LE MASQUE DU DÉMON (Mario Bava)

REALISATEUR

Mario Bava

SCENARISTES

Ennio de Concini, Mario Serandrei et Mario Bava, librement inspiré par une nouvelle de Nikolai Gogol

DISTRIBUTION

Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani…

INFOS

Long métrage italien
Genre : horreur
Titre orginal : La maschera del demonio
Année de production : 1960

Lorsqu’il réalise Le Masque du Démon en 1960, son premier long métrage « officiel », Mario Bava avait déjà près de 20 ans de carrière derrière lui, en tant que directeur de la photographie, puis de spécialiste des effets spéciaux (son premier crédit recensé remonte à un court métrage tourné en 1939 alors qu’il avait 25 ans). Prolifique artisan aux multiples casquettes, Bava s’était en fait déjà retrouvé à plusieurs occasions derrière la caméra, sans être crédité pour ses participations.

Mario Bava avait d’abord signé quelques documentaires dans les années 40, avant de jouer le rôle de la cavalerie sur plusieurs tournages à problème à la fin des années 50. Il fut ainsi amené à terminer la réalisation de 3 films sur lesquels il exercait déjà à la photo et aux trucages. Sur les deux premiers, Les Vampires et Caltiki, le monstre immortel, il remplaca le vétéran Riccardo Freda (qui avouera plus tard qu’il avait quitté ces deux projets coup sur coup pour laisser à Bava, qu’il devinait très bon réalisateur, la chance de diriger). Le troisième fut le péplum à gros budget La Bataille de Marathon, commencé par l’excellent Jacques Tourneur (La Féline, Rendez-vous avec le Diable…).
Le tournage avait pris du retard et comme Tourneur n’avait pas souhaité prolonger son contrat, le studio Galatea demanda donc à Bava, réputé pour sa rapidité et son efficacité, de se charger des scènes supplémentaires.

Pour « services rendus », Galatea permit à Bava de réaliser son premier film en solo et sur le sujet de son choix. Grand admirateur de littérature fantastique et horrifique russe, Mario Bava jeta son dévolu sur l’adaptation d’une nouvelle de l’écrivain Nikolai Gogol datant de 1835, Viy.
Au final, le scénario, co-écrit avec Ennio Concini et Mario Serendrei, n’a retenu que peu d’élements de l’histoire originale (le cadre de l’action, la sorcière qui revient à la vie) pour prendre la voie de l’horreur gothique, très populaire à cette période depuis les succès de la firme britannique Hammer (mais pas que, Roger Corman se lançait à peu près au même moment en Amérique dans son fameux cycle Poe). Le cinéma de la Universal des années 30 aurait, dit-on, également grandement influencé les auteurs.

Au 17ème siècle, Asa, une puissante sorcière, et son machiavélique amant Igor Iavoutich sont mis au supplice par le propre frère d’Asa. Avant de mourir, Asa maudit les descendants de sa famille, le clan Vajda.
200 ans plus tard, un professeur de passage un peu trop curieux réveille par inadvertance la sorcière (quel maladroit !). Le cauchemar du chateau Vajda, où réside la Princesse Katia, portrait craché d’Asa, ne fait que commencer…

Dès les premières minutes, Mario Bava gagne ses galons de Maître du Macabre en s’attardant sur le supplice d’Asa par le biais de scènes d’une grande violence (le plan du masque enfoncé à coups de maillet dans le visage d’Asa a gardé un impact indéniable). Il s’agit tout de même de l’une des rares scènes gores d’une histoire de vengeance surnaturelle et séculaire (avec une pincée de romantisme) à l’atmosphère envoûtante, sublimée par une photographie en noir et blanc d’une grande beauté (alors que la grande majorité des films d’horreur de cette période étaient tournés en couleurs).

Avant de faire un usage brillant des couleurs lors de ses incursions suivantes dans le genre, Mario Bava a composé avec le noir et blanc des passages horrifiques d’anthologie, telles que les résurrections de Asa et Iavoutich, visions cauchemardesques qui auront inspiré plus d’un cinéaste.
Maquillages saisissants, jeux d’éclairages, ombres nuancées, atmosphères brumeuses…autant de techniques, dont certaines héritées du muet (comme les effets de vieillissements et de rajeunissement de Barbara Steele), qui ont participé à faire du Masque du Démon un chef-d’oeuvre absolu, véritable pierre angulaire de l’horreur gothique à l’italienne.

Le Masque du Démon marqua aussi le premier grand rôle de l’actrice britannique Barbara Steele, à la beauté troublante et fascinante et au jeu intense, expérience qui ne fut pas de tout repos pour la jeune actrice qui ne supporta pas les difficultés du tournage, ce qui n’arrangea pas ses relations avec son réalisateur.
Le succès du film la cataloguera à jamais comme Reine de l’Horreur, en Amérique (La Chambre des Tortures de Roger Corman), au Canada (Frissons de David Cronenberg) et, bien entendu, principalement en Italie (L’effroyable secret du Dr Hichcock, Danse Macabre, Les Amants d’Outre-Tombe…).

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Et quelques artistes. Je me demande si Hirohiko Araki n’a pas Le Masque du Démon en tête lorsqu’il se lance dans l’aventure Jojo’s Bizarre Adventure en 1986 (la scène de la vierge avec le masque est un quasi copié/collé des premières minutes du film).

Je suis bien d’accord. Un film fascinant.

Idem en ce qui me concerne, j’adore ce film.

Pour ce qui est de sa postérité, on peut aussi citer Tim Burton, grand admirateur de Bava, qui basera un flash-back traumatique de son « Sleepy Hollow » sur ce fameux « Masque… ».

N.B. : tiens, Jack!, c’est marrant que tu cites « Jojo’s Bizarre Adventure » ; j’ai lu là dessus il y a peu et ça a l’air très intéressant et singulier…

Ah, Jojo’s Bizarre Adventure ! Je pourrais en parler pendant des… minutes (entières !). Je ne suis pas un grand fan de Manga, enfin de « shonen » devrais-je dire plus précisément (soit la majorité de la production qui passe nos frontières), donc je me restreins à peu de choix.

Et ça tombe bien parce que dans le genre shonen, Jojo’s est un peu le lointain parent de toute une génération de mangakas, de Yoshihiro Togashi à Hiroyuki Takei en passant par Kazui Takahashi. Des auteurs qui reprendront tous à leur compte le coup de génie du maitre Hirohiko Araki, le concept du Stand, sorte de double psychique aux pouvoirs singuliers (et parfois complétement loufoques) qui se développe chez les initiés.
De l’aveu de l’auteur, il imagine le Stand en réponse aux pouvoirs imprécis (juge-t-il) de Superman. Ce qu’il veut (et on veut bien le croire vu la propension des auteurs de shonen à vouloir tout quantifier) c’est des affrontements réglementés, ingénieux et équilibrés où le gagnant n’est pas désigné à l’avance ni le plus fort, seulement le plus malin.

Jojo’s Bizarre Adventure, c’est d’abord l’histoire de plusieurs générations de Joeystar, les enfants et petits enfants de Joseph, celui qui combattit son demi-frère vampirisé Dio dans les rues du Londres victorien. Chaque membre s’entête depuis à défendre le Monde des forces du mal, se découvrant au fil des saisons une inclinaison particulière pour le combat de Stand.

Même si Araki n’épargne pas à ses lecteurs les clichés du genre (ces vilains tout pas beaux qui finissent par se ranger du bon coté ; ces personnages qui se jaugent interminablement ; la moralité à deux ronds, etc.), Jojo’s Bizarre Adventure n’en reste pas moins une œuvre singulière.
D’abord par son style graphique. Empruntant dans un premier temps à Tetsuo Hara (Ken le Survivant), l’artiste amoureux de la gente masculine révèle un trait plus souple dans les pauses lascives qu’affichent ses héros coquets (ça change des ‹ lolitas à violer › d’ailleurs). Couplé aux angles étonnants, il confère une fluidité aux chorégraphies pourtant complexes auxquelles s’adonnent les protagonistes lors de batailles aussi dynamiques que chaotiques*.
Ensuite par son aspect international qui permet à Araki de faire voyager le lecteur en présentant son Angleterre, son Amérique, son Italie et son Japon au fil de saison clairement influencée par ce qu’il consomme sur le moment. Si la première témoigne de sa passion pour les productions horrifiques de la Hammer, les suivantes digèrent l’aventure ‹ pulp › à la Indiana Jones ; les super-héros ; une petite ville très Lynchienne ; et les films du Parrain dans un panacée de lieux et d’environnements qui servent souvent d’instrument aux plus malicieux des Standeurs.
Et finalement, pour son ambition. Parce qu’en plus de se targuer de réécrire les règles du combat shonen sous la forme de jeux de stratégie protéiforme, Araki conçoit une saga colossale (déjà plus de 100 volumes, il faut en vouloir pour se lancer) où il se permet quand il le désire de faire disparaitre les héros favoris des lecteurs (pas de boules de cristal ici) ; ou d’imposer un protagoniste qui n’appartient pas à la famille Joeystar ; ou encore de faire gagner le méchant (!?!). A l’image des Stands, Araki ne s’impose aucune limite pour faire avancer son univers et surprendre ses lecteurs.

Tout ces ingrédients participent à la renommée de Jojo’s Bizarre Aventure, œuvre fascinante atteignant son sommet avec la quatrième saison - saison aux combats plus furieux les uns que les autres - et qui se détache des mécanismes et des questionnements immatures auxquels se soumet le reste du médium par son originalité.


[size=85]* Le trait se fait plus fouillis sur les dernières saisons. C’est la faute à Araki qui ne fait plus aucune différence à l’encrage entre les plans et les personnages, confondant tous les éléments en une forme unique (si Joseph tombe de chevale, le chevale et le décors chavirent avec lui). Cela dit, son trait ne perd pas de son charme.[/size]

Wow !! Merci pour ce descriptif très complet et, ma foi, fort alléchant.
Et désolé pour le HS, les autres. :wink:

No problemo. Moi je ne connais pas, vu que ma dernière lecture d’un manga remonte à très longtemps, et c’est très intéressant…

Si c’est un constat qu’on pouvait encore faire il y a dix ans, j’ai l’impression que ce n’est plus vraiment le cas actuellement. Bien sûr, ça reste une catégorie dominante dans la traduction de mangas et celle qui concentre les plus gros tirages pour quelques titres, mais le marché a évolué en partie face à la multiplication des éditeurs, ce qui a aidé à améliorer la diversification de l’offre, et pour faire face au vieillissement d’une partie du lectorat. Le seinen et le shojo sont désormais très présents chez beaucoup d’éditeurs, y compris certains gros comme Kana.

Toujours au sujet de « Jojo’s Bizarre Adventure », quelqu’un sait si les OAV ou la série télé plus récente (je crois) valent le détour ? J’ai vu que ça pouvait se voir assez facilement…

C’est probablement vrai. Mon expertise s’arrête il y a bien longtemps.

Mais je dois avouer que même sur d’autres genres, que ce soit le Seinen pour jeunes adultes ou le Seijin, ça me tombe souvent des mains. Par exemple, l’Attaque des Titans est d’une niaiserie à toute épreuve, avec des personnages imbuvables aux poses théâtrales, continuellement en train de beugler leurs convictions comme des ânes alors que, sincèrement, on s’en fout un peu. Personnellement, je ne vois pas de grande différence avec le Shonen si ce n’est la violence supplémentaire.
Et je ne parle pas du décalquage des figures d’une œuvre à l’autre (globalement, on retrouve le même trio de guerriers : le niai puissant, le mystérieux violent et le lourdingue simplet) ou la structure répétitive du « je combat, je m’entraine, je combat, je m’entraine etc. ». La rengaine du dépassement de soi infligée par la société et que les auteurs colportent d’eux-mêmes.
Mon problème en définitif, c’est que je trouve les mangas en grande partie immatures dans leur réalisation. Je ne partage clairement pas les questionnements de cette culture que ce soit aux sujets de la sexualité, de l’accomplissement, de la moralité ambivalente, sur l’humour bas de la culotte, etc.

Ce n’est pourtant pas faute de m’intéresser à la chose mais la lecture des succès Naruto et de l’Attaque des Titans me fut longue (très longue) et bien trop pénible. Là, on m’a prêté Hunter X Hunter, le dernier manga du papa de Yuyu Hakusho que je lisais plus jeune. C’est pas extraordinaire mais au moins les péripéties s’enchainent vite et avec fluidité.

Enfin, ce constat ne m’empêche pas d’admirer les œuvres d’artistes comme Ozamu Tezuka, Takashi Nagasaki, George Morikawa, Hiromu Arakawa, ou encore Katsuhiro Ōtomo.

C’est potable mais tu ne feras qu’effleurer du doigt ce qui fait le charme du manga en passant par un intermédiaire qui résume l’histoire avec fidélité, certes, mais qui ne peut pas offrir la même satisfaction.

[size=85]C’est exactement ce que tu ne voulais pas entendre, n’est-ce pas ?[/size]

[quote=« Jack! »]

[size=85]C’est exactement ce que tu ne voulais pas entendre, n’est-ce pas ?[/size][/quote]

Ha Ha !! Tout juste !
Je vais quand même tenter le coup, vu que je ne me vois pas me lancer dans un marathon de 110 tomes et des bananes pour la version papier…

Je suis une authentique buse pour tout ce qui concerne le manga, mais je me permets quand même un conseil car je ne vois pas le nom de cet auteur dans ta liste : tente « Opus » de Satoshi Kon si tu ne connais pas, ça devrait te parler.

Oui, ça me tente depuis un petit moment. Je vais le remonter dans ma liste size=85[/size].

[quote=« Jack! »]Mais je dois avouer que même sur d’autres genres, que ce soit le Seinen pour jeunes adultes ou le Seijin, ça me tombe souvent des mains. Par exemple, l’Attaque des Titans est d’une niaiserie à toute épreuve, avec des personnages imbuvables aux poses théâtrales, continuellement en train de beugler leurs convictions comme des ânes alors que, sincèrement, on s’en fout un peu. Personnellement, je ne vois pas de grande différence avec le Shonen si ce n’est la violence supplémentaire.
Et je ne parle pas du décalquage des figures d’une œuvre à l’autre (globalement, on retrouve le même trio de guerriers : le niai puissant, le mystérieux violent et le lourdingue simplet) ou la structure répétitive du « je combat, je m’entraine, je combat, je m’entraine etc. ». La rengaine du dépassement de soi infligée par la société et que les auteurs colportent d’eux-mêmes.
Mon problème en définitif, c’est que je trouve les mangas en grande partie immatures dans leur réalisation. Je ne partage clairement pas les questionnements de cette culture que ce soit aux sujets de la sexualité, de l’accomplissement, de la moralité ambivalente, sur l’humour bas de la culotte, etc…][/quote]

Je ne lis pas L’attaque des titans mais des auteurs comme Taiyô Matsumoto, Atsushi Kaneko, Makoto Yukimura, Tetsuya Toyoda ou Inio Asano entre autres n’ont pas cette approche dans leur conception de la bande dessinée.

J’en suis certain. Il y a d’ailleurs certains noms que tu cites qui me parlent, d’autres que j’ai lu (Bambi). Encore une fois, c’est plus mon désintérêt pour une partie de la production qui parle.

Suspiria (je n’ai pas d’autre nom)

Le saviez-vous :ASA VAJDA a été fiancée à DRACULA.

Barbara Steele par Bill Black :

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Neil Vokes :

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Matt Talbot :

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