MARTIN (George A. Romero)

Drame/horreur
Long métrage américain
Ecrit et réalisé par George A. Romero
Avec John Amplas, Lincoln Maazel, Christine Forrest, Tom Savini…
Année de production : 1977

Le regretté George A. Romero a réalisé Martin dans une période assez compliquée pour lui. Il enchaînait les échecs et il n’a pu commencer à rembourser ses dettes qu’à partir du succès de Zombie en 1978. Entretemps, il a travaillé pour la télévision, notamment sur une série documentaire sur des sportifs célèbres, tout en continuant à développer des projets cinématographiques. Après s’être brièvement éloigné du genre pour ne pas être catalogué après La Nuit des Morts-Vivants, Romero était revenu à l’horreur avec La Nuit des Fous Vivants et pour son long métrage suivant (tourné pour moins de 300.000 dollars avec l’aide des amis et de la famille), il s’est intéressé à la figure du vampire.

Aux origines, Martin devait avoir un ton plus léger puisque dans une vieille interview, Romero en parlait comme une comédie sur les difficultés quotidiennes qu’un vampire doit affronter dans le monde moderne. Idée rapidement abandonnée même si la plongée dans un quotidien morne et déprimant fait partie intégrante du parcours de Martin. De personne âgée, Romero a réécrit son scénario pour faire de Martin un jeune homme en apparence fragile et innocent après avoir vu sur scène une performance de John Amplas, qui faisait ici ses débuts sur grand écran.

Innocent en apparence seulement car la scène introductive, une attaque très bien filmée et montée dans l’exiguïté d’une cabine de train, montre de quoi Martin est capable en installant dès les premières minutes un véritable malaise. Martin choisit sa victime, la drogue à l’aide d’une seringue de narcotiques, la viole et pour finir lui tranche l’avant-bras avec un rasoir et boit son sang. Cette séquence difficile est entrecoupée par des plans monochromes et romantiques sur une vision fantasmée du vampire héritée de l’imagerie gothique.

Au terminus du train, Martin se rend chez son oncle Cuda (Lincoln Maazel, habillé comme dans The Amusement Park), un lithuanien catho intégriste qui traite son neveu comme un vampire de l’ancien monde. Pour lui, il n’y a pas de doute : Martin est bien un Nosferatu, la honte de sa famille et il fera tout pour l’empêcher, quitte à se prendre pour un Van Helsing au rabais. Débute alors un décalage qui rend la situation particulièrement ambigüe car si Martin est un monstre…ses actes ne permettent pas de le décrire autrement…son aura de mélancolie le rend souvent pathétique…

Martin, c’est la confrontation de plusieurs névroses dans un environnement de zone industrielle pauvre et désolée (qui contraste avec la beauté des images en N&B). Il n’y a pas vraiment de lumière : derrière les façades ternes des maisons, les femmes trompent leurs maris et inversement, les hommes peinent à trouver du boulot, la tristesse règne et la nuit est le refuge de monstres très, trop humains. Dans ce cadre, Romero déroule son récit sur un rythme assez lent (et son premier montage durait 2h45, réduit ensuite aux 90 minutes de rigueur), ce qui colle bien à l’atmosphère pesante recherchée, et dose efficacement les différents éléments, dont ces tentatives d’humour pour décrédibiliser les croyances de l’oncle.

Le trouble est présent jusqu’à la violente dernière scène, brusque et tétanisante, de ce film de « vampire » vraiment pas comme les autres…

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Excellent souvenir du visionnage de ce film, que je n’ai vu qu’une fois je crois (et ça remonte), mais que je tiens quand même pour un des meilleurs Romero. Le film est à la fois une réflexion sur le genre horrifique lui-même, un portrait douloureux (et très très poignant) et un sommet d’ambiguité.

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Adam Stothard :