Bon, bon, bon… c’est terminé. Heroes in Crisis est terminé. Et Tom King achève sa saga avec la méthode entamée jusque-là, en se concentrant sur le ressenti, les doutes, les peurs, mais surtout les émotions de ses personnages ; dont le choix se révèle d’abord bien senti, lors de quelques échanges.
Mais il ne règle rien, en fait.
Wally West est bien le responsable de la tuerie. Batgirl, Harley, Booster Gold et Blue Beetle le rejoignent en urgence pour empêcher Wally du présent de tuer le Wally de cinq jours dans le futur, qui a révélé tous les secrets du Sanctuaire et est venu pour être tué, afin que son corps soit ramené au moment de la tuerie. Mais ce Wally du futur a « changé » suite aux événements récents, et une longue discussion s’entame… sur le ressenti, la douleur, le statut de Wally, le principe de l’espoir. Pour finalement aboutir à une manœuvre complexe pour obtenir un corps d’un « double » de Wally, le déposer, et pour qu’après le Wally du présent se fasse arrêter et assume ce qu’il a fait.
Bon. Voilà, c’est terminé. J’ai été jusque-là un grand défenseur de Heroes in Crisis, saga étrange et surprenante, très intime et intimiste, qui m’a charmé et emporté jusqu’au début du #8 ; qui m’a un peu « coupé » avec sa révélation, pas incohérente mais qui brisait le charme de l’atmosphère. Le #9 ne « rattrape » pas la chose. La messe est dite, comme on peut le résumer, et Tom King se charge maintenant d’expliquer comment Wally « finit », comment un corps de Wally se retrouve parmi les victimes, et pourquoi le quatuor d’enquêteurs est pertinent (car Booster sait comme Wally ce que ça fait de vouloir bien faire mais de causer une catastrophe ; car Batgirl sait comme Wally ce que ça fait de bien agir et d’être blessé dans son corps et son âme ; car Blue Beetle sait ce que ça fait d’être trahi par un proche ; car Harley sait ce que ça fait de se perdre dans la démence et la douleur) ce qui fait sens et est logique. Et voilà.
Tom King achève son récit de manière abrupte… sans dernière ficelle, sans pirouette ; sans positif. Heroes in Crisis apparaît alors comme un récit d’une dureté terrible, avec certes un message pertinent sur l’espoir « réel » et pas fantasmé (Wally incarne bien l’espoir ; mais pas l’espoir pur et parfait, mais l’espoir correspondant au fait que même quand tout va mal, quand on échoue, quand on fait le pire, on doit continuer à aller de l’avant et à courir) mais avec surtout une noirceur terrible sur l’ensemble. C’est bien entendu pertinent avec le projet initial de raconter une forme de « réalité » du stress post-traumatique chez les super-héros, mais ça surprend, choque et trouble.
Si je continue à penser que Heroes in Crisis est une histoire intéressante à lire, je ne la confierais pas à tous les lecteurs… et je ne suis pas sûr d’apprécier vraiment, en fait. Pas la forme, car c’est bien fait et légitime dans son approche, mais le fond ; qui est trop « dur » et sombre pour moi. Un contraste bien organisé avec des dessins généralement positifs et beaux, avec encore ici un Clay Mann en très, très grande forme, qui livre de très beaux plans et des planches superbes.
Heroes in Crisis est donc terminé… et quelle étrange saga. Jamais je n’en aurais fait un « événement » comme DC, cette histoire paraît plus comme une série dérivée, à la Mister Miracle ou Omega Men. Je pense que je relirais à terme, pour tout revoir, mais cette noirceur générale, si crédible hélas, demeure un élément trouble et troublant.
D’autant plus que le sort des décédés devient « problématique », non pas sur une incertitude qui est désormais écartée, mais par l’inintérêt de Tom King sur eux. Certes, les encarts de discussion du Sanctuaire (qui semble continuer après l’événement) sont toujours bons et ont toujours été pertinents (j’apprécie particulièrement les aveux de la Batfamily, dans ce #9, sur la place de chacun)… mais c’est peu, trop peu pour les personnages disparus. Même s’ils étaient pour l’essentiel secondaires, ils méritaient plus que ce trépas si précipité. Il y a une forme de sensation de « mépris » envers eux, envers cette chair à canon bien utile pour marquer le lecteur et acter le changement de Wally, mais qui est évacuée dès qu’on parle des choses sérieuses ; ça surprend, ça choque aussi. Et je ne parle même pas de Roy Harper, un fan-favorite qui méritait objectivement mieux ; au moins un dialogue avec Wally, hein ! Cela demeurera le point le plus critiquable de cette saga, qui en comporte d’autres, plus philosophiques (sur l’orientation, le propos, sa noirceur) que sur sa réalisation (très propre et professionnelle).
Je doute que quiconque d’accroché aux personnages ou de sensible ressorte indemne d’une telle lecture.