L'ÉCHO DES SAVANES - SPÉCIAL USA #1-25 (1976-1983)

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J’aime beaucoup ce mag. D’une certaine manière, c’est l’un des pionniers explorant une bande dessinée américaine dite « adulte » (terme fourre-tout qui permet à tout le monde d’appliquer une sorte de grille de lecture qualitative, un tamis triant le « bon grain » de « l’ivraie »… et chacun a sa propre définition de ces notions floues), mais surtout proposant des auteurs plus rares et des univers parallèles à celui des super-héros.

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Ce magazine, en proposant régulièrement du Neal Adams, du Ralph Reese, du Berni Wrightson, du Wally Wood (en gros, les goûts de Fershid Bharusha), a contribué à construire une sorte de panthéon de la BD américaine à destination de la critique française. Comme ce dernier n’appréciait guère les travaux de Kirby et Ditko, ces deux auteurs n’ont pas eu droit à la même reconnaissance (et pas à la même période en tout cas), ce qui est bien dommage. Mais il est clair que les premiers numéros constitue une sorte de who’s who des bédéastes américains adoubés.

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Les premiers numéros sont fortement marqués par la personnalité de Jeff Jones, dont pas mal d’illustrations servent de couverture. J’aime bien aussi les derniers numéros, qui présentent des trucs peut-être plus mainstream (du Colan, du Buscema…), mais permettent aux amateurs de découvrir des récits courts pas toujours faciles à dénicher. Ou qui contournent l’auto-censure appliquée par des éditeurs comme Lug.

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Le tout dernier numéro, le 25, propose un changement de logo. La plaque minéralogique de cette livraison sera utilisée par la suite dans Spécial USA, l’héritier direct (mais qui repart avec une nouvelle numérotation). C’est un numéro de transition, on va dire.

Jim

Très intéressante, cette petite série d’articles, Jim. Perso, je ne suis jamais tombé sur un numéro des revues dont tu as causé aujourd’hui (en brocante ou autre)…et j’étais encore un peu trop jeune au moment de leur sortie (j’avais 8 ans en 1982 quand j’ai commencé à lire régulièrement des bandes dessinées…en tout cas c’est là que remonte mon plus vieux souvenir^^)…

Merci.
Je continue de replonger dans ma collection, donc je reviendrai sans doute en causer à l’occasion de telle ou telle trouvaille.

Jim

Pour moi, une BD adulte, c’est simplement une BD qui n’est pas destinée à la jeunesse, mais à un public un peu plus mûr. Ce peut être pour ce qu’elle montre (du gore, du porno) ou pour les thèmes qu’elle aborde, qui peuvent être trop complexes pour les plus jeunes (les intrigues politiques, des thèmes scientifiques pointus), mais aussi certains genres : la satire, c’est un genre plutôt adulte, il me semble.
Ah, et comme ça ne fait pas partie des publications pour la jeunesse, ça permet aussi de s’affranchir de la censure, comme tu le dis toi-même.
Pas de grille de lecture qualitative en ce qui me concerne : c’est seulement que ça s’adresse à des publics différents.

J’ai quelques numéros, mais je crois que c’est de la deuxième série (la plaque d’immatriculation me parle).

Tori.

En soi, je suis d’accord.
Seulement, souvent, je trouve que ça se limite à l’aspect « sexe et violence ». Je n’ai jamais été client de Métal Hurlant (c’est pour cela que je risque de ne jamais faire de petite notule dessus), parce que je trouvais que ça se limitait à ça, qu’il y avait une certaine gratuité au procédé, et que pour moi, c’était plutôt de la « BD adolescente », avec son côté boutonneux en colère.
J’ai personnellement tendance à appliquer une grille qualitative. Pour moi, une BD adulte, c’est une BD qui tient un discours adulte. On peut faire du divertissement tout en étant conscient d’aborder des sujets sérieux et d’y mener une approche sérieuse. Je crois qu’on peut s’adresser à un jeune public sans être infantile. Pour moi, les Green Lantern / Green Arrow d’O’Neil et Adams sont bien plus adultes que les délires provocateurs de la rédaction de Métal Hurlant. Mais ça n’engage que moi.

Jim

Ah, oui, en fait, ma définition était plutôt celle de la « BD pour adultes », pas de la « BD adulte »… La nuance est importante !
De la BD pour adultes peut, en effet, être assez infantile.
Ton exemple de l’adolescent, que tu appuies en parlant de boutonneux, est assez vrai : c’est de la BD centrée sur le sexe et la violence (qui sont gratuits plutôt que de servir le récit), ainsi que sur la transgression… Vraiment des thèmes associés à l’adolescence.

Tori.

Après, je n’ai rien contre les délires cul + gore + humour (c’est pas ma came, c’est tout), mais je trouve que beaucoup de choses de ce que j’appellerais hâtivement « l’école Métal » relève de ce cocktail. En gros, on se saisit des interdits de l’époque (rappelons que Métal Hurlant, c’est le début des années 1970, dans une France pudibonde où la censure régnait), et on y va joyeusement. Il y a une approche premier degré dans bon nombre de productions de l’époque qui me semble tomber à côté de la plaque. Cette BD a été rapidement qualifié d’adulte par la critique, alors qu’elle revêt les atours de la « BD pour adultes », comme tu le soulignes. Et ça, ça m’enquiquine beaucoup.
Après, je suis bien conscient de mettre plein de choses dans un grand sac, sans procéder à un tri plus sélectif, sans doute par manque de culture ou par manque de goût. Mais ça me renvoie aussi à des discussions avec des adeptes de la soi-disant « BD adulte » franco-belge, au lycée (donc deuxième moitié des années 1980, allez zou, c’est la journée souvenirs), et quand on me tendait L’Incal, moi qui lisais déjà Miller et Moore et qui connaissais les Captain America d’Englehart ou Dieu crée l’homme détruit, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire. Un peu méchamment même.

Jim

Je crois que les comics et les mangas ont abordé des thèmes adultes et sérieux bien longtemps avant la BD Franco-Belge (qui s’est longtemps cantonné au public jeunesse et aux BD érotiques/porno).

Tori.

assez d’accord, ouais.

Jim

Hum … j’en ai déjà vu en brocante, mais je ne me suis jamais intéressé de près, car je pensais que ce serait des série à suivre (genre 2000AD). C’est pas le cas ?

Globalement non.
Je n’ai pas tous les numéros en tête, mais je dirais, à la louche, qu’il n’y a rien à suivre.
(alors que Spécial USA, la mouture suivante, propose des récits à suivre, comme La Foire aux monstres de Bruce Jones et Berni Wrightson.)
Donc ouais, si tu trouves des numéros en brocante ou vide-grenier, tu peux y aller.

Jim

Oui, j’ai vu ça … après avoir posé ma question, bien évidemment ! Donc, j’en ai déduis la réponse que tu viens de donner !

Pour un aperçu de la revue qui suivra, et qui connaîtra une longévité plus notable :

Jim

Dans un entretien au fanzine Back-Up (disponible ici, avec un listing complet des sommaires de la revue, d’ailleurs), Bharucha explique que c’est Marc Voline qui l’a poussé à sortir finalement en 1988 un album de Spider-Man par Ditko (sous couverture de Romita). Il y avait aussi les desiderata de Glénat, le nouvel éditeur d’USA Magazine, qui souhaitait recentrer la production des albums sur Marvel et DC. Avec le recul, le sommaire de cet album de Spider-Man, Ramenez-moi le Bouffon Vert, est assez décevant, puisqu’il ne fait que nous présenter du déjà vu, à savoir du ASM déjà paru plusieurs fois chez Lug, ainsi que les origines de Doctor Strange, déjà publiées 7 ans plus tôt dans Strange Special Origines (et alors aisément trouvables en seconde main).

Pour un éditeur très orienté « dessin », il est dommage que personne ne lui ait soufflé de sortir un inédit qui aurait bien collé à cette ligne éditoriale, comme par exemple les deux premiers annuals d’ASM, ignorés par Lug des décennies durant, et qui mettront une quarantaine d’années à nous arriver en grand format couleurs, dans les intégrales de Panini. L’Annual n°1 est celui où Spidey affronte les Sinister Six, avec des pleines pages de toute beauté le montrant en pleine bagarre avec chacun des six. Pour les lecteurs de Lug/Semic de l’époque, une vraie friandise potentielle, quoi.