometteur, et me verra revenir pour la suite, en espérant que les relations entre les personnages conduisent à des tensions et des retournements comme on en observe dans les autres productions du tandem.
Jim