1941-2021 : BON ANNIVERSAIRE WONDER WOMAN !

Les multiples mésaventures de Steve Trevor, cinquième partie :

Rappelons la situation : dans la première moitié des années 1980, Wonder Woman vit une idylle charmante avec Steve Trevor. Cependant, ce n’est pas le Steve Trevor d’origine, mais un double provenant d’une Terre parallèle. Mieux encore, Diana, dont la mémoire a été purgée des souvenirs du premier Steve Trevor (mort, ressuscité et re-mort), ne se souvient plus de la première version de son amoureux (et grâce aux brumes de Népenthes, personne sur Terre n’en garde un quelconque souvenir, ce qui évite les questions gênantes des copains, du genre « si on ne s’appelle pas Steve Trevor, on n’a aucune chance, cocotte ? »). Dernière précision : avec l’arrivée de ce pilote d’un monde alternatif, la double identité de Diana est de nouveau de rigueur, même si les scénaristes successifs ne semblent guère intéressés à l’idée d’un triangle amoureux à la Supes / Lois / Clark.

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Passons donc quelques péripéties rocambolesques (le début de la période Roy Thomas est marquée par la grave blessure de Trevor, qui le plonge dans le coma, à la merci du Docteur Psycho qui fait apparaître un avatar super-héroïque de l’aviateur, Captain Wonder !). En 1984, la série est écrite par Dan Mishkin, qui déploie une narration assez limpide, des constructions d’épisodes faciles à suivre, plein de subplots et pour ainsi dire un rythme de feuilleton faisant intervenir de nombreux personnages secondaires, bien souvent développés pour l’occasion. Il est en général associé au dessinateur Don Heck, dont le style n’est pas passe-partout, mais chez qui je trouve un talent certain pour dessiner les jolies filles (il est, dans les épisodes évoqués, encré par Rick Magyar, qui ajoute des trames et des effets intéressants, adoucissant le trait parfois sec du dessinateur). Et les gens en costumes de ville. Ça tombe bien, Mishkin, suivant les inspirations de Conway et Thomas, deux de ses importants prédécesseurs, fait évoluer Diana dans le milieu de l’armée et met en scène de nombreux personnages sans pouvoir, ce qui colle assez bien aux forces visuelles du dessinateur.

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Parmi ces personnages, il y a Sofia, une ancienne criminelle adoptée par les Amazones, qui a récemment avoué à Steve Trevor avoir découvert des secrets concernant Diana. Si Trevor ne sait pas que la belle militaire à lunettes et la justicière à culotte étoilée ne font qu’une seule et même personne, Sofia, elle, est bien au courant. Dans Wonder Woman #319, elle tente donc de prendre contact avec Diana Prince à la faveur d’un séjour dans le « Monde des Hommes ». Visiblement pressée par la gravité des informations qu’elle a récemment recueillie, Sofia explique à Diana que « la Reine n’a pas cessé de jouer avec son esprit depuis la première mort de Steve Trevor des mains du Docteur Cyber ». Imaginez la surprise de Diana, qui n’a gardé aucun souvenir de la tragédie.

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Et imaginez la surprise des lecteurs quand mademoiselle Prince plonge son interlocutrice dans l’inconscience, visiblement en prévision d’un plan tout personnel ! Car oui, Sofia ne s’est pas adressée à la bonne Diana. L’héroïne est, au même moment, plongée dans une bataille aérienne contre un oiseau mécanique. Elle a bien des pouvoirs, mais le don d’ubiquité n’en fait pas partie (enfin, je crois, hein…). Pendant que la bataille contre l’automate continue, la fausse Diana poursuit sa mission dans les couloirs de l’armée.

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Après avoir vaincu le robot ailé, Wonder Woman reprend son identité humaine, mais elle est prestement arrêtée par la police militaire. Bien sûr, la perspective d’être menottée et enchaînée ne la réjouit guère, son sang amazone ne fait qu’un tour, et elle s’enfuit, laissant les lecteurs découvrir qu’elle est accusée d’avoir dérobé les codes de lancement de l’arsenal militaire américain. Tandis quelle s’enfuit, la dernière planche permet au lecteur de découvrir l’identité de l’imposteur : le Docteur Cyber !

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Dans l’épisode suivant, l’héroïne tente d’empêcher les frappes nucléaires intempestives, mais aussi d’échapper à la traque. Sans savoir qu’elle est en fait observée par Eros, le dieu de l’amour, elle remonte la piste de Cyber. De son côté, Steve Trevor, en homme d’action qui ne sait pas rester inactif, fait de même.

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Le blond militaire fait lui aussi l’objet de l’attention sourcilleuse du dieu. Ce dernier le suit jusqu’au repaire de Cyber. Passé l’effet de surprise, la super-vilaine utilise sa technologie de pointe pour abattre Trevor et pour ficeler Wonder Woman.

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Au début de Wonder Woman #321, l’héroïne et son équipier sont en bien mauvaise posture. Mais très vite, l’intervention d’Eros permet de renverser la vapeur. Le Docteur Cyber lance ses troupes robotiques sur ses ennemis, et la scène s’apparente à une bataille classique entre héros et vilains…

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… jusqu’à ce que le dieu entende prononcer le nom de la criminelle : les mots « Docteur Cyber » éveillent en lui une fureur insoupçonnée. Selon lui, si elle porte un masque (en réalité pour dissimuler ses affreuses cicatrices) c’est pour échapper à sa vengeance divine. Cyber et Diana sont étonnées de cette démonstration de colère, mais l’intervention divine met en fuite la super-vilaine.

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Alors qu’ils tentent de la rattraper, les trois alliés prennent le temps de discuter. Sofia, toujours prisonnière dans le repaire de Cyber, arrive dans la discussion. Trevor explique à Wonder Woman que l’ancienne criminelle repentie et devenue Amazone a découvert que la Reine Hippolyte a manipulé la mémoire de Diana. Celle-ci est surprise, d’autant plus qu’Eros affirme avoir entretenu avec elle une flamme intense et réciproque.

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Mais Diana n’est pas au bout de ses surprises. Après avoir mis en fuite Cyber, elle exige des réponses, qui surviennent dans la dernière planche : Eros lui affirme avoir été le premier Steve Trevor… et avoir été tué par le Docteur Cyber !

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Mékékidi, lui ?
Il est temps pour les lecteurs d’avoir de vraies explications. Les fans le méritent bien, et le peuple a le droit de savoir. Wonder Woman #322 est donc l’écrin dans lequel Dan Mishkin va dérouler l’intrigue qu’il prépare depuis quelques épisodes déjà. Pour l’occasion, la série, qui accueille d’ordinaire la back-up consacrée à Huntress, se passera des aventures d’Helena Wayne, dédiant l’ensemble de ses pages à Wonder Woman : une « book-length story », et on a bien besoin de toutes ces planches pour enfin connaître la vérité.

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Ne reprenant pas directement à la suite du précédent épisode, Wonder Woman #322 s’ouvre sur le visage de Diana. Elle porte l’un des appareils mentaux que les Amazones utilisent, et son visage est sillonné de larmes. Roublard, Mishkin nous offre une deuxième planche dont les images reprennent les moments classiques de l’équipe Prince / Trevor (la chute de l’avion, les bastons en commun, la première mort, les aventures avec I-Ching, la résurrection, la seconde mort…), mais la page est rythmée par la voix off de la Princesse, qui exprime ses reproches à sa mère.

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D’une certaine manière, le scénariste maintient à la fois le suspense et le trouble du lecteur, qui reconnaît des morceaux de l’histoire éditoriale du personnage, mais n’en trouve pas le fin mot. Pour reprendre l’expression de Steve Trevor (l’aternatif, rappelons-le) qui assiste à la scène, « c’est comme regarder un film suédois sans sous-titre ».

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Furibarde, Diana fait la leçon à sa mère, renvoyant celle-ci à ses choix discutables, à la fois comme mère et comme souveraine (c’est un thème qui revient dans d’autres récits de Mishkin : les choix de la souveraine ont des conséquences, souvent fâcheuses). C’est le moment que choisit Eros pour rappeler qu’il a été Steve Trevor. Ce qui ne manque pas d’agacer le Steve Trevor présent dans l’assemblée, à qui Hippolyte apprend qu’il vient d’une Terre alternative et que sa mémoire à lui aussi a été altérée.

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Bon, tout cela, c’est nouveau pour Steve et Diana (qui ne décolère point), mais pour le lecteur, c’est connu. C’est de la petite bière. De la rigolade. C’est là que les choses se corsent, comme disait Napoléon. Après un subplot (parce que faut bien se reposer, après toutes ces émotions), Mishkin revient à ses moutons et fait apparaître Aphrodite, toujours là dès qu’il s’agit de secouer le cocotier ou de lancer des grandes révélations avant de laisser les pauvres humains se débrouiller avec. Et là, elle sort du lourd !

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La déesse de l’amour explique que ramener des êtres à la vie est possible, mais bien difficile, même pour un membre du panthéon. Et qu’il faut un coup de pouce. Pour animer le corps de Steve Trevor (le premier), elle a insufflé au cadavre la force vitale de son fils Eros. Mishkin en profite pour expliquer la raison pour laquelle le Major Bradley s’est emparé de Trevor : il avait « senti » la force vitale du dieu et avait tenté de s’en emparer, ce qui a causé la mort du premier Steve. Dans le même temps, l’esprit d’Eros a été dispersé. Et quand il s’est reconstitué, le dieu est devenu fou. Placé dans une sorte de sommeil mystique, il n’en a été tiré que dans Wonder Woman #317, l’épisode à partir duquel Mishkin a articulé tout son développement.

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Le dieu, cependant, n’a pas retrouvé sa stabilité mentale. Toujours épris de Diana, toujours jaloux du Trevor alternatif, il entame un combat contre ce dernier sur l’Île de la Science, semant la destruction, au point que la machine à rayons pourpres (sorte de panacée amazone qui guérit de tout : l’équivalent de la cuve de Bacta chez DC !) menace d’exploser.

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Grièvement blessé (encore !!!), Steve Trevor est conduit près de la machine à rayons pourpres, encore instable, afin d’être guéri. Sentant que son rival, qu’il croyait avoir tué, est toujours vivant, Eros se précipite. Hippolyte, qui a une idée derrière la tête (encore !!!), attend que le dieu furieux approche…

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… et bientôt, il est lui aussi touché par le rayonnement. Et la source de sa folie est traitée de manière quasi médicale : les souvenirs qu’il gardait de sa fusion avec le premier Trevor sont extirpés de sa tête, soulageant soudain le déséquilibre mental dont il souffre. Et où vont-ils, ces souvenirs ? À la faveur de la brève connexion sous l’effet des rayons pourpres, ils affluent dans l’esprit du Trevor alternatif.

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Ainsi que l’explique Eros, redevenu calme et serein, les souvenirs propres au Steve que Diana a aimée jadis appartiennent désormais au Steve du présent (lui aussi calme et serein…). La péripétie annonce déjà l’astuce qui permettra à Peter Tomasi et Dan Jurgens de fusionner les deux versions de Superman (la « post-Crisis » et la « nioufiftitou », pour rappel). Et, en l’occurrence, elle permet à Dan Mishkin de recréer le statu quo, de rendre aux personnages le souvenir de leur histoire complète (ce qui évite aux auteurs de se creuser la tête pour savoir si les protagonistes peuvent se souvenir de ceci ou cela) et même de donner plus de sens à une saga précédente. Pour capillotractée qu’elle soit, la saga qu’il vient de conclure peut paraître gratuite, mais elle a finalement pas mal d’avantages. Et son écriture assez souple permet de faire passer la pilule.

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Car, toujours remontée, Diana n’est pas disposée à pardonner à sa mère. Visiblement intéressé par quelques intrigues de science-fiction, Mishkin conclut cet épisode par le départ (encore !!!) de Diana, bien décidée à ne pas remettre les pieds sur l’île dans un futur proche.

Jim

Les multiples mésaventures de Steve Trevor, première partie
Les multiples mésaventures de Steve Trevor, deuxième partie
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Les multiples mésaventures de Steve Trevor, quatrième partie
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