REALISATEUR
Jess Franco
SCENARISTES
Augusto Finnochi (et trois ou quatre autres plumes non créditées, dont Jess Franco et son producteur Harry Alan Towers)
DISTRIBUTION
Christopher Lee, Klaus Kinski, Herbert Lom, Maria Rohm, Soledad Miranda, Paul Muller…
INFOS
Long métrage allemand/italien/espagnol
Titre original : Nachts, wenn Dracula erwacht
Genre : horreur
Année de production : 1970
Entre 1958 et 1976, le légendaire Christopher Lee, qui nous a quittés récemment, a interprété le Comte Dracula, l’un de ses rôles les plus emblématiques, à dix reprises. Il a d’abord porté la cape et les crocs du célèbre transylvanien dans Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher,chef-d’oeuvre de la Hammer, et les a reposés pour de bon après la sympathique comédie française Dracula père et fils de Edouard Molinaro avec Bernard Ménez.
Il est de notoriété publique que Christopher Lee s’est vite lassé du rôle, se plaignant de scénarios mal écrits, loin de l’esprit du roman de Bram Stoker, et dans lequel il n’avait, d’après ses termes, « pas grand chose à faire ». Mais le comédien était sous contrat et il a souvent déclaré que les big boss de la Hammer lui faisait du « chantage émotionnel » (du genre, il y aura beaucoup de gars au chômage si tu ne fais pas le prochain Dracula). Il tint bon jusqu’à Dracula 73 et Dracula vit toujours à Londres, qui virent le vampire ramené une nouvelle fois à la vie dans l’Angleterre des années 70, et jeta ensuite l’éponge.
Alors que Lee incarna Dracula trois fois en 1970 (Une messe pour Dracula, Les Cicatrices de Dracula et la comédie One More Time), son désir de rendre justice à la création de Stoker fut le plus fort et il accepta la proposition du tâcheron espagnol Jess Franco (Sumuru, la cité sans hommes), sous la direction duquel il tourna de pathétiques Fu Manchu pendant ses tribulations européennes, de jouer dans la co-production italo-hispano-allemande Les Nuits De Dracula, présentée comme une adaptation fidèle du roman.
Bon, on va dire que la fidélité s’est perdue en chemin…
Le film ne commençait pourtant pas si mal, malgré une production fauchée, des décors peu travaillés, des effets spéciaux ringards (ouh, les jolies araignées et chauve-souris en plastoc) et une photographie laide à pleurer (le train-train quotidien de Jess Franco, quoi…). L’intrigue reprend les grandes lignes du livre (le voyage de Jonathan Harker, les villageois superstitieux, le cocher surnaturel…) et permet à Christopher Lee de composer un Dracula proche de la version originale, altier et inquiétant à souhait (dommage que la voix française, chevrotante et nasillarde par rapport à celle grave et profonde de Lee, gâche l’effet voulu). Les Nuits de Dracula est également le premier film qui introduit un Dracula vieux au début et où il rajeunit progressivement à chaque fois qu’il se nourrit de sang frais. Il y arbore aussi de belles moustaches en fer à cheval.
Ensuite, ça se gâte. Après l’évasion d’Harker du château de Dracula, le lieu de l’action est déplacé à Budapest (pas de Londres dans cette énième déclinaison pourtant « fidèle »), dans l’asile dirigé par le Pr Van Helsing (Herbert Lom) et le Dr Seward (Paul Muller, un fidèle de Jess Franco. Harker y est recueilli et il est bientôt rejoint par sa fiancée Mina et son amie Lucy (campées par deux belles égéries de Franco, Maria Rohm et Soledad Miranda). La maison achetée par le Comte se trouve à l’opposé de l’établissement psychiatrique et bientôt Dracula peut se repaître du sang de la pauvre Lucy. On retrouve bien grosso modo les grandes lignes du bouquin, mais intégrées péniblement dans un scénario sans liant qui tente d’injecter le plus d’éléments sans se soucier de cohérence. Dracula est vite réduit à une simple présence menaçante et doit se contenter de deux ou trois lignes de dialogues; les explications de Van Helsing sont tarabiscotées et on ne sent pas vraiment de cohésion au sein du petit groupe de chasseurs de vampires.
Le petit groupe est d’ailleurs réduit, puisqu’il n’y a pas trace ici de Arthur Holmwood. Par contre, le long métrage marque la première apparition à l’écran de l’américain Quincy P. Morris, 22 ans avant le Dracula de Coppola, qui reprend le rôle d’amoureux de Lucy dévolu à Lord Holmwood dans le roman.
Le plus gros gâchis reste tout de même l’utilisation de Klaus Kinski en Renfield. Déconnecté de ses liens avec Harker, Renfield ne sert à rien, ne fait rien et ne dit rien à chacune de ses apparitions. Le pauvre fou mangeur de mouches meurt comme une merde et ce grand cinglé de Klaus Kinski a l’air presque soulagé de pouvoir encaisser son chèque.
Les intentions de départ étaient bonnes, mais la pelloche s’effondre lamentablement en cours de route et accumule les scènes les plus ridicules (l’attaque des animaux empaillés est un grand moment de n’importe quoi) et se termine sur un soi-disant « affrontement » final qui manque de souffle. À celà, il faut ajouter le montage pitoyable du tocard intergalactique Bruno Mattei, futur réalisateur de séries Z de compétition.
De ces Nuits de Dracula, je retiens tout de même la partition musicale de Bruno Nicolai ainsi que l’interprétation de Christopher Lee dans le premier acte…mais c’est bien peu…