RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

J’ai quelques anecdotes du même tonneau concernant la boutique Mondes Mutants, à Paris il y a trente ans…

L’impact que Fershid a eu sur la critique de l’époque est dingue : les gens estimaient que la BD américaine, c’était Wrightson, Corben, Jones, Kaluta… S’il avait aimé Kirby (par exemple), ça aurait changé le regard vis-à-vis du King. Mais on peut étendre le raisonnement à d’autres. Un album du Fromage consacré au Manhunter de Simonson, au Dominic Fortune de Chaykin, au Warlock de Starlin, et ces auteurs auraient accédé à une reconnaissance supérieure. Ça tient à peu de choses.

C’est pas faux, même si un éditeur de comics est constamment à la recherche d’une série à suivre. Les longues séries assurent une certaine pérennité (c’est KOTOR chez Delcourt, par exemple). Batman tient ce rôle chez Urban, avec les prestations de Snyder ou de King qui dépassent la dizaine de tomes. C’est là qu’on se rend compte aussi que l’actualité perturbe la logique éditoriale, par rapport au patrimoine. Sur les séries Vertigo, qui sont souvent associées à une équipe créatrice stable, le système de série peut fonctionner aussi.

Moi aussi.
C’est pour cela que les rubriques « rééditions » me semblent intéressantes sur un forum. Parce qu’on remet sous le feu des projecteurs des périodes et des prestations qui valent le détour, et qui sont susceptibles d’intéresser les lecteurs, alors qu’elles n’occupent pas toujours la une, en quelque sorte.

Jim

Mais dans les faits, ils font pas que du « par auteur » Urban. Les DC Classiques de Knightfall à New Gotham le prouvent. C’est des intégrales qui cachent leur nom. Un peu comme les Epic Collection, pas tout a fait dans l’ordre.

ne leur dit pas… comme ca… ca va passer …

Pareil pour Superman : New Metropolis. C’est d’autant plus cool que c’est du Superman, soit quelque chose qui ne vend pas bien. On peu aussi citer Aquaman : Sub-Diego.

Jim

Ca vend déjà mieux que le Sup de Bryne qui lui n’a pas vendu.

Hélas oui.
Cela dit, Superman est en général en queue de cortège, question ventes, en France. Surtout le Superman patrimonial. J’ose espérer que le Superman récent de Bendis vend mieux.

Jim

Tu confirmes Jim, pas de tome 2 de Man of Steel prévu à ce jour ? :sob:

J’en ai traduit la moitié (en gros) et pour l’instant je n’ai pas d’avis d’annulation. Je pense que c’est repoussé aux calendes grecques. Et les décalages de planning récents ne vont pas arranger l’affaire.

Jim

Ben après j’ai envie de dire que « ce n’est pas notre politique » c’est une manière plus brodée et plus commerciale de dire « ca marchera pas »

Idem. La « politique », c’est ce que tu présentes une fois que tu as fait ta cuisine interne. Quant à l’exigence de « répondre à la demande », encore faut-il, avec tout le respect qui nous est dû à tous ici présents, que cette demande dépasse celle de six personnes sur un forum, dont quatre n’achèteront pas parce qu’ils ont déjà la V.O. (je caricature, mais bon, on voit hélas bien que le marché ne réagit pas nécessairement massivement aux trucs qui nous font envie).

Complètement.

Au début des années 1990, le catalogue DC a atteint sa vitesse de croisière après le grand chambardement qu’a été Crisis on Infinite Earths. Et de jeunes responsables éditoriaux ravivent des concepts et des personnages un peu anciens afin d’étoffer l’offre.

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L’éditeur avait racheté le catalogue de personnages de Quality Comics en 1956 (d’après les propos tenus par Bob Greenberger dans sa préface au TPB que je vais évoquer), mais n’avait pas fait grand-chose d’eux avant que Len Wein ne se souvienne de ces héros et les incorpore à une baston multidimensionnelle de la Ligue de Justice. Mais depuis la fusion des univers sous les coups de boutoir de Marv Wolfman et George Pérez, ces personnages survivaient, par principe, dans la continuité désormais commune.

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L’avantage d’un personnage sorti de la naphtaline, c’est qu’il peut vieillir. Il peut même faire des enfants, détail souvent ignoré des maisons d’édition, qui bottent en touche dès qu’il s’agit de faire passer le héros à l’âge censément adulte de la paternité. C’est le cas avec The Ray, dont nous allons suivre les aventures du fils, à l’occasion d’une mini-série en six parties de 1992, compilée dans un TPB de 1994 (honneur rare à l’époque) sous une nouvelle couverture et un nouveau titre : In a Blaze of Power.

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L’histoire commence de manière ingénieuse : dès la première page, Ray Terrill, que tout le monde a surnommé « Night Boy » dans son enfance, découvre qu’il dispose de pouvoirs liés à la lumière. Le premier épisode est constitué en partie de flash-backs, traités avec astuce en bichromie par Joe Cebollero, et permettant de resituer le parcours du jeune homme. Ce dernier, qui comprend qu’il n’est pas « allergique à la lumière », tente de renouer avec Jennifer, son amie d’enfance, qu’il sauve d’une prise d’otage grâce à ses pouvoirs naissants.

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Mais au fil des épisodes, Ray, qui comprend que le père qu’il a perdu il y a quelque temps était en fait un héros des décennies passées, va découvrir qu’un complot s’est ourdi afin de le faire renouer avec ses pouvoirs. C’est là que le récit gagne en confusion, puisqu’on se demande pourquoi des gens se sont donné tant de mal pour protéger l’enfant de la lumière alors qu’il aurait été plus simple de l’initier dans l’enfance. De même, le but de ceux qui veulent lui faire emprunter le chemin escarpé de l’héroïsme n’est pas très clair, et la grosse menace n’est annoncée que vers la fin, dans un flou artistique visiblement volontaire mais qui aurait bien profité d’un peu de limpidité.

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La mini-série a les qualités de ses défauts. Ou inversement. Construite sous la forme d’un récit d’apprentissage, elle confronte le jeune Ray à Happy Terrill, son vrai père, le vrai prédécesseur (celui qui l’a élevé n’était que son oncle). Au fil des épisodes, plusieurs versions des origines des deux héros sont proposées, certaines plus farfelues que d’autres. C’est assez drôle, avec un caractère de commentaire, mais au final ça rajoute des couches de fumée sur une situation déjà peu claire, et c’est rapidement évacué, signe d’une certaine inutilité. La vertu comique est mieux gérée dans la quête sempiternelle de pantalon, Ray brûlant ses vêtements quand il utilise ses pouvoirs pour les premières fois.

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De même, certaines péripéties sont amenées un peu tardivement, comme par exemple l’irruption du Doctor Polaris, qui aurait bénéficié de sub-plots. D’autres manquent d’explication, à l’exemple de la présence de Caldwell. Le récit, écrit par Jack C. Harris, scénariste et responsable éditorial ayant officié depuis les années 1970, est supervisé par James Owsley, autre nom du scénariste Christopher Priest, et l’on reconnaît ici la volonté que ce dernier pratique souvent de ne pas tout révéler à ses lecteurs. Mais dans le cas qui nous occupe, cela joue peut-être en défaveur du récit, dont les enjeux ne sont pas posés clairement.

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Malgré tout, cette mini-série, si elle part dans tous les sens (lançant de nombreuses idées et incitant à suivre les aventures du personnage dans la série régulière qui suivra, réalisée par Christopher Priest et Howard Porter), demeure une agréable lecture, en partie grâce à des scènes spectaculaires, à l’exemple du volcan en éruption aux Philippines.

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Graphiquement, les épisodes, illustrés par Joe Quesada (avec l’assistance d’Art Nichols, qui encre et assure une partie des crayonnés sur certains épisodes), sont plutôt agréables à regarder. Le futur rédacteur en chef de Marvel est à l’époque fortement influencé par Mike Mignola (période Phantom Stranger ou Cosmic Odyssey), auquel il emprunte les aplats noirs et les lèvres gonflées. On reconnaît aussi des emprunts à Marc Silvestri (période X-Men) et sans doute aussi à un Erik Larsen première manière. Autant dire que ce cocktail est plutôt de bon aloi, les planches étant très lisibles et affichant un style marqué (à défaut d’être original) et en prise avec son temps.

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L’ambiance, surtout dans les premiers épisodes, n’est pas sans rappeler une certaine tonalité marvélienne, avec ce grand adolescent réticent à l’idée de jouer les héros, dépassé par les événements et maladroit dans ses actions, pourtant guidées par son grand cœur. La relance du personnage (de deux personnages, puisque le premier Ray est également remis en selle) est pleine d’énergie et de bonne volonté, et participe à la nécessaire exploration d’un catalogue de licences que DC, à l’époque, veut faire fructifier.

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Jim

C’est quoi le nom du tpb, impossible de trouver sur Amazon.

J’avais le même ressenti après lecture de ces 2 tpb. Sympa mais anecdotique, difficile de passer après Dematteis et Giffen qui ont marqués le titre. Comme tu le dis les épisodes de Jurgens n’ont rien de déshonorant, mais trop classique. Du coup j’ai jamais pris la suite avec wonder woman par vado ( scénariste inconnu à mon bataillon) et je serais curieux de voir ton avis.

Et merci pour tes billets qui donnent envie de claquer un pognon que j’ai pas forcément

Impossible n’est pas Tori :
https://www.amazon.com/Ray-Blaze-Jack-C-Harris/dp/1563890909/ref=mp_s_a_1_1?dchild=1&keywords=ray+in+the+blaze+of+power&qid=1590594602&sr=8-1

~_____^

Tori.

On le sait depuis longtemps.

Mais tu aurais pu le laisser chercher un peu. Je suis sûr qu’il aurait fini par remarquer la couverture que j’ai mise en première illustration.
:wink:

Jim

Merci Tori, j’aurais du regarder sur la version US plutôt que française qui n’a rien trouvé.

oh mais j’avais remarqué juste pas dispo sur la version française du big evil.

Moi, je n’ai même pas regardé sur quel site ça me menait : j’ai seulement cherché sur Google et suivi le premier lien…

Tori.

Le voici.
Les TPB sont assez épais, et même si ça se lit vite, il faut quand même un peu de temps.

Donc, j’ai lu le premier tome de la compilation intitulée Wonder Woman and Justice League America, et pour faire court, c’est une bonne surprise. Déjà, signalons que les deux tomes arborent des illustrations inédites en guise de couverture, réalisées par un tandem que j’affectionne beaucoup, Tom Grummett et Karl Kesel. Dommage qu’ils ne se soient pas chargés de l’intérieur à l’époque. Mais justement, on y reviendra.

Donc, Dan Vado, qui a eu plusieurs vies professionnelles dans le milieu (outre scénariste, il a été libraire, éditeur, organisateur de festivals et conventions…), reprend à la suite de Dan Jurgens. D’emblée, il s’intéresse à une dimension de la mission des héros que son prédécesseur avait un peu écartée, à savoir les liens avec l’ONU et la fonction d’ingérence (ou pas) avec d’autres autorités. Ainsi, dès le premier diptyque, il envoie l’équipe protéger des convois humanitaires sur une petite île soumise à la révolution. Et les héros, aidés de Jay Garrick, tombe sur une nouvelle incarnation des Extremists, des super-vilains que je n’ai jamais vraiment bien apprécié, mais qui visiblement mobilise l’imagination des scénaristes des années 1980 et 1990.

L’écriture de Vado va vite, il envoie des informations sur un rythme soutenu, il recourt à des ellipses régulières et plutôt bien gérées, il passe des informations par les dialogues, ce qui permet d’éclaircir très vite le statu quo et d’animer les personnages en leur donnant de l’épaisseur. L’économie de moyens est plutôt réussie, les intrigues défilant et donnant l’impression (fondée) qu’il se passe plein de choses.

Les deux premiers épisodes sont dessinés par Michael Collins, dans une approche classique sans esbroufe. C’est plutôt réussi, et Vado donne de la consistance à Gardner (qui devient plus brutale), à Maxima et au tandem Beetle / Booster. Le premier, d’ailleurs, a renoncé à sa carrière héroïque et se terre dans son laboratoire sous prétexte de constituer une armure à son ami afin qu’il revienne sur le terrain. Vado donne à Ted Kord une existence palpable et relance les liens d’amitié entre les deux héros, même s’il s’éloigne, dans le même élan, de l’aspect comédie qui les avait caractérisés.

Racontant vite, Vado tisse aussi des subplots, notamment autour de Tora, alias Ice, qui a quitté le groupe dans l’espoir de retrouver son peuple. Au fil des séquences qui lui sont consacrées, on découvre qu’elle appartient à la famille royale d’un peuple contrôlant la glace, et la succession du roi défunt constituera l’épine dorsale d’une future intrigue.

La seconde intrigue implique deux extraterrestres poursuivis par de hideux homanoïdes reptiliens. Les deux rescapés trouvent refuge auprès de la Ligue alors que les États-Unis ont accepté de les extrader. Se campant sur ses principes, Wonder Woman se retrouve face à Captain Atom et ses « Peacekeepers », et là encore le scénariste exploite la fonction de la Ligue, qui ne correspond peut-être pas à ses choix moraux. C’est un peu cousu de fil blanc, le récit tourne autour de la notion de préjugés, et permet d’instiller le doute dans l’esprit de certains héros. Entre la morale de Wonder Woman et la real-politik, on trouve Max Lord, qui tente de calmer tout le monde et incarne les derniers restes de comédie dans la série.

Kevin West a remplacé Michael Collins, pas pour le mieux. Son dessin est mignon, avec une vague influence byrnienne qui pourrait le ranger à côté d’un Mike Parobeck, sans les qualités académiques, mais l’ensemble est assez pauvre. Ça ne pique pas les yeux, mais ça manque d’assaisonnement.

L’histoire des fugitifs extraterrestres se conclut par la mort de l’un d’eux, abattu par Guy Gardner. La scène surprend et amène à un cross-over, « The Trouble with Guys », avec la série Guy Gardner, à l’occasion de quoi on découvre que ce dernier a été remplacé par un double provenant d’une race de métamorphes. La série Guy Gardner est à l’époque rédigée par Chuck Dixon, mais l’épisode en question est atrocement dessiné, faisant regretter l’absence de Joe Staton, qui n’en signe que la couverture.

Dan Vado réintègre donc le rouquin râleur dans son équipe, à temps pour une nouvelle saga, intitulée « Cold War », dans laquelle le groupe vient soutenir Tora, en pleine lutte contre son frère qui vient de récupérer le trône. Autre variation sur le thème de l’ingérence, cette saga lorgne vers une tonalité plus heroic-fantasy, et permet quelques retrouvailles au sein de l’équipe. Kevin West continue à officier dans son style sans aspérité (notons tout de même que les responsables de l’édition du recueil ont trouvé le moyen de publier les pages du combat final dans le désordre, ce qui n’est pas très sérieux).

Le sommaire se conclut sur l’Annual du moment (1993), partie intégrante de la saga « Bloodlines », durant laquelle des extraterrestres partent à la conquête de la Terre : leurs rares victimes survivantes héritent alors de super-pouvoirs qui les destinaient à raviver les rangs de l’écurie DC. Aujourd’hui, le bilan est maigre et à l’exception notable de Hitman, les innombrables nouveaux venus n’ont pas fait d’étincelles.

William Messner-Loebs et Greg Larocques racontent l’histoire de Jack Mobley, un raté condamné par un cancer du pancréas, dont la morsure extraterrestre lui confère le pouvoir… de donner des super-pouvoirs aux autres. Le scénariste résout l’intrigue en mettant en avant le personnage de Wonder Woman qui préfère la parole au coup de poing. La présence de l’Annual se justifie non seulement pour sa caractérisation, mais aussi parce qu’il abrite une scène importante : Fire récupère ses pouvoirs, retrouvant de fait une place prépondérante dans l’équipe.

La lecture de ces premiers épisodes signés Dan Vado, compilés dans ce recueil, est plutôt intéressante. Le scénariste s’attache au rôle politique du groupe, et présente une Wonder Woman définie non pas par son sens de la diplomatie et de l’écoute (ainsi que l’animent Dan Jurgens ou Bill Messner-Loebs) mais par son attachement à des valeurs humanitaires de justice. Quitte à s’embourber dans des impasses. Capable de reconnaître ses erreurs, elle offre une figure intéressante de chef, et fournit aussi l’occasion à ses équipiers de se mettre en avant. J’ai commencé le recueil suivant, et le schéma se confirme, même si Vado en profite pour passer la vitesse supérieure.

Héhéhéhé.
La relance, la relance !!!

Jim