REALISATEUR
Tom Holland
SCENARISTES
Michael McDowell et Tom Holland, d’après le roman de Stephen King
DISTRIBUTION
Robert John Burke, Joe Mantegna, Lucinda Jenney, Michael Constantine, Kari Wuhrer…
INFOS
Long métrage américain
Genre : horreur
Titre original : Thinner
Année de production : 1996
Comme je l’ai déjà souligné dans ma chronique sur La Part des Ténèbres, Stephen King a décidé de prendre assez tôt dans sa carrière le nom de plume de Richard Bachman. Principalement parce qu’à l’époque, il n’était pas courant qu’un écrivain sorte plus d’un livre par an, et pour son éditeur la manoeuvre était pratique et permettait de ne pas « inonder » le marché avec la « marque King ». Sous le nom de Richard Bachman, King a publié ses oeuvres de jeunesse, écrites avant Carrie, et a exploré des genres autres que celui qui a fait son succès (Rage, Marche ou Crève, Chantier, Running Man). Il aurait pu y avoir d’autres livres signés Richard Bachman (King comptait par exemple publier Misery sous son pseudonyme), mais la supercherie a finalement été révélée dans la première moitié des années 80.
Le dernier roman à avoir été officiellement publié « par Richard Bachman » est La Peau sur les Os (des années plus tard, King s’est amusé à présenter Les Régulateurs et Blaze comme des « manuscrits retrouvés » de Richard Bachman). Avant la révélation, King avait vendu 28.000 copies de La Peau sur les Os…et dès que la chose a été rendue publique, les ventes du bouquin ont été multipliées par 10 en quelques jours. Il faut dire aussi que La Peau sur les Os est tout de même le plus « Kingien » des romans de Bachman…
La Peau sur les Os, c’est un conte moral tordu, où pratiquement tous les personnages sont désagréables (à part la fille de Bill Halleck, mais elle n’est pas assez développée dans la version filmée). Billy Halleck a une belle femme, une fille aimante et une belle place assurée dans le cabinet d’avocats où il travaille après avoir défendu avec succès le mafieux Richie Ginelli. Halleck sait très bien que Ginelli n’est pas un ange…mais il sait aussi qu’il fait bon l’avoir dans ses relations.
Halleck a aussi un gros problème : son poids. C’est le genre d’homme qui creuse sa tombe avec ses dents et ne peut pas s’arrêter de bouffer…
Après un dîner copieux pour fêter sa promotion, Heidi Halleck décide d’honorer son mari sur le chemin du retour en lui faisant une petite gâterie au volant. C’est alors que Bill renverse et tue accidentellement une vieille gitane qui traversait la route. Comme dit plus haut, l’avocat rondouillard a des relations. Et grâce à un juge raciste pour qui les gitans sont une source de problèmes et un chef de la police grassement payé pour regarder ailleurs, l’affaire est enterrée. Mais Taduz Lemke, 109 ans, le patriarche des gitans et père de la victime, ne compte pas laisser cette mort impunie. Lorsque Halleck sort du tribunal, Lemke l’aborde, lui touche la joue de sa main rabougrie et lui murmure « maigris »…
Et Bill Halleck commence alors à maigrir…progressivement…irrémédiablement…dangereusement…
Les droits cinématographiques du roman ont été achetés assez tôt après sa publication par Dino De Laurentiis qui a produit plusieurs adaptations des livres de Stephen King à partir du Dead Zone de David Cronenberg. Sam Raimi fut même brièvement attaché au film avant Evil Dead 2. Le projet a capoté et a été récupéré par Richard P. Rubinstein (Creepshow, Simetierre…) qui l’a confié à Tom Holland. Pour Tom Holland, c’était la deuxième fois qu’il transposait à l’écran les écrits de King après la mini-série Les Langoliers (le genre de produit télé des années 90 qui a terriblement mal vieilli). C’est aussi un réalisateur qui n’a jamais su transformer l’essai après ses débuts réussis dans le genre avec Vampire, vous avez dit vampire ? et Jeu d’enfant (le premier Chucky).
La mise en place est efficace…l’introduction des personnages, la description de leur mode de vie et l’étalage de leur hypocrisie, les rancoeurs qui remontent vite à la surface quand la magie gitane fait son effet (et Halleck n’est bien évidemment pas le seul touché)…mais le scénario s’essouffle en cours de route. Désespéré, l’ancien obèse appelle son pote mafieux à l’aide pour obliger Lemke à annuler le sort, mais cette partie (avec notamment une scène onirique ridicule et un assaut du camp des gitans guère convaincant) manque de mordant alors qu’elle est vraiment très prenante dans le roman.
Robert John Burke (qui avait remplacé Peter Weller dans le raté Robocop 3) livre une interprétation solide dans le rôle principal. C’est le maquillage qui décrit son amaigrissement que je trouve le plus réussi et dans certains plans, l’effet est saisissant et effrayant, représentation physique d’un type rongé de l’intérieur et incapable d’avouer sa faute. Joe Mantegna (Esprits Criminels) était le choix idéal pour incarner Ginelli (à tel point qu’à l’époque de ma première lecture du roman, je me l’imaginais déjà dans les costards du mafieux).
À l’origine, la fin du long métrage devait être fidèle à celle du livre…triste, cruelle, et bien dans le ton du récit. Elle a même été tournée dans ce sens. Mais les spectateurs des projections-tests l’ont détesté et elle a été changée par la production, contre l’avis de Tom Holland. La fin choisie ajoute une touche ironique supplémentaire…qui manque quand même sérieusement d’impact…