LA PART DES TÉNÈBRES (George A. Romero)

REALISATEUR & SCENARISTE

George A. Romero, d’après le roman de Stephen King

DISTRIBUTION

Timothy Hutton, Amy Madigan, Michael Rooker, Julie Harris…

INFOS

Long métrage américain
Genre : horreur
Titre original : The Dark Half
Année de production : 1993

« J’exprime toute ma reconnaissance à feu Richard Bachman pour son aide et la source d’inspiration qu’il fut pour moi. Jamais ce roman n’aurait pu voir le jour sans lui. » (Note de l’Auteur, La Part des Ténèbres).

Richard Bachman, c’est Stephen King. Et King, c’est Bachman. L’écrivain a pris ce pseudonyme assez tôt dans sa carrière, sur la suggestion de son éditeur. Principalement pour ne pas « inonder le marché » de livres de Stephen King (et il était déjà très prolifique), et surtout pour publier de cette façon ses premières oeuvres éloignées du genre qui l’a rendu célèbre (des romans comme Rage ou Marche ou crève sont des écrits de jeunesse datant d’avant Carrie). La supercherie a été éventée par un employé de librairie au milieu des années 80 au moment de la sortie de La Peau sur les Os (qui a d’abord été publié sous le nom de Bachman). Pour éviter le chantage, Stephen King a mis lui-même fin à Richard Bachman, qui est mort, selon ses termes, du « cancer du pseudonyme ».

Pour Thaddeus Beaumont, le héros de La Part des Ténèbres, les choses ne sont pas si simples. Sous son propre nom, il écrit des romans qui ne remportent qu’un succès d’estime. Mais sous son pseudonyme de George Stark (une référence à Richard Stark, le pseudonyme de Donald E. Westlake), il vend des millions d’exemplaires de polars ultra-violents. Ca ne fait pas gagner des prix, mais ça met du beurre dans les épinards…et pour paraphraser l’éditeur de Beaumont « Je lis du George Stark parce que j’adore ça, je lis du Thad Beaumont parce que c’est mon boulot ». Et tout allait très bien jusqu’à ce qu’une petite ordure menace de tout révéler contre une grosse somme d’argent.
Thad décide alors d’organiser la « mort » de George Stark et de dire lui-même toute la vérité à la presse. Dans un premier temps, Beaumont se sent libéré…mais George n’a pas l’intention de se laisser faire…

the-dark-half

Thaddeus Beaumont fait partie des nombreux personnages de romancier de l’univers de Stephen King. À travers lui, l’auteur continue d’explorer les liens entre l’écrivain et ses créations à travers une dualité (Beaumont est partagé entre des envies littéraires plus « nobles » et des travaux populaires qui rencontrent un énorme succès) qui prend ici littéralement forme. On peut donc voir Thad comme un Dr Jekyll et George Stark comme un Mr Hyde qui n’a aucune envie de mourir…même s’il n’avait jusque là pas d’existence propre, à part dans l’inconscient de Beaumont.

Le scénario tente d’expliquer cette « (re)naissance » surnaturelle , mais ces éléments ne sont pas toujours bien équilibrés. L’histoire débute tout de même par une scène-choc redoutablement efficace et filmée avec une précision clinique par George A. Romero. Malgré quelques longueurs, le regretté « Parrain des Morts » a concocté un suspense qui ne manque pas de moments forts, un affrontement violent entre deux personnalités qui représentent les deux faces d’une même pièce.

Très intéressant donc (avec des concepts fascinants comme l’utilisation des passereaux dans leur rôle de psychopompe, les guides des âmes des morts)…mais pas complètement maîtrisé tout de même. Les relations de George A. Romero, farouche indépendant, avec les responsables de la Orion n’étaient pas au beau fixe…et le studio était d’ailleurs à l’époque au bord de la faillite, ce qui n’a pas permis à Romero de peaufiner le film comme il le souhaitait.

dark-half-george-stark-tortures-woman-timothy-hutton-razorblade

Ami de longue date de Stephen King (ils ont travaillé ensemble sur Creepshow, leur hommage aux EC Comics, en 1982), George A. Romero a souvent été attaché aux projets d’adaptation des romans de King (il a notamment failli réaliser Les Vampires de Salem, Le Fléau et Simetierre). Il est donc dommage (et ce malgré les qualités du métrage) qu’il n’ait pas eu les coudées franches lorsqu’il s’est attelé à La Part des Ténèbres…et il a même du attendre deux ans pour que le film sorte suite aux problèmes financiers de la Orion.

Romero s’est même heurté aux méthodes de travail de l’acteur Timothy Hutton, oscarisé pour Des Gens comme les Autres de Robert Redford, et dont c’était la première participation à un film d’horreur. Mais s’il était, paraît-il, difficile sur le tournage, le comédien livre une prestation extrêmement solide dans ce double rôle et étonne dès sa première apparition en George Stark grâce au talent des équipes de maquilleurs. Amy Madigan, Michael Rooker (dans le rôle du shérif Alan Pangborn, qui sera ensuite repris par Ed Harris dans Le Bazaar de l’Epouvante) et Julie Christie complètent cette distribution de qualité.

J’en avais entendu un peu de mal, et je l’ai vu récemment. Et franchement, c’est plutôt pas mal (finalement, c’est chouette de s’attendre au pire).
J’aime bien la prestation de Hutton, pas convaincant au début, mais quand son « double » apparaît, il livre une prestation assez épatante. Certes, le « méchant » est surjoué (mais on l’aime comme ça), mais il semble soudain plus motivé pour son personnage de « gentil ». La caméra de Romero capte l’image de l’écrivain, parfois nappé de ténèbres. À ce titre, la scène de l’interview est vachement sympa, et Hutton, je trouve, a des petits airs de King lui-même.
Et puis Michael Rooker est vachement cool. Jeune, avec des cheveux, et dans un rôle de gentil : autant dire méconnaissable.

Jim