Drame
Long métrage américain/britannique
Ecrit et réalisé par Bill Condon, d’après le roman « Father of Frankenstein » de Christopher Bram
Avec Ian McKellen, Brendan Fraser, Lynn Redgrave, Lolita Davidovich…
Titre original : Gods & Monsters
Année de production : 1998
Le réalisateur britannique James Whale tient une place importante dans l’histoire du cinéma pour ses contributions au genre fantastico-horrifique avec quatre longs métrages de qualité : Frankenstein, Une Soirée Etrange, L’Homme Invisible et son chef d’oeuvre absolu La Fiancée de Frankenstein. Whale avait pourtant tout fait pour éviter d’être catalogué pendant sa carrière, en diversifiant les projets comme le whodunit Cocktails et Homicides et la comédie musicale Showboat. Sa grande oeuvre devait être The Road Back (Après en V.F.), drame de guerre sur le premier conflit mondial, mais suite à des pressions du gouvernement allemand (qui menaçait d’un boycott), la nouvelle direction de la Universal a massacré son film en retournant des scènes et en modifiant le montage.
Le long métrage fut un échec cinglant, signant le déclin de la carrière de James Whale. Après quelques productions de commande maintenant oubliées, le metteur en scène a préféré quitter le monde du cinéma en 1941. Son retour sur les planches ne fut pas concluant et il s’est installé dans la demeure californienne qu’il partageait avec son compagnon au début des années 50. Sa santé n’a fait que se dégrader…dépressif, diminué par ses attaques et ne supportant plus d’être dépendant des autres, James Whale s’est suicidé en se noyant dans sa piscine à l’âge de 67 ans.
En se basant sur les quelques éléments connus, l’écrivain Christopher Bram a imaginé les derniers moments de la vie de James Whale dans son roman Father of Frankenstein qui a servi de base au troisième (et meilleur) long métrage de Bill Condon (Candyman II, Mr Holmes…et aussi Twilight 4 et 5), Ni Dieux Ni Démons (titre français peu inspiré de Gods & Monsters, l’original venant d’une réplique du Dr Pretorius dans La Fiancée de Frankenstein). Co-produite par Clive Barker, Ni Dieux Ni démons est donc une biographie en partie romancée d’un créateur qui perd petit à petit ses facultés physiques et mentales, un vieil homme triste perdu dans ses souvenirs.
Ian McKellen a livré l’une des ses meilleures prestations avec ce portrait nuancé de James Whale. Loin du délirant George de la Jungle, Brendan Fraser campe avec talent un personnage fictif, le jardinier Clayton Boone, qui devient le confident du réalisateur de Frankenstein et ce même si la sexualité de son nouvel ami le rend d’abord un peu nerveux. Au fil de leurs discussions, le réalisateur revient sur les grandes périodes de la vie de Whale avec sensibilité et quelques savoureuses pointes d’ironie qui n’empêchent pas une émotion poignante (à la manière d’un James Whale qui savait aussi jouer avec les changements de ton dans ses films). Le récit parle également avec justesse de l’homosexualité à une époque où le sujet était encore tabou, Whale faisait partie de ces rares personnalités d’Hollywood qui n’étaient jamais restées dans le placard…
La reconstitution est soignée, baignée par les couleurs chaudes de la photographie de Stephen M. Katz. Les flashbacks sont bien amenés ainsi que les très réussis passages oniriques dans lesquels James Whale déambule dans ses vieux films d’horreur, Boone prenant successivement la place du docteur Frankenstein puis de sa créature. Une analogie qui prendra tout son sens dans un dernier acte à l’atmosphère troublante avant un dernier plan empreint de nostalgie et de poésie…
Comme le souligne le titre V.O., La Fiancée de Frankenstein est régulièrement cité tout au long du déroulement de l’histoire, notamment lors d’une scène de visionnage parallèle suscitant des émotions et des réactions contradictoires (l’infirmière personnelle de James Whale se trompe ainsi complètement sur la signification du final). Une belle déclaration d’amour à un très grand film !