Oui, mais je ne sais pas qui est l’œuf et qui est la poule.
En fait, je ne me reconnais pas dans le cinéma français. Les comédies ne me font pas rire, et les films « hors genre » m’ennuient par leur volonté de « parler de problèmes sociaux » en oubliant de raconter une histoire. L’absence de films de genres à quelques exceptions notables m’ennuie. Et quand on a un film de SF (par exemple) c’est souvent un navet surjoué et mal filmé. La production me navre : le montage est mou, le son est pourri…
Alors oui, je caricature, je fais de grandes généralités, parce que j’en suis à un point où j’ai tellement décroché du cinéma français qu’il est fort probable que je passe à côté de tas de trucs, et que mon propos n’est pas réellement étayé faute de matière, justement, mais à chaque fois que j’y trempe l’orteil, je trouve que l’eau est froide.
C’est un peu pareil pour la télé, cela dit. On a déjà parlé d’Un village français (mais on en a parlé sur le fond, pas sur la forme), qui est l’une des rares productions « récentes » que j’ai suivies. Mais je suis désolé, rien que la prise de son, ça me navre. C’est ma langue natale, et pourtant il m’arrive de ne pas comprendre ce que marmonnent les acteurs (et c’est assez frappant : les acteurs les plus vieux sont ceux que je comprends le mieux, à croire qu’on n’apprend plus à articuler aux jeunes interprètes). Alors qu’il y a des séries anglophones que je peux suivre sans sous-titre, parfois.
Récemment, j’ai regardé un épisode de Caïn, parce que j’aime bien l’acteur, j’aime bien le principe, j’avais vu un ou deux épisodes (accessoirement, quand j’allais plus souvent à Paris et que je passais des soirées à l’hôtel, je testais des trucs, c’est à l’hôtel que j’ai vu des épisodes de Profilage, par exemple… depuis bientôt deux ans, je ne le fais plus qu’avec une extrême rareté…). Et donc, c’était pas mal, mais les dialogues sont trop explicatifs, le dosage d’émotion (genre les scènes d’engueulade, de colère, de surprise) est souvent bancal, et le montage… Sérieux, le montage : il y avait une scène avec un personnage devant le cadavre de sa compagne, et ça durait, ça durait, c’était interminable, alors qu’il n’y avait pas de dialogue, que c’était censé montrer le désarroi, le chagrin, la solitude. Et là, je veux pas faire le grincheux, mais la scène équivalente dans CSI ou équivalent, ça aura une autre gueule.
Les rares séries qui m’aient emballé ces dernières années, elles viennent de Canal. Genre Engrenages. Qui est très bien : plutôt bien filmé, avec une caractérisation solide (bon, c’est français, donc faut suggérer lourdement du cul, mais à part ça…), des acteurs impliqués, des cadrages évocateurs, des micros allumés, tout ça. Mais tu mets Engrenages face à The Wire, pour rester dans la logique d’une intrigue croisée sur plusieurs milieux professionnels, ou Line of Duty pour la réflexion sur la déontologie et le rapport à la justice, et tu vois le retard.
En fait, en tant que spectateur (je ne suis que ça en matière d’images qui bougent), je vois autant de soucis dans la fiction audiovisuelle française que dans la BD franco-belge. Les mêmes travers sur le fond (il faut avoir « quelque chose à dire ») et sur la forme (le lettrage : à chaque album, je me bats pour essayer d’avoir un lettrage riche, ça a été une galère chez Soleil, où la seule idée d’avoir des récitatifs de couleurs générait des épidémies d’anévrisme dans la rédaction). Et à côté, les comics les plus populaires démontrent qu’on peut très bien faire de l’action en racontant quelque chose, qu’on peut très bien utiliser des récitatifs de couleurs et des polices différentes sans que les quarante mille lecteurs de Batman soient traumatisés.
Je vois dans l’édition de bande dessinée ce que je crains pressentir dans l’audio-visuel : aucune audace.
Je me souviens d’une interview de Virginie Brac, la créatrice (entre autres) de la série Les Beaux mecs (une excellente série polar, au demeurant). Le principe de cette série, c’est qu’il y a une action au présent qui est, pour faire court, la conséquence d’une action au passé, et donc le récit passe d’une époque à l’autre dans une succession de flash-backs. Elle a galéré pour trouver des producteurs, et quand elle a rencontré TF1, ils lui ont répondu que les allers-retours entre passé et présent étaient trop compliqué et que le public ne comprendrait pas. La série est sortie en 2011, donc les démarches se sont déroulées avant… à une époque où l’énorme succès de TF1, c’était Lost. Et là, ça en dit long sur la connaissance du matériau.
Je me rappelle un témoignage d’une scénariste de télévision, qui avait piqué un coup de gueule (sur France Inter, je dirais), il y a des années, en disant, peu ou prou : « C’est pas étonnant qu’on n’arrive pas à exporter nos productions : c’est de la merde ! »
Jim