4 DE L'APOCALYPSE (Lucio Fulci)

REALISATEUR

Lucio Fulci

SCENARISTE

Ennio de Concini, d’après les nouvelles de Bret Harte

DISTRIBUTION

Fabio Testi, Lynne Frederick, Michael J. Pollard, Harry Baird, Tomas Milian…

INFOS

Long métrage italien
Genre : western
Titre original : I quattro dell’apocalisse
Année de production : 1975

Avant d’être principalement reconnu comme le Parrain du Gore et le Poète du Macabre, Lucio Fulci (Frayeurs, L’Au-Delà, La Maison près du Cimetière…) a, comme tous ses compatriotes réalisateurs, traîné ses guêtres dans pratiquement tous les genres du cinéma d’exploitation italien. Il s’est ainsi aventuré sur les sentiers poussiéreux du western à trois reprises…et entre Le Temps du Massacre (1966) avec Franco Nero et Sella d’argento (1978) avec Giuliano Gemma, Fulci a signé l’un des westerns spaghetti les plus atypiques avec 4 de L’Apocalypse.

4 de L’Apocalypse a débuté comme une adaptation des écrits de l’écrivain et poète américain Bret Harte, qui était spécialisé dans les récits sur la vie des pionniers en Californie. Le scénario crédite le prolifique Ennio de Concini, l’un des plus prolifiques scénaristes italiens de son époque (on retrouve son nom au générique du Colosse de Rhodes, du Masque du Démon, de Romulus et Rémus ou encore du Madame Kitty de Tinto Brass pour ne citer que quelques titres)…mais De Concini ne s’est pas entendu avec Lucio Fulci. Le réalisateur était en désaccord sur la direction prise par le script et a décidé de le réécrire complètement (mais sans que cela soit mentionné au générique).

Lucio Fulci a ainsi injecté quelques uns de ses thèmes de prédilection à une histoire qui prend progressivement des allures de road-movie surréaliste et complètement nihiliste qui flirte régulièrement avec le fantastique et l’horreur. Dès le début, Fulci appose sa marque : les gunfights sont ainsi beaucoup plus sanglants que d’ordinaire lors de l’attaque d’une ville purifiée par une milice masquée. Un quatuor hétéroclite échappe au massacre : un joueur, une prostituée, un alcoolo et un fossoyeur noir complètement cinglé. Ils vont alors tenter de rejoindre la ville la plus proche en chariot, mais leur voyage va se transformer en cauchemar…

Ce périple de rejetés de la société en quête d’une nouvelle vie prend place dans un Ouest aux allures d’Enfer sur Terre. Chaque étape surprend par ses ruptures de ton, passant régulièrement d’une scène légère à une autre beaucoup plus morbide en l’espace de quelques minutes. Ce n’est pas toujours bien maîtrisé, le déroulement du récit est le plus souvent décousu et l’enchaînement des péripéties manque de lien. L’ensemble manque donc de rigueur (j’ai notamment trouvé le passage dans la ville minière beaucoup trop long)…mais Lucio Fulci excelle dans la création d’atmosphères qui bascule d’un genre à l’autre de manière surprenante.

Le virage vers l’horreur est personnifié par le personnage de Chaco, incarné par le regretté Tomas Milian, qui avait déjà tourné sous la direction de Fulci dans La Longue Nuit de l’Exorcisme. Incarnation du mal absolu aux faux airs de Charles Manson, Chaco est l’initiateur d’une insupportable scène de torture et fait voler le groupe en éclats au cours d’une nuit et d’une matinée cauchemardesque.
Il y a également un côté intemporel à cet arrêt des personnages dans une ville fantôme battue par les vents et la pluie. Depuis le début, Bud le fossoyeur assure qu’il peut communiquer avec les spectres…et il pourrait bien avoir raison, la caméra de Fulci adoptant un point de vue subjectif qui pourrait bien être celui de présences fantomatiques…

Oui, 4 de l’Apocalypse est vraiment un western atypique…aussi bancal dans sa construction que très intéressant par bien des aspects, et notamment dans l’évolution de la filmographie de Lucio Fulci…

J’ai déjà dû le signaler ici ou là en évoquant la carrière de Fulci au fil des posts du Doc : je suis très fan de ce western atypique. C’est vrai qu’il y a des problèmes de narration, de rythme (et j’imagine que les réécritures massives que tu évoques n’y sont pas étrangères, même si Fulci est coutumier du fait, réécritures ou pas) mais aussi une ambiance incroyable, aux frontières du fantastique pur, un peu comme le terrible « Tire encore si tu peux », unique western du très peu prolifique mais génial Giulio Questi…
En fait, ce film annonce autant la suite de la carrière de Fulci (presque exclusivement consacrée à l’horreur pure et dure) que ses gialli de la fin des années 60/tout début des années 70, pourtant logiquement plus proches dans l’esprit.
Et quel acteur génial que ce Tomas Milian !! Il est parfait en hippie maléfique, ici. Cette thématique du versant sombre du flower power n’est d’ailleurs pas totalement étrangère au western italien, comme le montrait aussi l’hallucinatoire « Matalo! » de Cesare Canevari.