RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

Après avoir relu Flash: Terminal Velocity, j’ai attrapé le TPB suivant sur mes étagères, Flash: Dead Heat.

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L’histoire se situe quelques mois plus tard, et couvre Flash #108 à 111 et Impulse #10 et 11. Le jeune héros a droit à sa propre série lancée dans la foulée de Terminal Velocity, et Dead Heat est le premier cross-over entre les deux bolides, servant à installer l’héritier aux côtés du tenant du titre.

Le cross-over est dominé par une partie graphique très agréable. Sur Flash, Oscar Jimenez a repris le poste de dessinateur à partir du #101 (même si les numéros 103 à 105 sont consacrés à une intrigue tournant autour du Mirror Master et sont dessinés par Roger Robinson et Ron Lim), dans un style évoquant Pacheco mais en un poil plus rond, et sur Impulse, c’est un Humberto Ramos encore un peu vert qui assure les aventures du jeune Bolide, introduisant des tics venus de l’animation ou des mangas (les grands pieds, notamment, qui seront longtemps sa marque de fabrique).

Tout commence par un gros problème dans la « Speed Force » : les différents Bolides qui y puisent voient soudain leurs pouvoirs disparaître. Pour certains, comme Jay Garrick, ça se résume à un vase qu’il n’est pas assez rapide pour rattraper, pour d’autres, comme Cassio, ça tourne à la tragédie. Le cas de ce dernier est intéressant puisqu’il s’agit d’un personnage aperçu dans les premiers numéros de la série, écrits par Mike Baron : cet ancien Bolide soviétique s’est reconverti en coursier de luxe et en fidèle du capitalisme et de ses vertus si longtemps anticipées.

La réapparition de ce personnages (déjà croisé chez Waid je crois) donne un peu le ton : « Dead Heat » va se charger de faire le point, voire de ranger les jouets. Notamment en définissant le statu quo de certains personnages (on y reviendra) et en précisant les changements liés à la fameuse Force Véloce qui, depuis presque une vingtaine d’épisodes, prend de plus en plus d’importance. Par exemple, dans Flash #108, on a la confirmation que, depuis sa connexion directe à cette dimension de la vitesse, Wally n’a plus besoin de surcompenser ses dépenses d’énergie en mangeant comme un ogre.

Après cette introduction, les choses accélèrent. Wally affronte des ninjas de la vitesse, puis retrouve Jay Garrick et Jesse Quick, qui le soupçonne (la dernière d’une manière plus agressive que le premier) de monopoliser la connexion à la « Speed Force ». Mais rapidement, les Bolides apprennent le nom du véritable responsable : un certain Savitar.

Dans le même épisode, les auteurs nous montrent que le nouvel ennemi détient déjà Max Mercury. Là encore, la saga se propose de faire le point sur le « Maître zen de la vitesse », mentor des autres Bolides, dont le passé a été un peu dévoilé dans « Terminal Velocity », mais qui reste encore énigmatique.

Les Bolides sont réunis dans le deuxième volet, Flash #109, où ils découvrent un journal dans lequel Max a consigné les informations autour de Savitar, un pilote connecté à la Force Véloce à l’occasion d’un vol d’essai et qui, depuis, cherche à retrouver ce qu’il pense être une manifestation divine. C’est d’ailleurs intéressant de constater que l’intrigue tourne autour de l’idée de la foi, de la conviction, de l’aveuglement et du fanatisme, autant de facettes diverses autour du thème de la religion.

Tandis que XS, Linda, Iris et Jay veillent sur Max hospitalisé, et que Wally a enrôlé Jesse dans une mission menée sur le repaire de Savitar, Bart Allen, privé de sa vitesse, se morfond, dans un Impulse #10 généreux en scènes humoristiques et décalées, mais aussi pleines d’émotion.

Dans le château de Savitar, Wally et Jesse découvrent la présence de Christina Alexandrova, autre personnage issu des périodes Baron et Messner-Loeb, précédemment inféodée à Vandal Savage, passée par les identités de Lady Savage et Lady Flash, et qui semble être aujourd’hui une sorte de Lady Savitar.

À la fin de l’épisode, dans une évocation graphique à la fois héroïque et hiératique dont Oscar Jimenez commence à avoir le secret, les autres Bolides (qui viennent de récupérer leur vitesse grâce à une intervention de Jesse Quick) viennent prêter main-forte à Wally : une poignée de héros contre une armée de ninjas de la vitesse.

Le combat est inégal parce que, à chaque fois qu’ils en assomment un, les héros constatent que l’ennemi inconscient repasse sa vitesse aux autres : moins nombreux, les ninjas deviennent plus rapides. Problématique.

Pendant que ses amis luttent face aux troupes amassées par Savitar, Flash poursuit ce dernier. La course démarre à la dernière page d’Impulse #11 et constitue le cœur de l’intrigue de Flash #111, dernier chapitre de la saga.

En pleine possession de ses moyens, Oscar Jimenez n’hésite pas à multiplier les pleines ou doubles pages montrant les deux coureurs en plein effort, corps tendus et compositions exagérées. À mes yeux, Flash #111 reste longtemps la meilleure représentation des pouvoirs du héros, à la fois synthétique (son pouvoir ? il court vite !) et emblématique. Iconique, diraient les Américains. Jusqu’à aujourd’hui, et peut-être à part certaines courses comparables représentées par Rafa Sandoval durant la récente période Williamson, c’est sans doute l’un des épisodes les plus renversants, visuellement parlant, des aventures du Bolide.

L’épisode est constitué d’une longue course haletante où les récitatifs de Waid situent la géographie ambiante afin de donner un aperçu de la vitesse pratiquée par les deux adversaires.

Ils vont si vite que Wally est bientôt en mesure d’entraîner Savitar dans la « Speed Force », et de lui donner ce qu’il a toujours voulu, un nouvel accès à cette divinité tant désirée, dans un traitement visuel directement emprunté à son prédécesseur, Carlos Pacheco.

Bien entendu, les auteurs ont déjà pratiqué ces voyages, à la fois dimensionnels et spirituels. La fin de « Terminal Velocity » nous a appris que Wally revient en se guidant à l’aide des sentiments de Linda, et les dialogues ont rappelé tout cela. Par conséquent, les amis de Wally ainsi que les lecteurs s’attendent à le voir réapparaître, indemne. Sauf que…

Oui, « Dead Heat » se conclut sur un cliffhanger. Une surprise en dernière planche, qui annonce le prochain gros événement de la série, « Race Against Time », mais qui témoigne aussi de l’évolution éditoriale du titre. Et peut-être de l’industrie en général, en cette année 1996 qui voit l’assise de l’autre gros éditeur menacée, la bulle spéculative exploser et le rapport au lecteur changer. On a déjà évoqué un peu plus haut que la série variait ses formats, annonçant parfois des choses importantes dans des épisodes solo qui, de toute façon, permettent de traiter de sujets différents, de donner des émotions diverses, de s’intéresser aux personnages secondaires. Avec le passage d’une saga à l’autre, Waid et Augustyn affirment leur volonté d’accélérer, de ne jamais relâcher la pression, de ne jamais laisser souffler le lecteur. D’aller de surprise en surprise. Mais c’est peut-être aussi le signe d’une évolution au plus long terme, que nous pouvons identifier rétrospectivement, nous lecteurs de 2022, à savoir que chaque épisode doit être signifiant. Les récits stand-alone, aujourd’hui, sont souvent plus rares, les épisodes étant constitués de grands arcs qui se succèdent sans temps mort. Dans le cas qui nous intéresse, le passage de « Dead Heat » à « Race Against Time » laisse entrevoir l’évolution éditoriale de la série, les changements dans la manière d’aborder le métier. Les cross-overs inter-séries des années passées (ou les « events » marqués), à l’image de « Janus Directive » ou « Terminal Velocity », laissaient apparaître l’existence d’intrigue qui les traversaient, en plus du sujet central propre à l’événement éditorial lui-même. Avec « Dead Heat » et son immédiat successeur, les histoires sont contenues au sein du cross-over. Elles auront leurs conséquences et leurs répercussions, mais on voit que l’équipe éditoriale pense la construction des épisodes d’une manière qui a évolué par rapport à « Terminal Velocity », un an auparavant. Décidément, cette deuxième moitié des années 1990 contient en germe bien des changements.

Jim

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