DERNIÈRES LECTURES COMICS

Ce qui va tout à fait dans le sens de mon analyse.
En fait surtout dans le sens de celle d’Adifulu Nama. :wink:
Merci Fred.

Rattrapage de pile en retard de mon côté avec le numéro de** Marvel Classic** sorti en janvier dernier par Panini, et présentant la mini-série Mephisto vs… d’Al Milgrom et John Buscema (4 numéros originellement parus entre avril et juillet 87), précédée du #3 du* Silver Surfer* (décembre 1968) de Lee et (déjà / encore / aussi) Buscema en guise de prologue. Les deux ont en effet en commun, outre leur dessinateur, le fait de présenter sa très diabolique majesté infernale Méphisto occupé à s’emparer, ou à tenter de s’emparer, de l’âme de différents héros de l’univers Marvel.

Disons-le tout de suite en ce qui concerne le titre le plus ancien de ce recueil, le Surfeur geignard de Stan Lee et sa philosophie à deux balles ont, de façon générale, très vite tendance à me donner envie de lui fracasser sa planche sur le crâne. Les deux protagonistes de notre drame simili-liturgique (j’aurais volontiers traduit ça par « La Tentation du Surfeur d’Argent », tiens, je dis ça je dis rien :mrgreen: ) passent par ailleurs leur temps à changer de plan et d’avis toutes les deux planches, ce qui se révèle vite un chouïa pénible. Le Surfeur veut aider une jeune femme, puis, comme on est pas gentil avec lui, il cherche à détruire le monde ; Méphisto s’en offusque car il ne veut pas qu’on lui coupe comme ça sa source d’âmes corrompues, puis convoite l’âme du Surfeur qui est si pure (euhhh… je répète, le gars vient de chercher à détruire le monde), lui annonce qu’il veut s’emparer de lui et l’anéantir et seulement après essaie de le tenter… ce qui marche nettement moins bien dans cet ordre, à mon avis !

Mais si indigent que soit le scénario de Stan the Man, cela n’empêche en rien ce numéro d’être un MUST READ absolu pour tout amateur de [size=60]vieilleries [/size]comics un peu anciens. Hein que quoi comment ? La réponse est très simple : le travail de Buscema transcende littéralement ce matériau et nous offre un pur et grandiose festin graphique. Pour ce qui est en fait la toute première apparition de Méphisto chez Marvel, « Big John » orchestre un crescendo visuel avec des compositions de plus en plus larges et aux effets de plus en plus marqués jusqu’à la révélation en pleine page de Sa Satanique Majesté sur son trône, nous dominant de toute sa rougeoyante maléficience (oui j’invente des mots) et de toute la force d’une impressionnante contre-plongée. L’effet est garanti, et Buscema va à partir de là s’appliquer à faire de chaque case mettant en scène Méphisto, dans la trentaine de pages suivantes, l’équivalent visuel d’une cover de Wagner par un groupe de hard rock. Ou en tout cas c’est la première comparaison qui m’est venue à l’esprit en découvrant ça. Notez que vous n’êtes pas obligé de me croire et que vous pouvez allez y voir par vous-même pas plus tard que tout de suite, ce numéro du Silver Surfer ayant été scanné et mis en ligne sur le blog Mars Will Send No More.

Vingt ans après (ou presque), Méphisto a appris la subtilité – ou alors c’est juste qu’Al Milgrom est un meilleur scénariste que Stan Lee (mais je m’en voudrais de présenter ça autrement que comme une hypothèse, hein…). La mini Mephisto vs. [size=60]the World[/size] [size=85](celle-là il fallait bien que je la fasse à un moment ou à un autre)[/size] va successivement le mettre aux prises avec les 4 Fantastiques, les X-Men et les Avengers. Orchestrant une série d’hallucinations qui créent un certain malaise pour les habitants du Baxter Building qu’il s’applique à faire tomber – littéralement – dans son escarcelle, le prince des enfers va ensuite passer son temps à troquer une âme captive pour une autre, dans un plan dont la finalité ne sera révélée qu’en dernière instance. Il est sans doute un peu trop patent à plusieurs moments que Milgrom invente à la volée (voire après coup) les règles du jeu pour justifier, de façon artificielle, ses différents rebondissements, mais on ne s’ennuie guère et le final s’avère surprenant, bien amené, et assez réjouissant (insérez ici un rire diabolique :smiling_imp: ). Une part de satire n’est par ailleurs peut-être pas à exclure, avec Méphisto explicitement décrit comme un « collectionneur », spéculant sur la valeur des âmes pour en acquérir une plus intéressante en « revendant » la précédente, et qu’on voit même mettre Thor sous emballage plastique protecteur !

Côté dessin, John Buscema s’est un peu assagi – ou alors c’est juste qu’il ménage ses effets sur une histoire plus longue --, mais il sait montrer qu’il en a encore sous le capot au cas où quelqu’un en douterait (indice : non :mrgreen: ) [size=85](rappelons pour le contexte qu’à cette date le bonhomme dessine les *Avengers *sans interruption depuis une décennie, et les 4 Fantastiques et Conan depuis une demi-douzaine d’années !)[/size]. J’ai trouvé les scènes infernales particulièrement réussies, mais il « fait le job » sans faiblesse pour les scènes à la surface aussi. :wink:

Au final je ne peux que vous inciter à rechercher ce petit recueil si vous étiez passé à côté (une bonne librairie l’aura peut-être encore en stock…), aussi bien pour le numéro de Silver Surfer au scénar’ naïf mais magnifié par sa mise en images baroque et opératique, que pour la mini-série Mephisto vs… au récit plus surprenant et au dessin plus classique mais toujours efficace.

Post-scriptum : les associations d’idées dans l’abstrait c’est bien beau, mais je suis quand même allé voir sur Youtube si par hasard ça n’existait pas vraiment, les reprises de Wagner en hard rock. Après vérification : oui, ça existe ; et non, ça ne devrait pas être autorisé à exister. Mais que ça ne vous empêche pas d’aller lire ces titres.

[size=85]Chaque titre d’épisode peut s’abréger en O.M.A.C.[/size]

…. [size=150]O[/size]MAC autrement dit, One Man Army Corps (ou Organisme Métamorphosé en Armée Condensée) est une idée que Jack Kirby (dit Le King) a eu du temps où il travaillait encore pour l’éditeur étasunien Marvel : une sorte de Captain America du futur, mâtiné d’un autre concept du King, un peu plus ancien : Tiger 21 (alias Starman Zero).
Tiger 21 aurait dû raconter l’histoire d’un astronaute transformé en androïde pour survivre aux longs voyages intersidéraux, mais ce concept de 1948 n’a pas trouvé acquéreur sur le marché des comic strips auquel il était destiné.

OMAC sera finalement publiée dans sa série éponyme, en 1974, alors que Jack travaillait pour l’éditeur DC Comics ; il y est resté de 1970 à 1975 avant de retourner chez Marvel.
• Et pour la petite histoire, Jack avait dans l’idée de rattacher ce personnage à son autre héros du futur Kamandi, en faisant de l’alter ego d’OMAC le grand-père de ce dernier.

Mais à l’époque le marché de la BD étasunien n’est pas très florissant, de graves dysfonctionnements, pas très éloignés de ce qu’on pourrait appeler une escroquerie sont alors à l’œuvre (Pour en savoir +) et DC Comics rencontre de sérieuses difficultés de distribution, et paye le prix (c’est le cas de le dire) d’une mauvais politique tarifaire face à son concurrent principal : Marvel Comics.
En outre Jack Kirby ne fait plus (autant) recette, ses séries : « **Le Quatrième Monde **», Kamandi, The Demon et OMAC s’arrêtent au fur et à mesure ; et son génie créatif – dopé contractuellement (60 pages/mois) - qui l’autorise à créer encore et encore, ne rencontre pas suffisamment son public malgré le soutient de Carmine Infantino (alors *editor in chief *de la Distinguée Concurrence).

…. **[size=150]2[/size]**011. Les scénaristes Dan Didio & Keith Giffen, sous l’égide du New 52, le nom donné à la reconfiguration de l’univers partagé de DC Comics de l’époque (nous sommes aujourd’hui sous les auspices d’une nouvelle configuration dite Rebirth), lancent un nouveau mensuel intitulé OMAC (One Machine Attack Construct) qui durera, comme celui de Kirby, 8 numéros.

C’est accessoirement un aspect assez simple, qui m’a donné envie dans un premier temps, de m’intéresser à cette nouvelle série.

En effet, la crête qu’arbore le personnage principal, et plus précisément l’effet que lui donne l’équipe artistique, a eu un effet d’attraction très puissant sur moi.
Cet attrait purement visuel est d’ailleurs un aspect assez révélateur du contenu, puisque le scénario de ces huit numéros fait la part belle à l’image, et privilégie l’aspect visuel.
Hommage direct au King, OMAC enchaîne les affrontements, que l’équipe artistique rend extrêmement spectaculaires : lettrage soigné et différencié, phylactères, onomatopée, « kirby kracles », couleurs, rien n’est laissé au hasard ; et c’est à un véritable spectacle pyrotechnique, à un feu d’artifice de puissance et d’énergie, qu’on nous propose d’assister.

Si le scénario est d’une linéarité à toute épreuve, il n’engendre cependant pas l’ennui grâce à des dialogues décalés et souvent drôles.
Les personnages – dont l’aspect caricatural n’est pas gommé - ne sont pas en reste, et s’intègre avec beaucoup d’élégance dans cette série très « premier degrés ».

Tout est d’ailleurs prétexte à l’amusement, que ce soit les titres de chaque numéro, les notes de l’editor, ou encore les crédits rédigés dans la grande tradition de Stan Lee & du Bullpen.
Une série très « premier degrés » disais-je mais où les clins d’œil ne sont pas absents.
Comment pourrait-il en être autrement avec un tel personnage :

[size=85]Notez le « eye » qui remplace le « I ». -_ô][/size]

La nouvelle série OMAC évoque autant le talent que Jack Kirby mettait dans ses créations technologiques les plus folles (et il y en a eu), qu’une autre de ses inventions à la puissance tout aussi destructrice et incontrôlable qu’OMAC : j’ai nommé Hulk.

…. **[size=150]E[/size]**n définitive OMAC laisse une très agréable impression, et la brièveté de son «existence» en fait rétrospectivement l’une des forces principales.
8 numéros, c’est largement suffisant pour réjouir les rétines et semer la zizanie chez nos zygomatiques. Mais pas assez pour lasser les amateurs.

C’est malin, tu m’as donné envie de m’y intéresser, alors que je voulais me contenter de l’« ancien » OMAC… Je ne sais pas si je dois t’en remercier, du coup ! ~___^
L’as-tu lu en VF ?
Je me demande si la traduction est aussi savoureuse que les extraits que tu montres en anglais.

Tori.
PS : Ton article en lien est très intéressant également, même si je n’en ai pas tout compris.

Non en V.O.

Merci.

…. **[size=150]D[/size]**reamwar, crossover au titre programmatique, organise la rencontre de deux univers : celui de DC Comics au travers de ses créations les plus connues : La Justice League, la Légion des Super-héros, la JSA, et celui de WildStorm la maison d’édition de Jim Lee, rachetée par DC Comics en 1999.
Si les personnages de WildStorm sont peut-être un peu moins connus (je pense par exemple à Welcome to Tranquility qui raconte les aventures de super-héros retraités), Keith Giffen le scénariste des 6 numéros regroupés et publiés dans l’Hexagone à l’initiative de Panini : Traduction d’Alex Nikolavitch et lettrage d’Alessandro Benedetti, à l’heureuse idée de regrouper les personnages en fonction de leurs similitudes.
Ceux de Welcome to Tranquillity font donc la connaissance de la Justice Society of America grâce à leur point commun : l’accès à la « carte vermeil » des super-héros.

En effet, la particularité des personnages inventés au sein d’Image Comics – le label qui regroupait les maisons d’édition fondées par des dessinateurs, « dissidents » si j’ose dire, de Marvel Comics : Rob Liefeld, Erik Larsen, Jim Valentino, Todd McFarlane, Marc Silvestri et donc, Jim Lee, est qu’ils étaient souvent des copies de ceux qu’on pouvait trouver chez la Distinguée Concurrence ou largement inspirés de ceux de la Maison des idées. Du moins les séries les plus populaires des Big Two.

Ce qui en soi n’est jamais que la continuation de ce qui se fait depuis les années 1930 ; la bande dessinée de super-héros est un immense miroir aux silhouettes dont les premiers reflets datent si je puis dire, de 1939, avec l’invention du Wonder Man de Will Eisner.
Mais ceci est une autre histoire.

Cela dit l’opposition/confrontation – poncif de tout bon crossover – des deux univers se situe aussi au niveau « idéologique ».

… Généralement les personnages publiés par DC Comics rechignent à tuer, alors que ceux de WildStorm ne s’embarrassent guère de ce détail.
Quand Image Comics est née (1992), l’atmosphère était assez largement au *grim and gritty *dont l’expression la plus significative se traduisait par des « héros » très durs à cuire et tout aussi désinhibés.
Ceci dit d’une manière générale ; on trouvera certainement des exceptions de part et d’autre.

La série, plutôt chouettement dessinée par Lee Garbett - c’est efficace et très dynamique - repose sur une idée de Keith Giffen, c’est du moins comme ça que je l’ai comprise, qui n’apparaît complètement qu’à la toute fin du run.
Même si quelques indices apparaissent au fur et à mesure.

Si j’ai trouvé cette idée* assez gonflée (dans tous les sens du terme), et plutôt amusante, Keith Giffen semble (justement) tirer à la ligne (là encore rétrospectivement, cela s’explique), et ça se voit.
Et ce remplissage, non dénué d’intérêt néanmoins - comme je l’ai dit Garbett est un dessinateur plutôt efficace, et les dialogues sont made in Giffen - pourrait toutefois amoindrir le plaisir qu’on devrait pouvoir prendre à la lecture de Dreamwar.

À condition d’aimer rire du fanboy (pur et dur) qui sommeille (peut-être) en nous tous ; et que le contenu de mon commentaire ne soit pas le seul fruit de mon imagination (de fanboy).


… **[size=150]J[/size]**e ne sais pas s’il s’agit de « l’une des plus grandes rencontres de tous les temps », mais au pays des super-héros les superlatifs sont souvent de rigueur, en tout cas l’exploration de la nature profonde de l’héroïsme y est possible.

En plus d’être une lecture distrayante.


  • L’idée dont je parle ne fait pas l’économie d’éléments adjacents tout aussi intéressants, que Giffen n’éludent d’ailleurs pas, et qui étoffent intelligemment l’idée générale en fournissant matière à réflexion (toutes choses égales par ailleurs).

« DREAMWAR : SUS AU FANBOY ! », ça c’est du titre. Félicitations ! :smiley:

et à traduire, c’était assez plaisant, ça permettait de jouer sur des voix assez différentes.

…. [size=150]A[/size]l Ewing semble être un scénariste soucieux de l’histoire de la Maison des Idées et de son cheptel, et l’équipe des Mighty Avengers semble en être un nouveau signe.

En effet, la création dudit groupe repose sur des fondations bien connues des lecteurs de la Marvel : une menace hors-norme (créée pour le coup au début des années 1970) pousse plusieurs super-héros à joindre leur force pour en venir à bout et, chemin faisant, découvre que l’union fait la force et décide alors de fonder un nouveaux groupe : les Mighty Avengers.
Après quatorze numéros, le scénariste prouvera qu’il a de la suite dans les idées en concluant son run sur le même principe, décliné cette fois d’une manière plutôt originale.
Mais n’anticipons pas.

…. C’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire, et celle formulée par Luke Cage d’être une équipe avant tout dévouée à l’homme du commun si je puis dire, restera lettre morte ; et les Mighty Avengers feront comme le reste des équipes de l’univers Marvel.
Je ne crois pas d’ailleurs que l’installation d’un standard pour recevoir les appels ait finalement vu le jour. En tout cas on n’en entendra plus parler.

Or donc, comme c’est souvent le cas dans le monde des super-héros, ces derniers seront en grande partie à l’origine des problèmes qu’ils devront résoudre :

…… • Opposition d’ego au sujet du leadership de l’équipe
…… • Vengeance personnelle
…… • « Dispute » familiale

Reste sur la totalité des 14 numéros une menace qu’ils n’auront pas eux-mêmes créée. En dehors de celle qui les réunit.

Je me demande d’ailleurs si l’idée du super-héros, défenseur de la veuve et de l’orphelin n’est pas un vestige d’un très lointain passé ou plus simplement, une vue de l’esprit qui n’a aucun réel fondement ?

Cela dit je n’ai pas de problème avec l’idée de personnages qui finalement sont à l’origine des problèmes qu’ils affrontent.
On sait souvent ce qu’on fait, mais rarement ce que fait ce qu’on a fait.

En outre Al Ewing est un scénariste plein d’idées, qui n’hésite jamais à les partager ; et c’est un aspect très captivant.

D’autre part il n’hésite pas non plus (choix ou nécessité ?) à employer des seconds couteaux (voire des troisièmes couteaux) qui deviennent grâce à son talent des personnages qui arrivent à occuper une place de choix dans mon cœur de lecteur.
Je pense en particulier à Adam Brashear alias Blue Marvel, et à Ava Ayala aka White Tiger, dont malheureusement le potentiel ne sera pas beaucoup exploité.

C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques des Mighty Avengers selon Ewing, la plupart des joutes agonistiques – internes ou externes aux personnages – productrices de récit sont assez vite expédiées.
Bien trop vite à mon goût.
En outre il y a peu (ou pas) d’intrigues menées de front, Al Ewing est pour le coup, plutôt adepte de la scansion que du scénario modulaire.

L’impression générale qui me reste de ces quatorze numéros est qu’ils sont très en deçà du potentiel que j’ai cru y voir.
La « responsabilité » si je puis dire, n’est du seul fait du scénariste, elle en revient aussi à l’équipe artistique.

[size=85]Greg Land dans ses œuvres[/size]

…. En effet sans avoir vu les scénarios d’Ewing, il me semble difficile quelque soit son talent et la précision de ses scripts, de réussir à donner de la densité à son run avec un dessinateur comme Greg Land par exemple, qui dessine des planches de 4 ou 5 cases maximum dont une majorité de gros plans sur des visages en utilisant le format panoramique de façon très répétitive.
Surtout que ces cases 16/9ème n’offrent que très peu d’information.
Il s’agit souvent d’un gros plan, voire de deux personnages face à face, et plein de vide autour.
Ce qui rend assez difficile de mener plusieurs intrigues de front sur la même planche par exemple.

Valerio Schiti propose des planches avec toujours aussi peu de cases mais son découpage moins routinier fait (un peu) illusion, malheureusement c’est le moment où Ewing décide de sacrifier à une longue exposition (le #006) à base de dialogues.
Salvador Larocca, que j’ai connu un peu plus inspiré, ne relève malheureusement pas non plus le niveau lors de sa prestation.
Circonstance aggravante si je peux me permettre, le travail des coloristes, Frank D’Armata en tête, n’est pas du tout à mon goût.

Si j’ai l’air de « conspuer » le versant artistique, je n’oublie pas pour autant la possible ingérence de l’éditorial.

…. Cela dit, ces quatorze numéros ne sont pas dénués d’intérêt.

J’aime beaucoup les personnages d’une manière génèrale, ils offrent des possibilités de développement et d’interactions qui peuvent se révéler très « rentables » sur le plan narratif. Et les résultats, même en dessous de mes attentes, sont déjà appréciables ici.
La floraison d’idées est aussi très encourageante, reste plus qu’à ficeler ça de manière à rendre cette profusion plus captivante (ou plus à mon goût).
L’humour qui sous-tend l’ensemble du run est aussi très agréable (dont l’allusion à Ayn Rand).

Bref, il ne reste plus qu’à espérer une équipe artistique plus conforme à ce que j’attends d’elle, et un Al Ewing plus téméraire (et moins linéaire) pour la suite qui s’intitule – mais vous le savez déjà - Captain America et les Mighty Avengers.

À suivre donc !

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…. **[size=150]S[/size]**cénariste très précoce (et tout aussi précocement talentueux), Garth Ennis commence sa carrière à l’âge de 19 ans, et après un passage par l’hebdomadaire anglais 2000AD, se retrouve à écrire la série Hellblazer pour l’un des Big Two de l’édition de BD étasunienne.
C’est aussi pour DC Comics qu’il scénarise en 1997 la mini-série Unknown Soldier qui paraît alors sous le label Vertigo.
Ennis n’a jamais caché son intérêt pour les récits de guerre, il est d’ailleurs l’un des rares à en produire encore aujourd’hui pour le marché américain.

Le Soldat Inconnu, c’est l’histoire - contemporaine de sa publication - d’un jeune agent de la C.I.A. qui se voit mystérieusement dirigé sur la piste d’un « soldat inconnu » justement, personnage dont il fera d’abord la connaissance via les récits d’anciens combattants de certains des conflits majeurs qui ont ensanglanté le XXème siècle.


[size=85]Lettrage de Graphic Hainaut[/size]

J’ai lu cette histoire – qui est l’une de mes favorites de ce scénariste - grâce à la traduction de Xavier Hanart pour le compte des éditions Le Téméraire au moment de sa sortie dans l’Hexagone, en 1998.
Et si on m’avait demandé de la définir succinctement j’aurais dit encore il y a peu, qu’elle appartenait aux histoires de guerre qu’affectionne Ennis.

…. Or, après l’avoir relu – avec toujours autant de plaisir – je dirais maintenant que c’est une histoire fantastique.

En effet dès le récit du premier « témoin » qu’entend l’agent Clyde, il apparaît que l’homme connu sous le nom de code de Soldat Inconnu vit un apax existentiel, c’est-à-dire un événement qui ne se présente qu’une seule fois et qui conditionne le reste d’une existence.
Et à partir de ce moment précis, la mini-série bascule dans le domaine du fantastique, entendu ici comme l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit.

Le surnaturel dont il est question ici est l’apparition d’un mème.

Dans son acception la plus radicale (ou la + fantastique), le mème désigne une idée considérée comme autonome, et qui se sert des humains pour se reproduire à la manière d’un virus (biologique ou informatique) ; et de mon point de vue le Soldat Inconnu – tel que décrit par ceux qui l’ont rencontré – devient littéralement une idée. Un mème qui fait tout pour survivre …………. mais je vous laisse découvrir par vous-même si ce n’est déjà fait ce qui se déroule dans cette excellente série, magnifiquement dessinée par Kilian Plunkett et tout aussi joliment mise en couleur par James Sinclair.

Voilà pour moi, haut la main, le meilleur travail de Garth Ennis, et pourtant dieu sait que je suis très très friand du reste de son corpus.
Mais avec cette histoire écrite et dialoguée de main de maître, Ennis touche à la perfection. Son intérêt pour l’histoire militaire du XXème siècle est évidemment pour beaucoup dans cette réussite majeure (le sujet l’inspire), mais l’humeur très particulière, crépusculaire qu’il confère au récit révèle aussi un autre pan de ses aptitudes, à savoir une façon particulièrement prégnante de livrer des récits « poignants » (comme il sait le faire avec « Hellblazer » ou « Preacher »). Il se dégage de l’histoire d’Ennis une sorte de tristesse insondable…

Je tomberais d’accord avec toi pour ne pas classer trop hâtivement ce travail dans la catégorie des récits de guerre dont il s’est fait un spécialiste (peu intéressé qu’il est par les super-héros). Le récit obéit à d’autres codes, quelque part entre le thriller parano des années 70 et le récit éclaté/puzzle-type propre au film noir ou à un Orson Welles (cf. la structure en flashes-back, où l’enquête policière est le moteur de la chronologie éclatée du récit, comme dans « Les Tueurs » de Robert Siodmak).
Il supporte très bien un grand nombre d’interprétations, et j’adhère sans problèmes à la piste « mémétique » par exemple. La piste surnaturelle que tu évoques dans le même temps, elle m’avait frappé également dès les premières lectures : le scénario reste dans les clous du récit « naturaliste », mais offre des brèches où une interprétation moins « rationnelle » des faits est possible.
Le récit est de toute manière si riche qu’il se plie facilement à d’autres descriptions tout aussi valables ; on peut ainsi voir dans l’odyssée du jeune agent de la CIA un exemple-type de « contre-initiation », pour reprendre la terminologie de René Guénon (un récit où les codes, les rites et les énigmes d’une tradition ésotérique sont utilisés pour tromper et détourner un initié, pour lui faire faire l’exact opposé de ce que préconisait les préceptes de la tradition en question). Le Soldat Inconnu, cette ombre qui plane sur tout le récit en ne s’incarnant que très peu de temps (tel Harry Lime dans « Le Troisième Homme » de Carol Reed et Graham Greene), serait alors un agent de la contre-initiation, ce que l’essayiste Pacôme Thiellement appelle un « Khezr du Mal », du nom d’une figure ésotérique du Coran, un peu comme le personnage incarné par John Huston dans le « Chinatown » de Roman Polanski, ou le personnage d’Orson Welles dans son « Mr. Arkadin ». L’histoire de Garth Ennis va beaucoup plus loin que la « simple » question sur la fin et les moyens, ça va plus loin que ça : c’est une réflexion passionnante sur la nature du « Mal ».

Je prête ici beaucoup au scénariste, mais il faut impérativement préciser qu’il est parfaitement épaulé par un excellent Killian Plunkett, dont je ne connais pas le travail par ailleurs mais qui est ici épatant.
Ennis est très très fort en règle générale, mais je crois qu’il n’a jamais fait mieux que ce « Unknown Soldier » de très haute volée, que j’avais découvert (et qui m’avait traumatisé, dans le bon sens du terme) à sa sortie en 98, et que je relis à intervalles réguliers depuis.
Merci pour ton post qui me rappelle qu’il est tant de procéder à une nouvelle relecture…

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Pour moi aussi c est le meilleur travail d Ennis et je suis pourtant un ultra de preacher et Hellblazer…

Et moi tout autant à ton interprétation.
Très intéressant, merci !

…. J’ai « rencontré » Adam Brashear alias The Blue Marvel grâce aux premiers numéros de la nouvelle série Marvel intitulée Ultimates, et je l’ai rapidement retrouvé dans les pages de la série Mighty Avengers elle aussi écrite par Al Ewing, toujours chez le même éditeur.

D’ordinaire je ne suis pas un lecteur qui s’intéresse particulièrement à tel ou tel personnage, mais plutôt qui lit en fonction de qui scénarise telle ou telle série.
Plus rarement qui la dessine, et encore plus rarement à cause du coloriste (un seul cas de recensé jusqu’à maintenant -_ô]).
Sans que je puisse définir précisément ce qui m’a attiré chez lui, ce personnage a eu suffisamment de charisme – disons-le ainsi - pour que j’aille rechercher la mini-série qui lui a été consacrée entre 2008 et 2009 (date de couverture du premier numéro janvier 2009) et qui signe par la même occasion sa première apparition.

… Ecrite par Kevin Grevioux, Adam Legend of the Blue Marvel, repose sur une prémisse assez difficile à avaler.
En effet comment croire qu’un personnage de l’envergure de Superman puisse disparaître des mémoires alors qu’il protégeait la veuve et l’orphelin dans les années 1960, qu’il était adulé avant de devenir l’objet de la peur des uns et du ressentiment des autres ?
Kevin Grevioux n’est pas un scénariste débutant, et je ne crois pas qu’on puisse mettre cette entrée en matière plutôt maladroite, sur le compte de l’amateurisme ou sur duplication d’un effet à la « **Sentry **», personnage dont l’introduction dans l’univers de la Maison des Idées participait d’un canular.

Non, je crois pour ma part que ce parti pris est une métaphore de la condition de « l’homme Noir » à la Ralph Ellison si je puis dire, autrement dit celle d’un « homme invisible » ou qui le devient dans le cas d’espèce.
Tout le premier numéro, le seul que j’ai lu pour l’instant - ce qui fragilise un peu mon hypothèse – conduit à cette interprétation.

Tant qu’on ne sait pas qu’il est un afro-américain, Blue Marvel est un super-héros adulé par la population, mais à partir du moment où il ne fait aucun doute que ce n’est pas un Blanc qui se cache sous le casque, le vent tourne et la peur s’installe.
Kevin Grevioux disait dans la seule intervention que j’ai lue à propos de cette série que l’idée était de dépeindre au travers de ce personnage ce que vivaient par exemple les stars Noirs du football U.S. durant les années 1960.
Adulés pour leurs prouesses athlétiques sur le terrain, une fois le coup de sifflet final donné il redevenait des « second-class negro » qui devaient se plier aux lois de la ségrégation raciale.

Tout le premier numéro, ou presque se focalise d’ailleurs sur cet aspect de la société américaine.

Jusqu’au nom de code du héros qui me semble renvoyer à cette très célèbre planche de Green Lantern & Green Arrow de Dennis O’Neil et Neal Adams où un employé Noir interpelle l’un des deux super-héros pour lui demander, après avoir énumérer tout un tas d’hommes de « couleurs », ce qu’il a fait pour l’homme Noir ?

Même les personnages les plus hauts placés mais enclins à considérer la ségrégation raciale en mauvaise part n’arrivent pas à se débarrasser d’un certain paternalisme.
Par exemple lorsque J.F.K. donne du « son » à Adam Brashear qu’il a convoqué dans son bureau.
« Son » n’est pas un mot anodin, il désigne la façon pour un Sudiste d’appeler un Noir, donc une façon dépréciative de l’interpeller*.
On voit de la même manière apparaître le terme « negro », et d’autres considérations tout aussi racistes.

…. Bref, un premier numéro intéressant, qui repose sur une idée assez polémique et plutôt difficile à traiter, et dont je me demande comment Grevioux va se sortir.

(À suivre ….)

[size=85]*Voir à ce sujet Talkin’ that talk de Jean-Paul Levet, éditions Outre Mesure. [/size]

Très intéressant Artie, on en parlait dans les GG comics avec Kab qui le définissait un peu comme le nouveau Reed actuellement chose que j’ai effectivement découvert lors des ultimates (dans les mighty avengers, on ressent moins ce côté scientifique même s’il est assez présent).
Je trouve vraiment ce personnage fascinant. J’espère que Panini va publier cette série.

Merci. :wink:

Tu as récuépéré le TP ou tu les as en floppy ?

Du numérique, sous la forme de 5 numéros séparés.

bah quand même … l’histoire avec son fiston ?

oui comme soyouz, je trouve que c’est toujours mis en avant, y compris dans les courtes histoires parues dans des anthologies… durant secret Invasion ou dark reign (je ne sais plus)

Bon, tu me tenterais presque Artie avec ta chronique mais grievioux : bof… je pense qu a part si je le trouve vraiment pas cher, je prendrais pas.