DERNIÈRES LECTURES COMICS

Reprenons le cours chronologique de la lecture de Justice League of America d’Englehart, avec l’épisode 143, qui a plusieurs particularités.

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La première consiste à disposer d’une couverture frappante, au sens propre comme au sens figuré, puisqu’on y voit Wonder Woman foutre un ramponneau carabiné à Superman sous les yeux de leurs équipiers. L’illustration répond à une double logique : d’abord avoir une image accrocheuse et intriguante (reprise peu ou prou en première page) sur laquelle se tricote un récit, selon la méthode de Julius Schwartz, puis porter les dissensions au sein du groupe, qui bouillaient discrètement dans les épisodes précédents, à leur culmination. Ainsi, on sent que le scénariste arrive avec, dans ses bagages, une méthode plus marvélienne, consistant à montrer des héros tourmentés qui expriment leurs désaccords. Une autre particularité réside dans le fait que l’aventure qu’il présente marque un aboutissement, au moins partiel, à ses intrigues en cours.

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Tout commence alors que Superman, profitant d’un inattendu moment de calme, s’adresse à Wonder Woman afin d’avoir le fin mot sur ce qui la tracasse. Englehart n’y va pas par quatre chemins. L’héroïne réitère ses explications (déjà donnée à Flash dans l’épisode 141), précisant qu’elle estime avoir fait ses preuves lors de la saga des « Douze travaux », et qu’il est temps que les équipiers cessent de s’inquiéter pour elle.

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Le scénariste s’arrange cependant pour que le ton monte rapidement, au point que Wonder Woman décide de quitter l’équipe. Les autres héros en font immédiatement le reproche à Superman, et chacun déballe son sac. En quelques courtes planches, Green Arrow quitte également la formation, suivi par Black Canary, et d’autres héros leur emboîtent le pas, laissant seuls Superman et Batman. Et même ce tandem pourtant uni parvient à s’engueuler.

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Téléportée sur Terre, Wonder Woman croise le chemin de Scarecrow et Poison Ivy, deux ennemis de Batman. Elle se lance dans l’action et tombe sur un troisième personnage, qu’elle prend pour un complice. Il s’agit d’un nouveau justicier surnommé le Privateer, mais qui utilise un bâton à rayon provenant de l’arsenal des Manhunters : elle reconnaît donc son adversaire du moment, Mark Shaw, le Manhunter renégat qui a décidé d’utiliser ses talents au service de la justice. À son insu, Wonder Woman vient par inadvertance de ruiner sa première affaire, puisque les deux super-vilains sont parvenus à s’enfuir avec leur butin.

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À ce moment du récit, Englehart consacre une planche au tandem de criminels, qui ont l’idée de se réfugier sur le satellite de l’Injustice Gang fondé par Libra. Les personnages semblent d’abord en proie au doute, puis saisi d’une conviction d’airain, comme s’ils étaient possédés. Dick Dillin dessine même un gros plan sur le visage de Poison Ivy, dont les yeux sont représentés sous la forme d’une pupille dilatée entourée de rayons, comme un soleil brûlant. Un petit indice sur les développements à venir.

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Le scénariste utilise ici un stratagème rusé qui permet de faire venir progressivement une révélation. En effet, revenant à Wonder Woman, il met en scène un échange houleux avec le Privateer, laissant l’Amazone en proie à des sentiments partagés et à une vive incertitude quant à la marche à suivre. Et alors qu’elle a du mal à comprendre ses propres réactions, Dillin consacre une nouvelle vignette à un gros plan de l’héroïne, dont les yeux affichent les mêmes étranges pupilles que celles de Poison Ivy.

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Aussitôt, le scénariste nous décrit une Diana possédée, qui se rend à la même cachette secrète que nous avons découverte en suivant les deux vilains. Bientôt téléportée dans le satellite de l’Injustice Gang, Wonder Woman, sous le joug mental d’un maître encore non identifié, rejoint les deux méchants. C’est là qu’apparaît celui qui les contrôle.

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Il s’agit d’une nouvelle itération du Construct. Dès la première planche, il explique qu’il s’est reformé au milieu des ondes électroniques, premier esprit électronique immortel. Devenu Construct II, il entretient une haine farouche à l’égard de la Ligue, et projette d’assembler tous les membres de l’Injustice Gang afin de frapper un grand coup, en profitant des connaissances de Wonder Woman.

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Le Construct, personnage qui est apparu par la suite à plusieurs reprises (j’ai un vague souvenir de son apparition dans les JLA de Busiek et Garney, pour ma part), me semble un personnage d’une grande modernité pour l’époque. Certes, les comic books de super-héros ont déjà proposé des êtres robotiques (Red Tornado, Vision…) et des intelligences artificielles (Ultron, Quasimodo…), familiarisant les lecteurs à cette idée. Mais ici, on a une intelligence artificielle désincarnée, sans corps ni contenant, projetant une image de son visage à ses interlocuteurs, et utilisant le mot « matrix » (ici dans le sens quasi biologique du terme, certes). Il me semble que, dans les limites du domaine des justiciers costumés, c’est un peu une nouveauté. Cette approche sera popularisée dans le genre littéraire cyberpunk, dont l’une des premières traces est Fragment de rose en hologramme, nouvelle de William Gibson qui paraît en… 1977, justement. Mais du coup, le Construct d’Englehart me semble assez novateur, chez les super-héros, mais aussi dans l’absolu.

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Bref.
Donc voilà notre ennemi artificiel de retour après sa défaite dans l’épisode précédent. La suite de l’épisode se déroule de manière classique : les ennemis des différents héros répondent à l’appel du Construct, ce qui occasionne quelques bastons, tandis que Wonder Woman quitte le satellite du Gang et se téléporte sur celui de la Ligue, où elle rencontre Superman pour la fameuse empoignade promise par la couverture.

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À l’issue du combat, Wonder Woman parvient à capturer son adversaire qui convoque le reste de l’équipe. Mais un indice dans le message met la puce à l’oreille des Justiciers, qui se précipitent vers le satellite du Gang.

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Privé de support lui permettant d’agir sur le monde réel (d’interface, dirions-nous aujourd’hui), le Construct perd le contrôle mental qu’il exerce sur ses proies. Les membres du Gang semblent sortir de leur torpeur et, interrogé par le Justiciers, sont incapables de dire quel était ce « maître ». Quant à Wonder Woman, elle se serre contre Superman, et l’équipe semble avoir retrouvé son unité.

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À côté de la dernière case, un petit texte annonce le sujet de l’épisode suivant, qui semble se pencher sur les origines du groupe. Quel secret de la continuité Steve Englehart va-t-il nous révéler ?

Jim

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